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Turquie, Rotterdam, Bogota… Quand les citoyens se mettent au financement participatif

Le "crowdfunding" ne concerne pas que la culture ou les nouvelles technologies. Face à l'inertie ou au manque de moyens de leur gouvernement, les initiatives civiques se multiplient.

Article rédigé par Nora Bouazzouni
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Donner de la visibilité à un mouvement de contestation, financer un projet immobilier… Le crowdfunding a plusieurs facettes. (JOOS MIND / THEIMAGE BANK / GETTY IMAGES)

Si l'on vous dit "financement participatif" (crowdfunding), vous pensez probablement à un groupe sans le sou qui cherche à sortir son premier album, à une série télé déchue qui se tourne vers ses fans pour renaître de ses cendres ou encore à des inventions géniales sorties du cerveau (et du garage) d'un(e) passionné(e). Mais le crowdfunding peut aller beaucoup plus loin lorsque des citoyens décident de reprendre en main le destin de leur ville ou de leur pays.

Donner de la visibilité à un mouvement de contestation

En Turquie, où la mobilisation s'amplifie contre le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan et sa politique répressive, les manifestants sont bien déterminés à attirer l'attention du reste du monde sur leur situation. Pour ce faire, trois Turcs vivant aux Etats-Unis ont lancé, lundi 3 juin, un appel à la générosité des internautes afin de financer une pleine page dans le New York Times pour expliquer le mouvement de contestation. Postée sur la plateforme Indiegogo, la campagne avait pour objectif de récolter 53 800 dollars (41 000 euros). Elle a atteint son but moins de 24 heures après son lancement, constate Forbes (en anglais), et va bientôt dépasser les 100 000 dollars, grâce à plus de 2 500 contributeurs. La pub, approuvée par le New York Times, sera publiée vendredi 7 juin.

Sortir un quartier de l'isolement

En 2011, à l'approche de la Biennale internationale d'architecture de Rotterdam (Pays-Bas), des architectes ont décidé d'agir pour reconnecter le quartier de Hofplein et le centre-ville, séparés par une voie rapide et une ligne de chemin de fer. La municipalité invoquait un manque de moyens et estimait qu'il faudrait une vingtaine d'années pour construire un pont. Alors, le cabinet Zones urbaines sensibles a décidé de faire participer les habitants de la ville portuaire pour édifier une passerelle "temporaire" en bois. Le projet, qui a pour slogan "Plus vous donnez, plus le pont sera long", propose de verser un écot de 25, 125 ou 1 250 euros et voir une planche ou une section plus ou moins importante du Luchtsingel gravée d'un message personnalisé – nom, déclaration d'amour, site internet…

  (I MAKE ROTTERDAM)

Aujourd'hui, "quelque 1 300 planches ont déjà pu être posées", indique Libération, soit dix-huit mètres de passerelle. Le projet est désormais ouvert aux internautes du monde entier. "Cet été, souligne le quotidien, les architectes comptent bien persuader de nouveaux crowdfunders pour que le pont grandisse encore. A terme, ils ambitionnent de construire une passerelle de 350 mètres de long. Ou 17 000 planches, selon l’unité de mesure choisie."

Investir dans l'immobilier

A Bogotá, le crowdfunding a fait encore plus fort pour freiner le développement horizontal de la ville : 300 000 Colombiens ont permis la construction de ce qui sera en 2014 le plus haut gratte-ciel du pays, le BD Bacatá. L'entreprise qui a lancé ce projet en 2010, Prodigy Network, a eu l'idée de diviser le bâtiment de 66 étages en plusieurs milliers de "parts" égales et de les vendre, avec retour sur investissement. Fort de ce succès – la campagne a levé près de 145 millions de dollars (109 millions d'euros) –, le PDG de Prodigy Network a revu ses ambitions (encore plus) à la hausse : Rodrigo Nino imagine désormais une ville tout entière subventionnée par ses habitants, explique Businessweek (en anglais).

Rendre sa ville plus agréable

Pour équiper Kansas City (Etats-Unis) de vélos en libre-service, l'association à but non lucratif BikeShareKC a soumis son projet Kansas City B-cycle sur le site de financement participatif "civique" Neighbor.ly (en anglais). Avec 28 donateurs seulement, près de 420 000 dollars (320 000 euros) ont été récoltés en 2012, sur un objectif de 700 000 dollars. BikeShareKC a ainsi pu mettre en place 12 bornes, et 90 vélos partagés circulent dans le centre-ville de Kansas City, rapporte Salon (en anglais).

De nombreux sites spécialisés dans le crowdfunding citoyen ont vu le jour, comme Citizinvestor, Ioby ou Spacehive. Même si le financement participatif doit sa popularité au web, The Economist (en anglais) note avec malice qu'en 1885, un siècle avant l'invention d'internet, plus de 120 000 Américains ont subventionné le piédestal sur lequel repose la statue de la Liberté.

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