Détenus au régime sec et contrôles au faciès : bienvenue chez Joe Arpaio, le shérif de Trump
Le "shérif le plus sévère des Etats-Unis", comme il se décrit, est un soutien inconditionnel du candidat républicain à la Maison Blanche. Mais comme lui, il pourrait bien payer ses outrances dans les urnes le 8 novembre.
Dans sa garde-robe, Donald Trump possède un sous-vêtement rose. Le caleçon est un cadeau de Joe Arpaio, l'un des plus fervents et fidèles soutiens du candidat républicain à la Maison Blanche. Le présent, évoqué dans une interview à Politico (en anglais), n'a rien d'une blague. Il est le symbole d'une politique pénale : le caleçon est porté tous les jours par les détenus du comté de Maricopa, dans l'Arizona, sur lequel l'homme règne en tant que shérif depuis 1992.
Officiellement, ce dresscode inhabituel a été mis en place pour lutter contre les vols. "Difficile de penser que ce choix de couleur est dû au hasard, a cependant estimé un juge en 2012. Etant donné le contexte culturel, on peut penser que [le rose] a été choisi pour symboliser la perte de l'identité et du pouvoir masculins, pour stigmatiser les détenus hommes [en les présentant] comme féminins. (...) Cela semble être une sanction sans justification légale."
Des détenus incarcérés sous des tentes
Joe Arpaio n'a que faire de telles réprobations. Au contraire, comme Donald Trump, il se gargarise des polémiques. Autoproclamé "shérif le plus sévère des Etats-Unis", il construit depuis près d'un quart de siècle, à coups de polémiques, son image de représentant inflexible de la loi et de l'ordre. Ce qui lui a permis de devenir un invité régulier des médias conservateurs et une idole pour le Tea Party, le mouvement populiste qui a, petit à petit, grignoté le parti républicain.
Un an après son élection, le shérif a fait sa renommée en inaugurant "Tent City", plus de 2 000 places de prison... en plein air. "Je les ai mis à côté de la décharge, de la fourrière pour animaux, et de l'usine de traitement des déchets", raconte-t-il au New Yorker*. Les détenus sont hébergés sous des tentes, à la merci des éléments, et notamment des températures extrêmes de l'Arizona. En été, la chaleur peut dépasser, dans le camp, 60°C. Mais que personne ne vienne se plaindre. "Il fait près de 50°C en Irak, les soldats vivent sous des tentes et ils n'ont commis aucun crime, alors fermez vos gueules !" lance Joe Arpaio aux prisonniers en pleine canicule.
Le shérif leur a interdit la cigarette, le café, les films et les magazines pornographiques. Il se targue aussi de ne les nourrir que deux fois par jour, avec des repas qui coûtent moins de 40 cents. Sans possibilité d'assaisonner les plats : le sel et le poivre ont été retirés, pour "faire économiser 20 000 dollars par an au contribuable". "Cela coûte plus cher de nourrir les chiens que les détenus", affirme Joe Arpaio. Ces derniers peuvent néanmoins saliver devant Food Network, une chaîne de télévision consacrée à la cuisine, l'une des rares autorisées, avec la chaîne parlementaire et la chaîne météo, précise le New Yorker.
Un shérif contre le "politiquement correct"
Comme Donald Trump, Joe Arpaio affiche une relation en demi-teinte avec les médias. Certes, le shérif pourfend le "politiquement correct". Mais il ne rechigne jamais face aux sollicitations, multiplie les interviews et joue les guides dans "Tent City". Ce qui ne l'empêche pas de se montrer parfois véhément envers les journalistes trop curieux, quitte à outrepasser les limites de la loi. En 2013, les cofondateurs du Phoenix New Times ont reçu une compensation de 3,75 millions de dollars pour avoir été arrêtés sans motif légitime. Le journal avait suscité l'ire du shérif, après avoir enquête sur ses propriétés immobilières.
Comme Donald Trump, Joe Arpaio a fait une fixette sur le certificat de naissance de Barack Obama, accusé d'être inéligible pour la présidence des Etats-Unis car prétendument né en dehors du pays. En 2011, le shérif a monté une équipe de cinq volontaires, financée par des donations de conservateurs de tout le pays, pour démontrer la véracité de cette théorie, rappelle The Economist. Le locataire du bureau ovale a beau avoir diffusé un document prouvant sa naissance à Hawaï, un Etat américain, Joe Arpaio et ses troupes n'y ont vu qu'une "contrefaçon générée par ordinateur".
Comme Donald Trump, Joe Arpaio a fait de la lutte contre l'immigration son cheval de bataille. Lui-même fils d'immigrés italiens, il s'est donné pour mission de mettre les clandestins derrière les barreaux. Quitte peut-être à négliger d'autres enquêtes, comme celles sur des crimes sexuels, comme il en a été accusé. Quitte, aussi, à cibler avec ses patrouilles les conducteurs latinos, sans distinction.
La communauté hispanique me déteste, parce qu'ils ont peur d'être arrêtés. Et ils quittent la ville. S'ils partent, je pense que nous faisons quelque chose de bien.
Un juge l'a intimé d'arrêter ces contrôles au faciès en décembre 2011, mais Joe Arpaio a refusé d'obtempérer, ce qui lui vaut aujourd'hui des poursuites pour outrage à la cour. La bataille judiciaire a déjà coûté près de 50 millions de dollars aux contribuables du comté, et la facture devrait encore s'alourdir, selon les estimations de l'agence Associated Press.
En "mission" pour Donald Trump
Avec autant de points communs, Joe Arpaio ne pouvait que soutenir la tonitruante candidature de Donald Trump et sa proposition de construire un mur à la frontière avec le Mexique. "Nous sommes le seul pays dans le monde dont le système d'immigration met les besoins d'autres nations avant les nôtres, lance-t-il à la tribune de la convention républicaine de Cleveland (Ohio), jeudi 21 juillet. Nous sommes plus inquiets des droits des clandestins et des criminels que nous ne protégeons notre propre pays. Ça doit changer."
Ma mission la plus importante vient juste de commencer : aider Donald Trump à être élu président des Etats-Unis.
Trump et Arpaio, unis dans la défaite en novembre ?
Sauf que Joe Arpaio doit d'abord se battre pour sa propre réélection. A 84 ans, il brigue un septième mandat de shérif, mais pour la première fois, les sondages le donnent perdant, avec plus de 10 points de retard sur son adversaire. Il faut dire que la population de son comté, le plus peuplé de l'Arizona, a changé : désormais, les latinos représentent près de 30% des quatre millions d'habitants. "Nous en avons assez de vivre dans la peur", explique Maria Castro, une jeune opposante en campagne contre Joe Arpaio, interrogée par la radio NPR.
Les ennuis judiciaires du shérif n'arrangent rien, mais il voit là une manœuvre politique pour lui nuire. "C'est clair que le ministère de la Justice corrompu d'Obama essaye d'influencer ma réélection, dénonce-t-il dans un communiqué cité par l'Arizona Republic. C'est un abus de pouvoir manifeste et les citoyens du comté de Maricopa devraient être aussi révoltés que moi." Pas sûr que cette défense suffise à convaincre, mais une fois de plus, Joe Arpaio peut tout de même se féliciter : l'attention et les caméras convergent vers lui. Mais comme dans le cas de son héros Donald Trump, plus l'élection approche, plus ses chances de victoire semblent s'amenuiser. Le 8 novembre, les électeurs choisiront peut-être de remiser les caleçons roses dans les tiroirs.
* Tous les liens de médias sont en anglais.
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