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Anthony Scaramucci, le loup de Wall Street qui s'est cassé les dents en tant que directeur de la com' de Donald Trump

A peine nommé à la Maison Blanche, cet ambitieux financier s'est illustré en insultant copieusement son prédécesseur et un conseiller du président. Il a été forcé de quitter ses fonctions avec perte et fracas.

Article rédigé par franceinfo - Louise Hemmerlé
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Publié
Temps de lecture : 9min
Anthony Scaramucci parle à des journalistes devant la Maison Blanche le 25 juillet 2017.  (PABLO MARTINEZ MONSIVAIS/AP/SIPA / AP)

Après seulement dix jours au poste de directeur de la communication de la Maison Blanche, Anthony Scaramucci a quitté ses fonctions, lundi 31 juillet. Il faut dire qu'il avait déjà créé le scandale, mercredi 26 juillet, en insultant de manière très graphique la garde rapprochée de Donald Trump, lors d’un entretien téléphonique avec le journaliste Ryan Lizza du New Yorker.

Avec ses tirades – "Reince [Priebus] est un putain de schizophrène paranoïaque, un paranoïaque" et "Je ne suis pas Steve Bannon, je n'essaie pas de sucer ma propre bite" –, Scaramucci a fait honneur à son nom de famille, de l’italien "scaramuccia", qui signifie "petit escarmoucheur". On imagine que, de l’avis de Reince Priebus et Steve Bannon, il honore aussi son surnom "The Mooch", "le parasite" en français.

"J’ai fait une erreur en faisant confiance à un journaliste. Cela ne se reproduira plus", s’est défendu Anthony Scaramucci, vendredi 28 juillet, sur Twitter. En vain. Selon le New York Times, le successeur de Sean Spicer, un novice en matière de communication politique, a été prié de démissionner à la demande de John Kelly, le tout nouveau secrétaire général de la Maison Blanche.

Mais qui est-il exactement, et comment s’était-il retrouvé à ce poste-clé, particulièrement exposé ? Franceinfo dresse son portrait.

Originaire d'une famille de classe moyenne

On comprend aisément que l’image d’Anthony Scaramucci, 53 ans, ait plu à Donald Trump : il se présente lui-même comme un pur produit du "rêve américain", le même élixir dont Donald Trump a copieusement abreuvé ses supporters pendant la campagne présidentielle. Celui qui a grandi en livrant les journaux Newsday est ainsi devenu l'un des principaux canaux de diffusion de l'information politique aux Etats-Unis (au moins temporairement). 

Descendant d’immigrants italiens, Anthony Scaramucci est fier de ses origines et de son enfance dans un foyer de classe moyenne à Long Island, près de New York. "Mon père a travaillé dans une mine d’exploitation des sables pendant 42 ans. (...) Je suis fier de mes parents", s’est-il épanché dans une interview au Long Island Business News en mars 2016. "Ils m’ont aidé à arriver là où je suis maintenant."

De son Long Island natal, Scaramucci poursuit ses études d’économie à l’université Tufts, à Boston, puis de droit à Harvard, dans la même promotion que Barack Obama. Il retourne ensuite à New York, mais cette fois à Wall Street. Et après douze années passées chez Goldman Sachs, il fonde un premier fonds d’investissement en 2001 puis une deuxième société d’investissement, SkyBridge Capital.

Il accumule ainsi une fortune qui lui permet, entre autres, d'investir, à hauteur de 5 millions de dollars, selon Politico, dans le club de baseball qu'il suit depuis son enfance, les Mets. Il a annoncé en janvier 2017 la vente de ses parts de SkyBridge Capital, et le contrat de vente établit la valeur de l’entreprise à 200 millions de dollars, selon les informations du Wall Street Journal (article payant, en anglais).

Millionaire et opportuniste

Les affinités politiques d’Anthony Scaramucci sont pour le moins élastiques. Républicain de cœur, il a tout de même soutenu Barack Obama en 2008 à hauteur de plusieurs milliers de dollars, selon le Washington Post (en anglais). Lors des primaires républicaines pour l’élection de 2016, il a soutenu le gouverneur du Wisconsin Scott Walker puis Jeb Bush avant de se rabattre sur Donald Trump. 

Pourtant, Anthony Scaramucci n'a pas toujours porté Donald Trump dans son estime. Comme le souligne CNN, dans une interview sur Fox Business en 2015, il avait traité Donld Trump de "politicien médiocre", propos pour lesquels il s'est depuis excusé. Il a d'ailleurs effacé quelques messages compromettants sur Twitter.

"Anthony n’a jamais caché ses ambitions politiques", atteste à franceinfo William Cohan, dont l'amitié avec Anthony Scaramucci a commencé alors qu'il écrivait son best-seller, Money and Power, How Goldman Sachs Came to Rule the World.

Quand il est devenu clair que Donald Trump l’emporterait, il m’a expliqué qu’il voulait servir son pays et que c’était son devoir que de le soutenir.

William Cohan

à franceinfo

Scaramucci n’a pas non plus caché sa déception de ne pas être appelé à faire partie de l’administration de Donald Trump dès son élection. "Si j’étais déçu ? Oui, a-t-il confirmé lors de sa première conférence de presse à la Maison Blanche. Mais en tant qu’entrepreneur, je dirais qu’il faut être habitué aux revers." Aussi son ami William Cohan imagine son bonheur lorsqu’il a été nommé pour un poste "bien plus puissant que ce qu’il espérait". "Il se voyait déjà exilé à Paris, où il devait travailler pour l’OCDE. Et voilà qu’il s'est retrouvé au cœur du pouvoir à Washington. Il a souhaité ça depuis tellement longtemps."

Showman (comme Donald Trump)

A l'instar de Donald Trump, Anthony Scaramucci fait le spectacle, avec une appétence certaine pour sa propre médiatisation. A Harvard, déjà, Scaramucci était une présence populaire, qui savait se mettre en scène et tenir tête à ses professeurs. "Il était un showman à l'époque, et il est un showman aujourd'hui" décrit Richard Kahlenberg, un ancien camarade de promotion, dans le magazine Washington Monthly.

Une fois à Wall Street, Anthony Scaramucci a par exemple créé la SkyBridge Alternatives Conference, la principale conférence de fonds spéculatifs organisée chaque année dans un hôtel à Las Vegas et qui réunit des milliers de participants, parmi lesquels des investisseurs, des politiciens et des célébrités. Anthony Scaramucci a aussi forgé sa marque personnelle dans le monde médiatique en co-présentant l'émission "Wall Street Week" sur la chaîne Fox. 

Les commentateurs américains n’ont pas pu s’empêcher de tourner en dérision les similitudes entre les deux hommes. "The Daily Show" s'est même amusé à comparer leur gestuelle.

Même certaines expressions qu’Anthony Scaramucci utilise sont quasiment identiques à celles de Donald Trump. Sur CNN, mercredi 26 juillet, Scaramucci a par exemple promis ceci : "Nous allons gagner tellement que cela va vous fatiguer de gagner", comme un écho pantomime à Donald Trump et sa tirade dans un meeting en mai 2016 dans le Montana : "Nous allons gagner tellement, vous allez être tannés et épuisés de gagner."

A la tête de la communication de la Maison Blanche, Anthony Scaramucci n'a d'ailleurs cessé de répéter, comme une profession de fois, qu'il "aimait le président".

Ambitieux et enivré par le pouvoir

"Ce n’est pas l’homme que je connais", se désolait toutefois William Cohan, contacté par franceinfo avant l'annonce de la révocation de son ami. "Je ne l'ai jamais entendu parler de cette manière, je ne l'ai jamais vu si partisan et je ne l'ai jamais vu si manifestement avide de pouvoir." Et ce proche de poursuivre : "Il est très intelligent, et je pense que ses attaques contre Bannon et Priebus sont calculées et mandatées par Trump."

Il faut qu’il respire un bon coup, parce que je pense qu’il est un peu enivré par le pouvoir, et qu’il se calme. J’espère qu’il va pouvoir servir le président de sorte à ne pas mettre sa réputation en danger.

William Cohan

à franceinfo

Son explosion de colère et ses insultes proférées à l'encontre de ses collègues ont rapidement donné à Scaramucci une image et une attention médiatique dont il se serait bien passé – et qui lui auront sans doute valu son poste. La curiosité de la presse américaine, attisée par le scandale, s'est portée sur sa vie privée. Ainsi, le magazine Page Six, spécialisé dans l'actualité people, affirme que sa femme Deidre Ball aurait lancé une procédure de divorce à cause de "son ambition politique". Scaramucci avait alors demandé, dans un tweet, que sa vie personnelle soit épargnée par l'attention médiatique. 

Dans un éditorial publié dans le New York Times, le lundi 24 juillet, William Cohan adressait déjà un avertissement à Scaramucci : "Je comprends qu’une partie importante du nouveau travail d’Anthony est d’être loyal envers le président et son agenda politique. Mais au nom de la décence et de l’auto-préservation, il devrait vraiment freiner son enthousiasme", écrivait-il avant même que la polémique n'éclate. Anthony Scaramucci aurait peut-être mieux fait de prendre en compte ce conseil d'ami.

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