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Syrie: les affamés de Madaya ou la guerre des photos
Qu'y a-t-il de mieux que des photos d'enfants émaciés pour donner la mesure du martyr que vivent les habitants de Madaya, en Syrie ? Pas grand-chose. C'est donc une avalanche d'images terribles qu'internet voit déferler ces jours-ci. Pour contrecarrer l'extrême dureté de ces photos, les pro-Assad en contestent l'authenticité et faute de mieux, les brocardent. L'Humanité n'en sort pas grandie...
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Des enfants dont les côtes saillent. Un bébé au visage tellement creusé qu'on ne voit que ses yeux. Des petits avec des feuilles d'arbre à la bouche, une maman donnant à son bébé une eau colorée en guise de repas. Toutes ces photos sont sur twitter pour alerter le monde sur la situation critique des habitants de Madaya.
Madaya est une petite ville syrienne tenue par les rebelles, située près de la frontière avec le Liban et assiégée depuis six mois par l'armée et les milices loyalistes de Bachar al-Assad, aidés du Hezbollah selon des observateurs cités par L'Orient Le Jour. La population de plus de 40.000 personnes n'est plus ravitaillée et hommes, femmes et enfants subissent une pénurie de nourriture sévère. Pour leur venir en aide et alerter l'opinion publique mondiale, les réseaux sociaux se mobilisent et les mots-clés fleurissent. #Madaya ou Help#Madaya, accompagnant des photos plus poignantes les unes que les autres.
La riposte
Les partisans de Bachar al-Assad, en Syrie ou à l'étranger, réagissent et allument des contre-feux. Ils tentent de démontrer que ces photos sont fausses, trafiquées ou datent d'avant 2015. Le procédé est simple, il suffit de les comparer aux clichés existant sur le web, les coordonnées géographiques, ou la date, démasquent l'éventuel subterfuge. Et en effet, certaines de ces photos sont antérieures au siège de Madaya, comme celle-ci qui date de juillet 2013.
اللهم ان هؤلاء المسلمين خذولوهم
— قصايد (@al_qsid) July 17, 2013
من يدعون انهم مسلمين
اللهم انصرهم على اعدائم واطعمهم واسقهم من فضلك
#سوريا pic.twitter.com/1yBwxRkYFa
Si certaines sont abusivement utilisées pour servir le propos de ceux qui veulent donner l'alerte, beaucoup d'autres semblent avérées. De plus, plusieurs d'entre elles proviendraient d'un médecin sur place qui les aurait tournées lui-même. Confirmé par le bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), «environ 42.000 personnes se trouvent au bord de la famine à Madaya et l'ONU a reçu des rapports crédibles sur des personnes qui meurent de faim et qui ont été tuées en essayant de quitter la ville.»
Et sur la toile, la violence est montée de plusieurs crans avec un nouveau type de réponse à ses photos insoutenables.
La surenchère
Comme s'en fait l'écho le journal anglais The Indépendent, sous le hashtag #متضامن_مع_حصار_مضايا en arabe, signifiant #JeSoutiensleBlocuscontreMadaya, des internautes rivalisent d'imagination pour envoyer des photos de plats appétissants et de tables couvertes de victuailles. Plus qu'aux assiégés, les photos s'adressent aux détracteurs d'Assad sur les réseaux sociaux. Ce hashtag et ces photos provoquent la consternation et l'indignation des autres internautes :
Cette campagne soutenant le siège de Madaya et moquant les assiégés mourant de faim a gagné le Liban comme le relate le site Beirut Syndrome. Là encore, des tables débordantes le disputent à des plats plantureux. L'escalade dans l'outrage est maintenant de railler la maigreur extrême, en postant, entre autres, des photos d'une femme maladivement maigre et en la désignant «Miss Madaya»...
L'espoir ?
Les Nations Unies ont obtenu une autorisation du gouvernement syrien pour accéder à la ville. «Le jour et l'heure ont été fixés. L'aide va arriver dans ces trois villes (Madaya, Foua et Kafraya, deux autres petites villes du nord-ouest assiégées, par les rebelles cette fois, NDLR) lundi matin. Tout se fera en même temps», a déclaré à l'AFP le chef des opérations du Croissant-Rouge syrien, Tamam Mehrez. Cette information a été confirmée: «C'est sûr que la distribution d'aide n'aura pas lieu dimanche (10 janvier, NDLR) pour des raisons logistiques. Nous travaillons dur pour qu'elle ait lieu lundi», a déclaré de son côté à l'AFP Pawel Krzysiek, porte-parole du CICR à Damas.
Mais comme ce n'est pas la première «autorisation» d'entrer dans Madaya que donne le gouvernement syrien, ce n'est que le lundi 11 janvier que l'on sera sûr que de l'aide parvient réellement à ces villes.
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