"Gâchis énorme" ou "accord ambitieux" ? Quatre questions sur les conclusions de la COP24
La 24e conférence des Nations unies sur le climat s'est conclue, samedi à Katowice (Pologne), sur un texte qui est loin de faire consensus. Et qui, selon beaucoup de spécialistes, manque d'ambition.
"Ce qui a été obtenu en Pologne, c'est vraiment le strict minimum", estime, dimanche 16 décembre, Matthieu Orphelin sur franceinfo. Difficile pour le député LREM de se satisfaire du texte adopté par la communauté internationale, la veille, à Katowice (Pologne). Après deux semaines d'intenses négociations, les 197 pays de la convention cadre des Nations unies sur le changement climatique sont parvenus à s'entendre sur un accord très technique visant à mettre en oeuvre les règles d’application de l’accord de Paris. Franceinfo vous résume ce que contient ce texte.
Quels étaient les enjeux de cette COP24 ?
La mission principale de la communauté internationale était de parvenir à s’accorder sur les règles de mise en œuvre de l’accord de Paris, conclu en 2015. Ce texte issu de la COP21 prévoit de limiter le réchauffement climatique sous la barre des 2°C voire idéalement 1,5°C. Pour cela, il faudrait réduire les émissions de CO2 de près de 50% d'ici à 2030 par rapport à 2010.
Mais jusqu’ici, les objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre présentés par les pays signataires ne sont pas suffisants pour atteindre ce seuil. A l'heure actuelle, les engagements des Etats annoncent en effet une augmentation des températures de 3°C, avec son lot de tempêtes, de sécheresses ou d'inondations.
Devant l’urgence de la situation, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a même tiré la sonnette d’alarme, début octobre. Dans un rapport de 400 pages (en anglais), les scientifiques ont exposé les conséquences catastrophiques d’un réchauffement des températures au-delà de 1,5°C. Entre vagues de chaleur et extinction massive d’espèces, l’avenir s'annonce inquiétant. Ce scénario catastrophe visait à accentuer la pression sur les dirigeants mondiaux à quelques semaines de l’ouverture des négociations.
Qu’est-ce qui a été décidé ?
Après trois ans de travail puis 14 jours (et nuits) de négociations tendues, un "mode d’emploi" très technique de l’accord de Paris a finalement été acté. Signé à 22 heures, samedi, ce texte de plus d’une centaine de pages fixe les modalités de suivi des actions de chaque pays. Une flexibilité a été accordée aux pays en développement. "Vous pouvez être fiers", a lancé Michal Kurtyka, président de cette COP24 et secrétaire d’Etat au ministère polonais de l'Environnement. Le ministre français de la Transition écologique, François de Rugy, a lui salué un "accord ambitieux" articulé autour de "règles claires".
Alors que beaucoup nous promettaient une COP perdue d’avance, alors que l’ambition climatique est sous le feu de vives critiques de plusieurs dirigeants de premier plan à travers le monde, nous avons ce soir un accord ambitieux, sans dévoyer nos engagements et nos objectifs. pic.twitter.com/MWFRvV43yo
— François de Rugy (@FdeRugy) 15 décembre 2018
Ce manuel d'utilisation "est suffisamment clair pour opérationnaliser l'accord de Paris et c'est une bonne nouvelle", a commenté la ministre espagnole de l'Environnement Teresa Ribera.
Pourquoi le texte est-il critiqué ?
Le scepticisme est toutefois de mise, dimanche, du côté des associations environnementales et de certains observateurs. "Malgré l'urgence, les Etats tournent le dos aux attentes des populations", a fustigé Greenpeace dans un communiqué. Contacté par franceinfo, le climatologue et ancien président du Giec Jean Jouzel se désole : "Avec cet accord, on ne part pas sur des trajectoires qui vont permettre de limiter le réchauffement en dessous des 2°C". Pour les associations et les scientifiques, l'accord fait en effet figure de compromis à minima.
Pour eux, la conclusion de la COP24 ne fait que réaffirmer les engagements des Etats déjà formulés dans l'accord de Paris, et insuffisants pour maintenir le réchauffement en-dessous des 1,5 °C. Nombre de délégations, notamment des Etats insulaires très menacés par la montée du niveau de la mer, espéraient que les pays réussiraient à réviser à la hausse leurs engagements en matière de réduction de CO2 d'ici à 2020. Or, aucune ambition nouvelle concernant ces objectifs n'a été mise sur la table, comme le relève l'explorateur Jean-Louis Etienne sur franceinfo. Le texte insiste, certes, sur l'urgence d'une ambition accrue, mais il ne fixe aucun calendrier.
Pourquoi les négociations ont-elles été compliquées ?
Dès le début de la COP24, les clivages entre pays du Nord et pays du Sud sont réapparus, faisant patiner les négociations. Certains pays riches, comme les Etats-Unis, souhaitaient que "les règles de suivi soient identiques pour tous, tandis que les pays en développement plaident en faveur d’une plus grande flexibilité, arguant qu’ils disposent de moins de moyens techniques et financiers", détaille le Monde.
Certains Etats ont aussi été vivement critiqués pour leur manque d'implication dans les négociations, voire leur mauvaise volonté manifeste. Les Etats-Unis, qui restent pour l'instant dans l'accord de Paris, ont fermement campé sur leurs positions. Aux côtés de l'Arabie saoudite et de la Russie, Washington a aussi vivement contesté les conclusions du rapport du Giec, occasionnant de longues discussions qui ont retardé les conclusions du texte. "On attendait que l'urgence de la situation soit reconnue. Mais l'accord final note simplement que le rapport a été rendu en temps et en heure. C'est très décevant", note Jean Jouzel.
Le président polonais s'est lui fait remarquer en défendant avec acharnement son industrie du charbon, aux conséquences dévastatrices pour la planète. "Que ce soit la perversité de l'utilisation de cette réunion comme une foire commerciale pro-charbon (...) ou le manque d'intérêt pour des conclusions ambitieuses, on ne se souviendra pas d'eux avec tendresse", résume Mohamed Adow, de l'ONG Christian Aid.
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