Donald Trump peut-il aller en prison après sa condamnation pénale dans l'affaire Stormy Daniels ?

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Donald Trump entre dans la salle d'audience lors de son procès devant un tribunal de Manhattan, à New York (Etats-Unis), le 30 mai 2024. (JUSTIN LANE / AFP)
Un jury new-yorkais a déclaré jeudi, à l'unanimité, l'ex-président américain coupable des 34 chefs d'inculpation qui le visaient. Le juge Juan Merchan doit désormais se prononcer sur sa peine le 11 juillet prochain.

Donald Trump ira-t-il en prison ? La question se pose, vendredi 31 mai, au lendemain du verdict au procès de l'affaire Stormy Daniels. Un jury a déclaré l'ex-président des Etats-Unis coupable de l'ensemble des 34 chefs d'inculpation de falsifications de documents comptables qui le visaient dans ce dossier. Le milliardaire était poursuivi à New York pour avoir dissimulé un paiement de 130 000 dollars à cette actrice de films pornographiques, dans le but d'acheter son silence et donc d'éviter des révélations qui auraient embarrassé sa campagne présidentielle de 2016.

Reste désormais à savoir quelle sera la peine prononcée à l'encontre du républicain par le juge Juan Merchan, le 11 juillet prochain. Le magistrat va recevoir des recommandations du bureau du procureur Alvin Bragg, mais il est le seul à décider de la sentence.

Selon la loi de l'Etat de New York, les 34 chefs d'inculpation pour lesquels Donald Trump a été condamné peuvent entraîner des peines allant jusqu'à quatre ans de prison. En théorie, ces peines peuvent être cumulées, dans la limite de vingt ans d'incarcération maximum, précise le quotidien USA TodayIl est toutefois probable que, s'il prononçait des peines d'emprisonnement, Juan Merchan imposerait à Donald Trump de les effectuer de manière simultanée, avance le New York Times. Dans cette éventualité, l'ex-président ne passerait donc pas plus de quatre ans derrière les barreaux.

L'attitude de Donald Trump prise en compte

Il n'y a par ailleurs pas de durée d'emprisonnement minimum pour les faits reprochés à Donald Trump, explique l'avocat et ancien procureur Dan Horwitz à la chaîne CBS. Juan Merchan pourrait donc le condamner "à plusieurs mois" comme à "plusieurs semaines" d'incarcération. Voire décider d'un aménagement de peine plus inattendu. "Il pourrait prononcer une sentence lui imposant, par exemple, d'aller en prison chaque week-end durant une durée déterminée, et une libération conditionnelle le reste du temps", détaille-t-il.

Durant ses six semaines de réflexion, Juan Merchan va prendre en compte plusieurs facteurs avant de se prononcer. Le magistrat "est connu pour prononcer des peines dures à l'encontre des criminels en col blanc qui disposent de richesse et de pouvoir", souligne l'avocat Ron Kuby, interrogé par la chaîne NBC News. Les falsifications comptables reprochées à Donald Trump sont par ailleurs multiples et ont été mises en œuvre sur plus d'un an. "Il ne s'agit pas d'une unique mauvaise décision", insiste Ron Kuby.

Le juge Juan Merchan dans son bureau à New York, aux Etats-Unis, le 14 mars 2024. (SETH WENIG / AP / SIPA)

Autre élément pouvant influer sur la peine prononcée : l'attitude du milliardaire durant le procès. Les tribunaux se montrent plus conciliants envers "un accusé qui plaide coupable en assumant la responsabilité de ses actions, contrairement à ceux qui [refusent de le faire] et sont condamnés à l'issue du procès", note Dan Horwitz auprès de CBS. Donald Trump a non seulement plaidé non coupable des 34 chefs d'inculpation qui le visaient, mais il a dénoncé après le verdict une procédure "truquée", commanditée par "l'administration Biden".

L'ex-président a par ailleurs défié Juan Merchan à plusieurs reprises au cours du procès. Alors qu'il était sous le coup d'un "gag order", une décision du juge lui interdisant de s'exprimer publiquement au sujet du jury ou des procureurs, il a régulièrement critiqué l'accusation sur les réseaux sociaux. Ce comportement lui a valu dix amendes de mille dollars chacune, et des menaces d'incarcération pour outrage à la cour.

Un cas inédit dans l'histoire de la justice américaine

De nombreux experts estiment cependant que Donald Trump pourrait éviter la prison ferme. Le candidat républicain à la présidentielle est âgé de 77 ans (il aura 78 ans mi-juin) et n'a pas de condamnation antérieure au pénal. "C'est une affaire qui n'implique pas de violence physique (...), et la cour va aussi tenir compte de cet élément", assure la professeure de droit new-yorkaise Anna Cominsky, à USA Today.

Selon une étude portant sur des affaires comparables dans l'Etat de New York, relayée dans les colonnes du New York Times, seules 10% des condamnations dans ces dossiers ont abouti à une peine d'emprisonnement. Même si aucune jusqu'à présent n'a impliqué un ancien locataire de la Maison Blanche.

Une incarcération poserait par ailleurs des questions logistiques inédites. En tant qu'ancien président, Donald Trump fait l'objet d'une protection à vie, assurée par les services secrets, rappelle CBS. Si jamais le juge décidait de l'envoyer en prison, il devrait donc être constamment accompagné d'agents, isolé du reste des détenus, et nécessiterait des mesures particulières de surveillance de ses repas, liste la chaîne. Des problématiques auxquelles n'ont jamais été confrontées les autorités, puisque le républicain est le premier chef d'Etat condamné au pénal dans l'histoire du pays.

Au vu de ces éléments, Juan Merchan pourrait opter pour une assignation à résidence, avec un bracelet électronique, rapporte CBS. Le milliardaire ne serait pas contraint de rester à New York, où il a été jugé, mais pourrait retourner dans sa luxueuse demeure de Mar-A-Lago, en Floride, précise l'ancien procureur Dan Horwitz. Donald Trump pourrait aussi écoper de peines moins lourdes, comme des travaux d'intérêt général, une amende, ou une libération conditionnelle sous contrôle judiciaire. Dans ce cas cependant, "il lui faudrait une autorisation pour quitter l'Etat", explique le Washington Post.

Quelle que soit la peine prononcée par le juge, il est très probable qu'elle soit suspendue en cas d'appel. Donald Trump dispose de 30 jours pour déposer un tel recours, et il a d'ores et déjà annoncé son intention de le faire dès l'annonce du verdict. Selon NBC News, la procédure pourrait prendre des mois, voire des années, et n'aboutirait donc que bien après l'élection présidentielle du 5 novembre prochain.

De quoi permettre au milliardaire, assuré d'être le candidat du Parti républicain, de poursuivre sa campagne pour tenter de revenir à la Maison Blanche. Mais sa route sera tout de même parsemée de nouvelles embûches judiciaires : Donald Trump est inculpé dans trois autres procès au pénal, dont deux pour tentative d'inverser les résultats de la présidentielle de 2020.

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