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Faut-il désarmer la police pour assurer sa sécurité?
Porter une arme protège-t-il les policiers ? Non, répond le journal américain «Washington Post». Son étude montre même le contraire. Les pays où les policiers ne sont pas armés s’en sortent mieux. Aucun mort au Royaume-Uni contre 30 aux Etats-Unis en 2013. L'absence d'arme présente un autre avantage, cela évite les bavures.
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L’enquête menée par le Washington Post est provocante. Elle n’en est pas moins rigoureuse. Pour le journal américain, il s’agit de montrer que la sécurité des policiers n’est en aucun cas liée au port d‘une arme, bien au contraire.
Le journal présente cinq pays où les policiers ne sont pas armés, sauf circonstances particulières : Royaume-Uni, Irlande, Norvège, Islande et Nouvelle-Zélande. Une stratégie qui porte ses fruits, selon le journal.
Ce n’est qu’en 2013 que la police islandaise a tué son premier homme de toute son histoire. Petit pays certes, mais le tiers de ses 300.000 habitants est armé. Une tradition de chasseurs qui place l’Islande au quinzième rang mondial des pays les plus armés. Malgré cela les crimes sont rares.
A la question «les Islandais sont-ils plus pacifiques?» Guomundur Oddsson, professeur de sociologie à l’université du nord Michigan, répond: «Le niveau très bas de crime en Islande tient au fait que le pays est petit, homogène, égalitaire. Une société très liée.»
Richard Wright, professeur de criminologie, considère que la place des femmes dans la hiérarchie policière et dans la classe politique, a permis de maintenir la criminalité à un niveau très bas. Les deux chercheurs pensent que le système de protection sociale élevé et un système très égalitaire ont permis de conserver une police non-armée.
Le bobby toujours sans arme
Le Royaume-Uni et l’Irlande ont toujours cultivé leur différence dans le domaine de la police. Le «bobby» désarmé et avenant reste une réalité. Selon un sondage publié en 2004, 82% des policiers ne veulent pas être armés, même si le tiers dit avoir craint pour sa vie au moins une fois dans l’exercice de ses fonctions.
Depuis le 19e siècle, les policiers en patrouille se voient comme des protecteurs des citoyens que l’on doit pouvoir approcher facilement. Bien sûr, la police du Royaume-Uni n’échappe pas aux opérations musclées. Mais en 2013, elle n’a tué aucune personne, alors que la police américaine admettait 461 homicides.
En Nouvelle-Zélande, les statistiques sont encore plus parlantes. De 1886 à 2009, 29 policiers ont trouvé la mort dans l’exercice de leur fonction. L’année 2009 a vu la mort d’un policier, quand dans le même temps, 37 salariés mourraient au travail. Ce qui fait dire à John Buttle, l’auteur de l’étude, qu’«en Nouvelle–Zélande il est plus dangereux d’être fermier que policier». Armer la police, poursuit l’auteur, conduirait à une «course à l’armement» totalement contre-productive.
Seulement deux balles tirées en Norvège
Quant à la Norvège, elle a tenu bon, malgré l’action criminelle d’Anders Breivik qui, en 2011, a tué 77 jeunes dans un camp d’été. Suite à cela, beaucoup en Norvège voulaient armer la police. Mais la tradition a été plus forte que la peur du terrorisme.
Le port d’arme est resté réservé à une toute petite partie des forces de l’ordre. Du coup, les chiffres sont très bas. Ainsi, en 2014, la police n’a tiré que deux fois sans toucher personne. Les policiers n’ont sorti leur arme que 42 fois au cours de l’année, le taux le plus faible depuis 12 ans.
Ce qui est très loin des chiffres des Etats-Unis. Pays violent, possession d'arme autorisée, délinquance hors norme, la police réagit tout aussi violemment.. Elle a tué 547 personnes pour les six premiers mois de l’année 2015, dont 59 en trois semaines.
Danger, police!
Si on rapporte ces chiffres à la population totale, un citoyen américain a 100 fois plus de risques d’être abattu par la police qu’un habitant du Royaume-Uni.
Mais cet usage des armes est aussi une réponse à l’extrême dangerosité du métier aux Etats-Unis. 30 policiers ont trouvé la mort en 2013 (0 au Royaume-Uni). Ce qui permet au journal The Independent de dire que de posséder une arme de service ne protège pas les policiers.
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