Pour Olivier Bertrand, journaliste français emprisonné trois jours en Turquie, le pays "est en train de plonger dans une vraie dictature"
Olivier Bertrand, journaliste et cofondateur du site Les Jours, est revenu pour franceinfo, lundi, sur ses trois jours d'incarcération en Turquie.
Le journaliste Olivier Bertrand, arrêté vendredi 11 novembre en Turquie, a été libéré dimanche 13 novembre et expulsé vers Paris. Le cofondateur du site Les Jours était en reportage à Gaziantep, dans le sud du pays, non loin de la frontière syrienne.
franceinfo : Quelles étaient vos conditions de détention ?
Olivier Bertrand : Pendant trois jours, on ne m'a pas dit une seule fois les charges précises, pénales ou administratives, qui pouvaient peser contre moi. On m'a interrogé sur mes contacts, sur ce que je faisais en Turquie, sur les villes où je comptais aller. Pendant trois jours, je n'ai pas eu une seule fois un interprète. Jamais il n'a été possible d'appeler l'ambassade, ou de passer un coup de fil. L'une des obsessions était d'obtenir les codes de mes téléphones pour récupérer les contacts. Si je refusais, mes téléphones allaient être saisis et je resterais en Turquie les mois nécessaires pour que l'enquête se déroule.
Les journalistes sont-ils une cible des autorités turques ?
Depuis le mois de juillet, en arrêtant des intellectuels, des journalistes réputés et des écrivains, on fait passer le message aux Turcs que personne n'est à l'abri. C'est ce que tente le pouvoir turc avec la presse étrangère. Le fait d'être journaliste occidental représente une menace dans l'esprit des autorités turques. Mais elle pousse aussi les policiers à être un peu plus vigilants qu'ils ne le sont avec des Turcs. Les conditions de détention n'étaient pas évidentes psychologiquement, mais nettement moins périlleuses que celles que subissent des dizaines de milliers de Turcs aujourd'hui, qu'ils soient opposants ou journalistes.
Le pouvoir turc tente-t-il de museler toute critique ?
La Turquie est en train de plonger dans une vraie dictature. C'est un pays où le président et le parlement sont élus. Mais je crains que ce soit le dernier attribut de la démocratie. Pour le reste on s'enfonce vers une "démocrature" ou une "dictocratie". Les ambassades européennes se réunissent pour faire le point sur le sort des journalistes européens. Mais, la présence de 2,8 millions de réfugiés syriens terrorise une partie des gouvernements européens, avec la crainte de les voir arriver en Europe. L'instabilité d'Erdogan inquiète les gouvernements européens. C'est quelqu'un qui a un comportement pas très rationnel. Diplomatiquement, c'est très compliqué.
Vous allez continuer à travailler sur la Turquie ?
Ce n'est pas parce que j'ai été expulsé que l'on va arrêter de travailler sur la Turquie. Ce qui est certain, c'est que Les Jours ne lâcheront pas la Turquie. Il se passe dans les commissariats turcs des choses incroyables. On va les raconter.
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