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Un réfugié syrien en France raconte la mort de son neveu sous la torture à Damas

Inconsolable, Dahi al-Maslamani ne dort plus la nuit depuis qu’il a eu confirmation en 2014 via internet que son neveu était mort sous la torture à Damas, au centre des redoutables services de renseignement de l’armée de l’air. Il est décidé désormais à dénoncer les pratiques du régime, à réclamer justice. Il implore également le président français de l’aider à rapatrier deux autres de ses neveux.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Dahi al-Maslamani, ancien juge syrien réfugié politique en France, indique sur une carte le barrage, près de Deraa, où son neveu a été arrêté avant d'être torturé à mort par les Mukhabarâts du régime. (DR)

A 51 ans, cet ancien inspecteur des finances syrien, également juge en charge des dossiers économiques, est aujourd’hui réfugié politique en France. Son crime : avoir cherché à savoir ce qu’était devenu l'un des quatre enfants de son frère qu’il éduquait, sur les onze que celui-ci a eu.
 
Ils étaient pour lui comme ses fils et filles, surtout le petit dernier Ahmad, qu’il a récupéré à la naissance. «Il était plutôt frêle et maladif, précise Dahi, et pour moi, il n’en fallait pas plus pour mobiliser toute mon affection. Il ne s’endormait que dans mes bras et je ne pouvais commencer à travailler le soir que lorsqu’il était couché».
 
Exfiltré vers le Liban voisin après la mort d’un de ses frères, (Shadi, tué par balles par les hommes du régime à Deraa dès les premiers jours du printemps syrien), Ahmad, âgé alors de 14 ans, apprend à Beyrouth le décès de sa mère en Syrie, terrassée par la perte de son premier fils.
 
Ahmad décide, de son propre chef, de rejoindre son village de Namer, dans la province de Deraa. Il est arrêté au barrage de Kiswa avec un portable, «qui n’était d’ailleurs pas le sien», tient à préciser son oncle, sur lequel les soldats découvrent une chanson satirique sur Bachar al-Assad.
 
Intitulée «Quelle honte!», «la honte que ce régime que nous aimons nous tue», cette chanson était sur toutes les lèvres des révolutionnaires et avait le don de mettre en rage les services du régime.
 
Ahmad est alors abreuvé d’insultes et embarqué pour un périple entre les mains des Mukhabarâts (les services de renseignements) de l’armée de l’air, de sinistre réputation dans le pays. Il n'en sortira pas vivant.
 
Ayant appris son arrestation par un habitant du village voisin, Dahi al-Maslamani, en fonctionnaire respectable, va actionner toutes ses connaissances. Il versera de fortes sommes d’argent à des intermédiaires, dont Charif Chehadé, membre du Congrès du peuple (Parlement), qui lui avait promis de sortir son neveu de l’enfer contre 2 millions de livres syriennes, mais sans tenir sans sa promesse.
 
 
Dahi al-Maslamani découvrira en 2014 sur internet les photos du corps tuméfié de son neveu, mort sous les coups. Les photos font partie de celles prises à l’hôpital 601, par le fameux César chargé de fixer les images et numéros des victimes mortes sous la torture et sorties clandestinement du pays pour être communiquées à l’ONU.
 
Il reconnaît formellement son neveu tout comme il le reconnaîtra sur une vidéo prise par les tortionnaires en pleine action et postée sur Facebook. «C’est lui sans aucun doute, je reconnais ses cris de douleur, il fait partie de mon être, il est un part de mon cœur».
 
Pour appuyer ses dires, et surmontant la souffrance évidente qu'il doit affronter tous les jours, il montre sur son téléphone un extrait vidéo d’une séance de torture filmée par un des trois tortionnaires.
 

Accablé de tristesse, il laisse échapper son ressentiment à l’égard du régime pour lequel il travaillait en toute intégrité. «Je ne peux pas me taire lorsque je vois des gens dépouiller la population de cette manière» dit-il, dénonçant les pratiques de ce qu’il appelle un gang.
 

 
Dahi al-Maslamani élargit ensuite son propos à la situation prévalant dans son pays en faisant une comparaison inattendue et en établissant un bilan bien plus important que celui des 260.000 morts,chiffre communément avancé par les médias.


 
En fin d’entretien, l'ancien juge explique qu’il n’est pas dans la révolte. «Tout ce que je veux, c’est que justice soit faite. Si ceux qui ont tué mon enfant vont en prison, ça me soulagerait et ça soulagerait mon petit Ahmad» dit-il entre deux sanglots.
 
Dans une ultime tentative d’apaiser sa douleur et ses angoisses, Dahi al-Maslami lance un appel solennel à François Hollande et au peuple français à l’aider à sauver deux autres de ses neveux, actuellement en exil, en leur accordant le statut de réfugiés auprès de lui. 

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