: Reportage "Le plus horrible aujourd’hui, c’est le plaisir qu’ils prennent à nous regarder souffrir" : en Arizona, l'angoisse des demandeurs d'asile après l'élection de Donald Trump
Trump 2 va-t-il être plus dur que Trump 1 ? Pendant toute la campagne pour la Maison Blanche, le milliardaire républicain a martelé sa rhétorique violente envers les migrants qui "empoisonnent le sang" américain ou "mangent des chats", tout en réaffirmant son projet de déportations massives. Réélu pour quatre ans avec facilité à la surprise générale, Donald Trump n'a pas attendu : il a de nouveau évoqué sa volonté de lancer la plus vaste campagne d’expulsions massives de l’histoire de Etats Unis.
Si cette gestion migratoire est encore mal définie, un sentiment d’anxiété, voire de panique, est en train de gagner les migrants sur le territoire américain. C’est notamment le cas en Arizona où on estime à 250 000 le nombre de personnes qui ne disposent pas encore d’autorisation pour vivre aux États-Unis.
À la sortie du bâtiment des services d’immigration de Phœnix, Sara, arrivée en 2021 du Honduras, est anxieuse. Elle marche vite et hésite à répondre à nos questions. Elle confie : "S’ils ne m’accordent pas l’asile, derrière, ils vont me donner un ordre d’expulsion... Je ne crois pas pouvoir l'obtenir avant que Trump n'arrive en janvier, ça dure rarement moins d’un an avant qu’ils ne te répondent. C’est un processus très long", se désole-t-elle.
"Ils m’ont dit que ça les dégoûtait d’imaginer vivre à côté de personnes comme moi..."
"On n’est plus dans un marathon, là on court un 100 mètres" , confie, de son côté, José Patino. La gorge nouée, ce coordinateur de l'association d'aide aux migrants Aliento sort tout juste d’une réunion avec des associations d’aide aux migrants, durant laquelle tous les participants ont étudié les recours juridiques possibles lorsque Donald Trump sera investi.
Ce n'est toutefois pas Donald Trump qui l'effraie le plus. Certains demandeurs d'asile confient avoir évoqué un plan d’"auto-déportation" si la persécution se révèle insupportable. José envisage ainsi des solutions pour reloger des migrants au Mexique, ou dans d’autres pays.
"Ce qui m'effraie, ce n'est pas le président, mais ceux qui sont derrière lui", confie-t-il. Avant de préciser : "Des gens, comme son conseiller Stephen Miller ou ceux de la Fondation Heritage, j’ai pu parler avec eux. Et ils m’ont dit que ça les dégoûtait d’imaginer vivre à côté de personnes comme moi... Je pense que pour les satisfaire, Trump va devoir leur donner un morceau de viande, et expulser certains migrants. Le plus horrible, aujourd’hui, c’est le plaisir qu’ils prennent à nous regarder souffrir", conclut, désolé, José.
Certains restent sereins, malgré tout
Larry, lui, est arrivé du Vietnam il y a deux ans. Depuis, il essaie de renouveler son permis de travail. Les migrants d’aujourd’hui (qu’il appelle "boat people") ne font pas les choses correctement, selon lui : "Tous les jours, vous voyez les boat people pour les papiers… Mais il faut le faire légalement, pas illégalement. Il faut faire comme moi et suivre leurs règles, travailler et payer ses taxes. C'est tout !"
Felix non plus ne s’en fait pas. Arrivé du Rwanda en 2017, il est persuadé que Trump bluffe avec ses expulsions massives. En fonction de leur situation, le degré de préoccupation est variable chez ces immigrés d’Arizona. Mais sentiment de "chacun pour soi" est en train d’émerger, sans que personne ne sache encore précisément à quoi ressemblera la politique migratoire de Donald Trump.
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