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Conflits d'intérêts : quatre questions sur les plaintes déposées contre Donald Trump

L'Etat américain du Maryland et la ville de Washington ont assigné en justice, lundi, le président américain. Ils lui reprochent d'accepter des paiements de gouvernements étrangers, via son empire immobilier.

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Le président des Etats-Unis Donald Trump arrive à l'hôtel San Domenico à Taormine, en Sicile (Italie), pour le second jour du sommet du G7, le 27 mai 2017. (MIGUEL MEDINA / AFP)

L'étau se resserre autour de Donald Trump. Déjà sous le feu des accusations de l'ancien directeur général du FBI, James Comey, le président des Etats-Unis a été assigné en justice les 12 et 14 juin par l'Etat du Maryland, la capitale Washington et par près de 200 élus démocrates du Congrès.

Tous lui reprochent d'enfreindre "la clause sur les émoluments étrangers", une disposition de la Constitution américaine qui interdit à toute personnalité occupant une fonction publique de recevoir argent ou cadeau de gouvernements étrangers. Or, Donald Trump possède des hôtels qui reçoivent des dirigeants d'autres pays, ou encore des immeubles qui accueillent des banques détenues par des Etats étrangers. Franceinfo revient sur ces conflits d'intérêts, potentiellement explosifs pour Donald Trump.

Quels sont les potentiels conflits d'intérêts ?

Ils sont très nombreux. L'empire économique de Donald Trump, qui comprend au moins 500 entreprises, est regroupé dans la Trump Organization. Cette "nébuleuse non cotée en Bourse" opère "dans une vingtaine de pays à la fois dans l’immobilier, l’hôtellerie, les golfs ou les émissions de téléréalité", rappelle Le Monde. Elle est désormais gérée par ses deux fils, Eric et Donald Junior.

Avec l'accession de Donald Trump à la Maison Blanche, certaines affaires du magnat de l'immobilier croissent et embellissent. A l'image du Trump International Hotel à Washington, immédiatement devenu le symbole des conflits d'intérêts présidentiels, selon France 24. Au détriment de la concurrence, nombre de délégations étrangères choisissent, en effet, de descendre dans cet hôtel à 735 dollars (plus de 650 euros) la nuit, là même où avait été célébrée l'investiture du nouveau président. A l'image du Koweït, dont l'ambassade a transféré dans l'établissement un événement prévu au départ dans un hôtel de la chaîne Four Seasons. Le président américain est venu lui-même accueillir des invités dans l'hôtel depuis sa prise de fonctions, selon le Washington Post. Les élus qui portent plainte contre Donald Trump voient là une forme de corruption.

Autre exemple de conflit potentiel relevé par la BBC : plusieurs banques chinoises à capitaux d'Etat louent des bureaux dans des immeubles détenus totalement ou partiellement par Trump (dont la Trump Tower à New York). La chaîne publique britannique rappelle aussi qu'une des premières décisions du président américain a été de faire évacuer le campement des opposants à la construction d'un oléoduc sur des terres ancestrales d'une tribu sioux, dans le Dakota du Nord. Ces manifestants bloquaient le chantier Dakota Access Pipeline, dans lequel le milliardaire américain avaient des intérêts financiers, selon Radio Canada. Si Donald Trump a liquidé ses parts dans Energy Transfer Partners, l'un des partenaires du projet, la BBC se demande s'il a fait de même pour Philipps 66, autre partie prenante du projet.

Quelles sont les plaintes déjà déposées ?

Les plaintes s'accumulent désormais contre Donald Trump. L'Etat américain du Maryland et la capitale Washington l'ont ainsi assigné en justice, lundi 12 juin, lui reprochant d'accepter des paiements de gouvernements étrangers via son empire immobilier. "Je poursuis le président des Etats-Unis pour violation de la clause constitutionnelle sur les émoluments étrangers, parce que personne n'est au-dessus de la loi", a proclamé sur Twitter le procureur général de Washington, Karl Racine.

Les différentes plaintes déposées se fondent sur cette "clause sur les émoluments" étrangers. Cette "disposition jusque-là obscure", selon le Washington Post, tient en 49 mots de l'article 1 de la Constitution américaine : elle interdit à toute personne occupant une fonction publique d'"accepter cadeau, émoluments, fonction ou titre de quelque sorte que ce soit d'un roi, prince, ou d'un Etat étranger" sans accord du Congrès. La clause sur les émoluments "a été adoptée pour s'assurer que les dirigeants de notre Nation ne seraient pas corrompus par une influence étrangère ou qu'ils ne placeraient pas leurs intérêts financiers particuliers devant l'intérêt national", précisent les plaignants.

Près de 200 élus démocrates ont suivi le mouvement, mercredi 14 juin. Ils estiment que le président est coupable de conflits d'intérêts permanents, car il n'a pas pris suffisamment de distances avec son groupe économique. Il faut dire que, devenu président, Donald Trump a rompu avec les usages en confiant son empire à ses fils et non à un "blind trust", un comité de personnalités présumées indépendantes, comme l'avaient fait Bill Clinton ou George Bush avant lui.

Dès janvier, l'ONG anti-corruption Citizens for Responsibility and Ethics in Washington, appuyée par d'éminents juristes et spécialistes de droit constitutionnel, avait déposé une plainte similaire devant un tribunal fédéral de New York. Par ce tweet de son directeur général, cette association très active sur les droits civiques s'est dite "fière", lundi, d'être aux côtés de l'Etat du Maryland et de la ville de Washington dans leur plainte "historique".

Comment se défend Donald Trump ?

Sur la forme, les pro-Trump estiment qu'il s'agit d'accusations politiques. Ils rappellent ainsi que le procureur général de Washington, Karl Racine, qui poursuit Donald Trump, a été un donateur de deux candidats démocrates à la Maison Blanche, Bill Clinton et Barack Obama.

Sur le fond, les avocats de Donald Trump font valoir que le milliardaire n'intervient plus directement dans la gestion de son empire, confié à ses fils. Ils jugent, en outre, certains arguments spécieux. L'avocate du président, Sheri Dillon, assure ainsi que "le paiement d'une chambre d'hôtel n'est ni un don, ni un cadeau", selon des propos rapportés par le Washington Post.

Ces plaintes peuvent-elles aboutir ?

"La clause sur les émoluments étrangers" va, en quelque sorte, être réellement testée pour la première fois au XXIe siècle. Héritée d'une époque où les Américains voyaient d'un mauvais œil qu'un ambassadeur reçoive en cadeau un cheval d'un pays européen, il n'y a guère de jurisprudence sur le sujet, affirme le Washington Post, et la Cour suprême ne s'en est jamais saisie. Les juristes sont donc partagés sur les chances de réussite des plaintes engagées.

Si elles sont jugées recevables, un long combat judiciaire débutera, au cours duquel les avocats des élus et collectivités démocrates comptent exiger les déclarations fiscales de Donald Trump. Jusqu'à maintenant, le président des Etats-Unis a toujours refusé de les rendre publiques.

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