Etats-Unis : l'inculpation de Hunter Biden peut-elle entraver la campagne présidentielle de son père ?
Imperturbable, du moins en apparence. En déplacement dans le Maryland, le président américain n'a laissé transparaître aucune inquiétude concernant l'inculpation de son fils, Hunter Biden, pour détention illégale d'arme à feu, jeudi 14 septembre. Cible régulière de la droite conservatrice américaine, le fils cadet revient constamment dans le discours de nombreux conservateurs pour discréditer Joe Biden.
L'inculpation de Hunter Biden par le procureur spécial David Weis ouvre la voie à un possible procès lors de la prochaine campagne présidentielle de 2024. Cette procédure peut-elle perturber la marche du chef d'Etat démocrate vers un second mandat ?
Certains républicains entendent bien tirer profit des déboires judiciaires de Hunter Biden à des fins électorales, selon Denis Lacorne, du Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po. "Ils espèrent implicitement que les accusations contre le fils vont rebondir sur son père, mais c'est loin d'être joué", souligne ce spécialiste de l'histoire politique américaine.
Une première dans l'histoire du pays
Accusé d'avoir menti au moment d'acheter un revolver Colt Cobra, en octobre 2018, puisqu'il avait omis de mentionner sa consommation de drogues, Hunter Biden, 53 ans, avait tenté d'éviter d'être traduit en justice, en juin, en reconnaissant sa culpabilité.
Il était parvenu à un accord initial négocié avec le procureur spécial. Cette procédure réduisait la probabilité d'un procès et lui aurait permis d'éviter de purger une peine de prison, assure le New York Times. Mais une juge a émis des doutes sur la validité de cet accord, désormais caduc. C'est la première fois que le fils d'un président américain en exercice est inculpé au niveau fédéral, souligne le Guardian.
L'annonce de cette inculpation a été célébrée par certains conservateurs, à l'image de James Comer, représentant républicain du Kentucky. Dans un message publié sur le réseau social X (ex-Twitter), il savoure le "tout petit début" des ennuis judiciaires visant la famille Biden.
Mais les gains politiques pour les républicains sont loin d'être assurés, selon les observateurs de la vie politique américaine. "Les charges contre Hunter Biden sont dérisoires et même s'il est condamné, la peine sera minime", anticipe Denis Lacorne. S'il est reconnu coupable, le fils du président risque jusqu'à 25 ans de prison, mais, comme le précise le New York Times, cette peine est rarement appliquée pour les primo-délinquants non violents.
De l'aveu même de Donald Trump, ce dossier n'aura pas les répercussions politiques et judiciaires espérées. L'ex-président américain a publié un message sur son réseau Truth Social, rapporte le média américain NBC. Il affirme que les accusations portées contre le fils du dirigeant démocrate "constituent le seul crime commis par Hunter Biden qui n'implique pas le tordu Joe Biden".
Le candidat aux primaires républicaines Vivek Ramaswamy considère cette inculpation comme "un écran de fumée" ou une "feuille de vigne" détournant l'attention de l'opinion publique, comme le relève India Today. Selon l'entrepreneur de 38 ans, qui profite d'une ascension rapide dans la course à l'investiture au sein du parti conservateur, les Américains ne doivent pas se "détourner du véritable problème", c'est-à-dire l'enquête en destitution lancée par les républicains à la Chambre des représentants, officialisée le 12 septembre.
Un impact sur l'opinion publique
Car au Congrès aussi, la question des démêlés judiciaires de Hunter Biden a surgi ces dernières semaines. La droite conservatrice reproche au fils cadet de Joe Biden d'avoir conduit des affaires douteuses en Ukraine et en Chine alors que son père était le vice-président de Barack Obama, entre 2009 et 2017, et d'avoir utilisé la réputation et l'influence de son père auprès de ses relations d’affaires. Le président républicain de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, estime que Joe Biden a "menti" aux citoyens américains sur les affaires de son fils. Sur X, la porte-parole de la Maison-Blanche a dénoncé une enquête menée par les républicains sur "neuf mois" sans qu'ils aient pu faire état d'une "seule preuve d'un acte répréhensible".
Selon Denis Lacorne, cette enquête ne repose sur "aucun motif d'accusation précis". La procédure parlementaire se base sur "des rumeurs très vagues, explique le chercheur. Une enquête pourrait demander l'audition de certains témoins et rendre publics des documents" affaiblissant la stature du président. Mais cette investigation a peu de chances d'aboutir à la destitution de Joe Biden, les démocrates étant majoritaires au Sénat.
Médiatisées par les républicains, ces allégations d'enrichissement illégal ont néanmoins eu un impact sur l'opinion publique américaine. D'après un sondage CNN réalisé fin août, 61% des personnes interrogées pensent que Joe Biden a été impliqué dans les affaires de son fils lorsqu'il était vice-président de Barack Obama.
A plus d'un an de la présidentielle, il est difficile "de prédire le déroulé de la campagne", conclut Denis Lacorne. L'adversaire potentiel de Joe Biden, Donald Trump, sera jugé à partir du 4 mars 2024 pour "des accusations beaucoup plus lourdes", à la veille de l'échéance cruciale du "Super Tuesday", jour où une quinzaine d'Etats se prononcent simultanément pour le candidat destiné à l'investiture républicaine.
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