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Obama met fin immédiatement au régime spécial d'immigration pour les Cubains
Le président américain Barack Obama a mis fin, avec effet immédiat, à un dispositif en place depuis des décennies accordant un permis de séjour aux immigrants clandestins cubains. La Havane s’en réjouit, la population cubaine est plus partagée.
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Cette décision, prise à huit jours du départ de Barack Obama de la Maison Blanche, est un moyen pour le président démocrate de cimenter un peu plus un rapprochement sur lequel son successeur républicain Donald Trump s'est montré réservé. Deux ans après le début du spectaculaire rapprochement entre Washington et La Havane, l'abrogation de ce régime spécial répond à une demande de longue date du régime communiste qui y voyait une incitation à l'exil de ses ressortissants.
Contenu du dispositif
Depuis une loi votée en pleine Guerre froide en 1966, les illégaux cubains jouissaient d'un passe-droit unique aux Etats-Unis, où ils obtenaient automatiquement le statut de résident permanent au bout d'un an et un jour, ainsi que diverses aides sociales (logement, travail, couverture médicale, etc.). «Nous traitons désormais les immigrants cubains de la même façon que les immigrants d'autres pays», explique Barak Obama dans un communiqué.
Statement by @POTUS on Cuban immigration policy: pic.twitter.com/Ibe2125dbw
— White House Archived (@ObamaWhiteHouse) January 12, 2017
Pourquoi une annonce surprise?
La Maison Blanche a justifié cette annonce surprise par la nécessité de discrétion dans les négociations. «Les discussions étaient très délicates. Nous ne voulions pas provoquer un exode de masse depuis Cuba en anticipation d'un changement de politique», explique Jeh Johnson, ministre de la Sécurité intérieure.
Contreparties cubaines
Les autorités cubaines se sont engagées à accepter le retour de Cubains expulsés du territoire américain de la même manière qu'elles le faisaient jusqu'ici pour les personnes interceptées en mer. Après l'exode massif de la «crise des balseros» (de «balsas», les embarcations de fortune servant à prendre la mer) en 1994, les deux pays avaient conclu un accord migratoire prévoyant la délivrance par les Etats-Unis de 20.000 visas par an et le rapatriement à Cuba des immigrants illégaux interceptés en mer. La combinaison de cet accord et de la loi migratoire a débouché sur la politique connue sous le nom de «pieds secs, pieds mouillés», selon laquelle les autorités américaines acceptaient les immigrants qui touchaient terre et renvoyaient à Cuba ceux récupérés en mer.
Premières vagues et «opération Peter Pan»
Au cours des trois années ayant suivi la révolution castriste de 1959, près de 300.000 Cubains quittent l'île, pour l'essentiel des gens compromis avec le régime renversé de Fulgencio Batista. C'est à cette époque que La Havane instaure son système de «carte blanche», permis de sortie indispensable aux candidats aux voyages, et confisque les biens des émigrés. Les années suivantes, les nationalisations et expropriations poussent encore des milliers de Cubains à s'exiler. Sans compter «l'opération Peter Pan», qui a vu l'organisation en 1960 et 1961 par les Etats-Unis de l'exfiltration de 14.000 enfants que des rumeurs disaient destinés à être envoyés en Union soviétique.
Des milliers de morts en mer
Une première crise éclate en 1980, lorsque 10.000 personnes trouvent refuge dans les jardins de l'ambassade du Pérou en quête d'un exil. Fidel Castro ouvre alors le port de Mariel, à 50 kilomètres à l'ouest de La Havane, aux bateaux venus de Floride. Environ 125.000 personnes gagneront ainsi les Etats-Unis et le surnom de «marielitos». Fidel Castro en profite également pour vider les prisons et les hôpitaux psychiatriques... Depuis, Cuba refuse d'accueillir des milliers de ressortissants aux antécédents criminels que les Etats-Unis veulent extrader. Un exode semblable éclate en 1994. Les difficiles conditions de voyage font des milliers de morts et disparus.
Selon l'institut Pew Research Center, qui cite des données officielles américaines, le nombre de migrants cubains ayant rejoint les Etats-Unis est passé de 24.278 en 2014 (année fiscale) à 43.159 en 2015, puis 46.635 en 2016 (seulement 10 mois comptabilisés).
Cuba aceitará cubanos devolvidos pelos EUA na nova política de imigração - https://t.co/oWjNmH5Xg1 pic.twitter.com/GgCeqJtT06
— #naLUTAcomLULA (@CPIdaBolsaTweet) January 13, 2017
Qu’en pense la population cubaine?
Si la levée par Barack Obama des privilèges accordés aux clandestins cubains parvenant aux Etats-Unis a été saluée par le gouvernement cubain, les habitants de La Havane se montrent plus réservés face à cette décision qui les prive désormais d'une opportunité très avantageuse. Plus de deux millions de Cubains ont émigré depuis un demi-siècle, pour une population qui compte aujourd'hui 11,2 millions d'habitants. Près de 80% d'entre eux sont partis aux Etats-Unis, particulièrement en Floride, à 150 kilomètres au nord de l'île. A la faveur de la loi de 2013, qui permet leur retour, les émigrés cubains partent souvent dans l'idée de revenir visiter et aider leur famille. Les «remesas» (envois d'argent) des exilés constituent une des principales sources de devises pour Cuba, avec environ 2,5 milliards de dollars par an.
Rétro sur sa présidence : rapprochement avec Cuba
— Baudry (@hervebaudry) 12 janvier 2017
Claudie pour BAUDRY pic.twitter.com/S9JYsBbm19
Position de Donald Trump
Que fera le nouveau président élu? Donald Trump, qui prendra ses fonctions le 20 janvier, a laissé planer le doute sur la position qu'il entendait adopter sur le dossier cubain. Fin novembre 2016, l'homme d'affaires avait menacé d'un tweet de mettre fin au dégel si La Havane n'offrait pas davantage de contreparties sur les droits de l'Homme ou sur l'économie de marché. Le président élu a qualifié Fidel Castro, décédé le 25 n0ovembre à 90 ans, de «dictateur brutal qui a opprimé son peuple pendant près de six décennies». Des propos qui tranchaient avec ceux de Barack Obama qui avait qualifié Fidel Castro de «figure singulière» dont «l'Histoire jugera de l'impact énorme».
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