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Guerre du Vietnam: l'auteur du scoop de My Lai en 68 sur les lieux du massacre

16 mars 1968. A My Lai au Vietnam, les soldats américains engagés contre les combattants du Viet Cong, commandés par le lieutenant William Calley, massacrent plus de 300 civils, dont beaucoup de femmes et d’enfants. 47 ans après le journaliste américain Seymour Hersh qui avait révélé la tuerie en 1969 et obtenu pour cela le Pulitzer, est revenu sur place et témoigne dans le New Yorker.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le massacre de My Lai en 1968 au Viernam le 16 mars 1968. Des centaines de civils furent assassinés par l'armée américaine. (ANN RONAN PICTURE LIBRARY / PHOTO12)

Sous le titre « la scène du crime, le voyage d’un reporter à My Lai et les secrets du passé » , le journaliste américain Seymour Hersh, célèbre aux Etats-Unis pour ses articles sur le Vietnam mais aussi sur la guerre d'Irak, est revenu au Viernam sur les lieux que la mémoire américaine essaye d’oublier et raconte ce voyage dans l'hebdomadaire The New Yorker .

Le massacre de My Lai eu lieu en 1968 et fut caché par l’armée jusqu’à ce que la presse –Seymour Hersh en l’occurrence- ne le révèle (il raconte dans cette vidéo comment il a révélé ce massacre qui lui valu le Pullitzer en 1970).   

La tuerie symbolisa longtemps la guerre américaine au Vietnam et sa révélation alimenta le rejet du conflit dans la jeunesse américaine. Seul le responsable du détachement, le lieutenant Calley fut sanctionné dans ce dossier. Condamné à la prison à vie, il fut plus ou moins gracié par Nixon et ne passa que trois ans aux arrêts.
 

L'article de Seymour M. Hersh dans le New Yorker : Retour à My Lai

L' article du New Yorker, qui permet de revenir sur le poids de la guerre du Vietnam dans la mémoire américaine, raconte d’abord comment Seymour Hersh a découvert le massacre puis a tenté de le publier dans la presse américaine. On était en 1969, Nixon avait été élu à la présidence en promettant l’arrêt de la guerre. En novembre, le nombre de morts américains était toujours de 1.500 par mois. C’est à ce moment là que les articles de Hersh sur le massacre sont sortis. 

Ce dernier est allé plusieurs fois au Vietnam. Mais, il y a quelques mois, il s’est rendu pour la première fois sur le site de My Lay, au centre du pays.  «Nous pardonnons, mais nous ne oublions pas», lui a dit Pham Thanh Cong le directeur du musée de My Lai, survivant lui-même.

«Cong avait onze ans. Lorsque les hélicoptères américains ont atterri dans le village.Lui et sa mère et ses quatre frères et sœurs sont blottis dans un abri succinct à l'intérieur de leur maison au toit de chaume. Les soldats américains leur ont ordonné de sortir, puis les ont poussés jetant une grenade à main après eux et tirant leurs M-16. Cong a été blessé à trois endroits. Il s'est évanoui. Quand il s'est réveillé, il s'est retrouvé dans un tas de cadavres où se trouvaient sa mère, ses trois sœurs et son frère. Les GI's doivent avoir supposé que Cong était mort, lui aussi. Dans l'après-midi, lorsque les hélicoptères américains sont partis, son père et quelques autres villageois survivants, qui étaient venus pour enterrer les morts, l'ont trouvé», raconte Hersh aujourd’hui.


Le musée fait état de 504 victimes, dont 173 enfants, un chiffre beaucoup plus élevé que celui reconnu par l’armée américaine.
 
Passé par Hanoi, la capitale du pays aujourd'hui unifié, Hersh s’est entendu dire par des responsables que la révélation du «massacre de My Lai, en renforçant la dissidence anti-guerre à l'intérieur de l'Amérique, a aidé le Vietnam du Nord à gagner la guerre». 


Dans l’article fleuve (comme toujours dans cette revue), le journaliste n’en reste pas qu’au massacre de My Lai. Il décrit à travers des personnes rencontrées les rapports complexes qui perdurent entre Américains et Vietnamiens, comme ce réfugié vietnamien retourné au pays ou ce combattant américain venu tenter d’expier les fautes américaines en s’installant chez l’ancien ennemi.


Si l’Amérique n’a jamais payé de réparations au Vietnam pour ses bombardements ou l’épandage d’agent orange, le gouvernement US, et des associations de vétérans ont commencer à financer des programmes de déminage (mines, qui selon Hersh, ont tué ou blessé quelque 100.000 personnes).
 
Aujourd’hui, note l'auteur de l'article, 70% de la population vietnamienne a moins de 40 ans et «les touristes américains sont une aubaine pour l’économie ». Sans compter que « diplomatiquement les Etats-Unis sont considérés comme un ami, un allié potentiel contre la Chine» avec qui le Vietnam a des relations tendues.
 
Comme pour symboliser le temps passé, un homme lui donne la philosophie qui semble régner au Vietnam, quelque 40 ans après la fin de la guerre. «Nous Vietnamiens, nous avons une attitude pratique: mieux vaut oublier un mauvais ennemi, si vous pouvez gagnez un ami nécessaire».

 


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