99 ans après le génocide, les Arméniens «cachés» découvrent leur histoire
En Turquie, les événements du 24 avril 1915 où des centaines de milliers d’Arméniens furent déportés et tués par les Ottomans, restent un tabou. A cette époque, des milliers de familles se sont converties à l’islam pour survivre.
Pour souligner le tabou que ces conversions peuvent représenter, Ariane Bonzon évoque dans un article sur le site de Slate «le mythe national de l’identité turque et musulmane», fondement de la République turque, pourtant laïque. Les rescapés du génocide, que les Ottomans appelaient les «restes de l’épée», sont donc bien souvent considérés comme des clandestins.
Dans le même temps, les cours d’arménien ont de plus en plus de succès dans le pays : un signe qui montre que les Turcs d’origines arméniennes de la nouvelle génération revendiquent désormais leur passé. En quête de leurs racines, ils reviennent à la langue de leurs ancêtres.
A Istanbul, Berkin, un jeune Arménien «caché», vient de découvrir ses origines chrétiennes. Elevé dans la religion musulmane, le jeune homme de 17 ans s’est lancé à la recherche de ses origines. Pour Pâques, il a rejoint des dizaines d’autres fidèles à l’église Surp Vorodman dans le quartier stambouliote de Kumkapi. Tuma Özdemir, le président de l’association des chrétiens d’Orient, se réjouit d’ailleurs de pourvoir célébrer dans les églises turques les fêtes chrétiennes.
Secret inavouable
Dans son article Ariane Bonzon cite des rumeurs concernant les origines arméniennes de la fille adoptive de Kemal Atatürk et de la grand-mère du président Abdullah Gül. Des rumeurs qui témoignent que les Turcs n’acceptent pas encore tout à fait les origines arméniennes de certains de leurs concitoyens.
Qualifiés d’ «infidèles» dans les villages du sud-est de la Turquie, les chrétiens d’origine arménienne ne peuvent pas pratiquer leur religion librement. Dans un reportage réalisé en 2010, Arian Bonzon a rencontré certains d’entre eux. Ils lui ont décrit la discrimination dont ils sont victimes.
Il y aurait aujourd’hui des millions d’Arméniens « cachés » en Turquie. Même si beaucoup craignent encore d’afficher leur véritable origine, un mouvement est bien en marche. Des intellectuels font pression sur les politiques pour que le vocabulaire change. En décembre, le ministre des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, parlait des déportations d’Arméniens comme d’une «erreur», d’un «acte inhumain». La déclaration d’Erdogan le 23 avril vient confirmer le changement des autorités turques dans la façon d’aborder ce drame.
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