Les Etats américains peuvent-ils empêcher Donald Trump de participer aux primaires républicaines pour l'élection présidentielle ?

Le Colorado et le Maine ont exclu l'ancien président de la primaire républicaine, invoquant son rôle dans l'invasion du Capitole par ses partisans, le 6 janvier 2021. Toutefois, le candidat peut faire appel de ces décisions.
Article rédigé par Louis Dubar - avec AFP
France Télévisions
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L'ancien président Donald Trump en campagne électorale dans l'Iowa (Etats-Unis), le 19 décembre 2023. (KAMIL KRZACZYNSKI / AFP)

Les supporters de Donald Trump trouveront-ils un bulletin de vote au nom de l'ancien président lors des primaires républicaines ? Deux Etats américains ont décidé de le disqualifier. La secrétaire d'Etat du Maine, Shenna Bellows, chargée d'organiser le scrutin dans ce territoire, a ainsi déclaré Donald Trump "inapte" à la magistrature suprême, dans un document publié jeudi 28 décembre.

L'ex-chef de l'Etat est banni du scrutin de cet Etat en vertu de la section 3 du 14e amendement de la Constitution, hérité de la guerre de Sécession, qui exclut de toute responsabilité publique les personnes s'étant livrées à des actes d'"insurrection". La dirigeante démocrate estime que l'assaut du Capitole du 6 janvier 2021 a été accompli par les partisans de Donald Trump, "sur ordre, en toute connaissance et avec le soutien" du 45e président des Etats-Unis.

Une semaine plus tôt, la Cour suprême du Colorado rendait une décision similaire. Quatre des sept juges ont confirmé une décision de première instance concluant que l'ex-président s'était "livré à une rébellion le 6 janvier 2021". Pour Donald Trump, ces décisions présentent un nouveau défi, alors qu'il est en parallèle inculpé dans quatre affaires pénales. D'autres actions en justice portant sur des recours identiques ont du reste été lancés.

Une procédure d'appel suspensive

Toutefois, si des interdictions supplémentaires sont annoncées, elles ne menaceront pas à court terme la candidature du favori à l'investiture du Grand Old Party. Elles seront suspendues si Donald Trump choisit de les contester en justice. "Dans le Maine et le Colorado, s'il fait appel, et il le fera, son nom restera sur les bulletins de vote le jour du vote", explique d'ailleurs Lauric Henneton, maître de conférences à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines et spécialiste de la politique et de l'histoire des Etats-Unis. Dans le cas du Maine, l'homme d'affaires a cinq jours pour contester la décision devant la Cour suprême de l'Etat.

Donald Trump a rapidement condamné la décision de jeudi, prise selon lui par "une gauchiste radicale", "ardente partisane" de Joe Biden. "Nous assistons en direct à une tentative de vol d'une élection et à la privation du droit de vote de l'électeur américain", a-t-il dénoncé via son équipe de campagne. Le milliardaire républicain avait remporté en 2020 un des quatre grands électeurs (chargés d'élire le président et le vice-président américain) du Maine. La décision de Shenna Bellows, si elle est appliquée, serait donc porteuse de lourdes conséquences en cas de présidentielle serrée.

Des démocrates préfèrent le battre "dans les urnes"

Dans certains Etats, les actions en justice concernant l'éligibilité de Donald Trump ont été rejetées par les tribunaux locaux. C'est le cas dans le Minnesota, ou encore le Michigan, un des Etats clés de l'élection en novembre. "Il est très important de garantir que, dans notre démocratie, les électeurs et les partis politiques aient le choix et la liberté (...) et que l'accès au scrutin ne soit pas utilisé comme un outil de disqualification", a déclaré sur le réseau social X, Jocelyn Benson, secrétaire d'Etat démocrate du Michigan.

En Californie, un autre élu démocrate, le gouverneur Gavin Newsom, s'oppose à un retrait de la candidature de l'ex-président républicain. "Il ne fait aucun doute que Donald Trump constitue une menace pour nos libertés et même pour notre démocratie, mais en Californie, nous battons des candidats que nous n'aimons pas dans les urnes", a-t-il précisé dans un communiqué cité par le site Politico. Cette question de l'inéligibilité divise aussi les Américains : "Pour une partie de l'électorat, y compris pour des démocrates, la décision souveraine doit revenir aux électeurs et non pas aux tribunaux", explique Lauric Henneton.

La Cour suprême fédérale aura le dernier mot

Tous les regards sont désormais tournés vers la Cour suprême fédérale à laquelle le parti républicain du Colorado a demandé de réexaminer cette décision, ce qui pourrait permettre de trancher le sujet dans tous les Etats où des procédures similaires ont été initiées. "Nous allons (...) réclamer une suspension de cette décision", avait aussi annoncé le porte-parole de la campagne du candidat républicain, Steven Cheung, le 20 décembre.

Difficile pourtant de prédire l'avis que rendra la plus haute juridiction du pays. "Il n'y a pas de précédent. C'est quelque chose de totalement inédit", assure Lauric Henneton. Il n'est pas certain que la composition de la Cour suprême joue en faveur de Donald Trump. Pour l'universitaire, ces magistrats, majoritairement conservateurs, le sont aussi dans leur interprétation du droit. "Leur conception 'originaliste' [théorie juridique qui prône une interprétation stricte de la Constitution] peut les conduire dans des raisonnements contre-intuitifs qui pourraient aller dans le sens du Colorado et du Maine".

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