Turquie : pourquoi Erdogan reste inflexible
Alors que la contestation est entrée dans son onzième jour, le Premier ministre turc ne semble pas vouloir lâcher du lest face aux manifestants. Explications.
Il ne baisse pas le ton, bien au contraire. Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a lancé la contre-offensive, dimanche 9 juin, face aux manifestants qui réclament depuis dix jours sa démission. Dans des discours prononcés à Ankara et dans le sud du pays, le chef de gouvernement a tenu à montrer sa fermeté, intacte après dix jours de contestation. Francetv info fait le tour des arguments qui le poussent à adopter cette stratégie.
Pour mobiliser ses partisans
A peine rentré d'une tournée au Maghreb, Recep Tayyip Erdogan a tenu six meetings dans la seule journée de dimanche, devant des milliers de partisans du Parti de la justice et du développement (AKP), et alors que ses adversaires se sont une nouvelle fois réunis à Istanbul.
Objectif à peine voilé de ces interventions publiques et télévisées : répondre à la contestation grandissante, et surtout remobiliser ses nombreux soutiens. Le parti de Recep Tayyip Erdogan peut en effet se targuer d'un résultat très honorable obtenu lors des élections de juillet 2011. Le Premier ministre conservateur a été réélu avec près de 50% des voix, quand les deux principaux partis d'opposition n'ont recueilli que 26% et 13% des suffrages. Et malgré la crise actuelle, cette base reste fidèle à son leader, explique Le Monde (article payant), qui a rencontré de nombreux Stambouliotes soutenant son action.
Pour Erdogan, l'enjeu est désormais de les mobiliser. En masse, de préférence. Avant son départ au Maroc, il se vantait ainsi de pouvoir rassembler "un million de membres de [son] parti" si les manifestations contre lui atteignaient 100 000 personnes. Son appel au rassemblement partisan, dimanche 16 juin, sera l'occasion de le vérifier.
Pour mettre sous pression les manifestants
Mais ces six meetings ont davantage été l'occasion d'occuper le terrain médiatique pour reprendre la main face à ceux qui défient son autorité. Le Premier ministre turc a donc renoué avec sa rhétorique offensive vis-à-vis des manifestants. Dans des discours enflammés, il a de nouveau pointé les "pillards" et les "extrémistes", promettant de leur faire payer "le prix" de leur mobilisation.
Surtout, le chef du gouvernement a ouvertement exprimé son ras-le-bol de la contestation. "Nous restons patients, nous sommes toujours patients, mais notre patience a des limites", a-t-il prévenu lors d'un discours à Ankara, au risque de tendre davantage le climat.
Hors de question pour lui de lâcher du lest face aux manifestants. Malgré leur détermination, Recep Tayyip Erdogan n'est pas revenu sur son refus de céder et de revoir le projet d'aménagement du parc Gezi d'Istanbul, à l'origine de la fronde. "Nous mènerons ce projet à son terme", a martelé, jeudi, le chef du gouvernement, indiquant qu'il ne permettrait pas "à une minorité de dicter sa loi à la majorité."
Pour préparer les prochaines élections
L'intransigeance du leader de l'AKP trouve enfin son explication dans les prochaines élections municipales et la présidentielle, prévues en 2014. Celles-ci constituent en effet des rendez-vous électoraux d'importance pour le Premier ministre, qui souhaite d'ici là faire adopter une réforme de la Constitution pour passer à un régime présidentiel et rester au pouvoir au-delà de 2015.
Selon Libération (article payant), Erdogan "joue le pourrissement du mouvement et pourrait ensuite convoquer des élections anticipées où son parti, même affaibli, arrivera très probablement en tête". Dimanche, il a donc exhorté ses adversaires à patienter "encore sept mois au lieu d'occuper [le parc] Gezi ou [le parc] Kugulu [à Ankara]", et a conseillé à ses partisans de "donner une leçon" aux manifestants "dans les urnes".
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