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"Rien de moins qu'un acte de trahison" : la polémique autour des échanges entre Trump et Poutine résumée en cinq actes

Donald Trump a refusé de condamner Moscou pour l'ingérence dans la campagne présidentielle américaine, provoquant une indignation quasi générale.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Donald Trump et Vladimir Poutine lors de leur conférence de presse conjointe, lundi 16 juillet 2018 à Helsinki (Finlande). (BRENDAN SMIALOWSKI / AFP)

"Un des pires moments de l'histoire de la présidence américaine", "[Poutine] doit probablement être en train de déguster du caviar en ce moment"... Au lendemain de sa rencontre avec Vladimir Poutine, lundi 16 juillet à Helsinki (Finlande), Donald Trump a fait face à une avalanche de critiques venues des démocrates américains et de son propre camp.

La raison ? Son refus obstiné, face à Vladimir Poutine, de condamner Moscou alors que la Russie est soupçonnée d'ingérence dans la campagne présidentielle américaine de 2016, malgré les éléments de ses propres services de renseignement. On vous récapitule l'affaire.

Acte 1 : la justice et les renseignements américains chargent la Russie

La récente résurgence de cette affaire remonte à vendredi. Trois jours avant le sommet entre Donald Trump et Vladimir Poutine, le procureur spécial chargé de l'enquête sur les soupçons d'ingérence du Kremlin dans la présidentielle américaine de 2016, Robert Mueller, inculpe douze personnes pour avoir piraté les ordinateurs du parti démocrate.

Les inculpés, tous membres des services de renseignement de l'armée russe (GRU), sont accusés d'avoir conduit "des opérations informatiques de grande envergure" entre mars et novembre 2016 pour s'introduire dans les ordinateurs de volontaires et responsables démocrates, voler des documents internes et "organiser" leur publication "pour s'ingérer dans l'élection", selon l'acte d'accusation.

Le numéro 2 du ministère de la Justice américain a beau insister sur le fait que le document publié par le procureur ne démontre pas de collaboration intentionnelle entre des Américains et des agents russes, la pression s'accentue sur Donald Trump. Nommé directeur du renseignement national par le président américain lui-même, le républicain Dan Coats enfonce le clou le jour même dans une intervention devant les membres d'un think-tank de Washington, rapporte CNN (article en anglais). Evoquant les menaces de cyberattaques qui pèsent sur les Etats-Unis, il charge sans ménagement Moscou.

[La Russie] est, sans discussion possible, l'acteur étranger le plus agressif. Et ils continuent leurs efforts pour saper notre démocratie.

Dan Coats, directeur du renseignement américain

devant le think-tank Hudson Institute

Alors en visite au Royaume-Uni, le président américain promet qu'il va "absolument et fermement poser la question" portant sur les soupçons d'ingérence à son homologue russe.

Acte 2 : à Helsinki, Trump affiche une grande mansuétude envers Poutine

Donald Trump rencontre finalement son homologue russe lundi dans la capitale finlandaise. Et à l'issue d'un tête-à-tête de deux heures en l'absence de leurs conseillers respectifs, la "fermeté" promise par le président américain semble s'être envolée. Devant la presse, Donald Trump a loué la manière "très forte et puissante" avec laquelle Vladimir Poutine avait démenti ces accusations lors de leur entretien.

"Le président Poutine dit que ce n'est pas la Russie [qui a interféré dans le processus électoral]. Et je ne vois pas de raisons qui feraient qu'elle serait impliquée. (...) Il n'y a jamais eu de collusion [entre ses équipes et la Russie]. Je ne connaissais pas le président : il n'y avait personne avec qui être de mèche", a encore appuyé Donald Trump. 

Le président américain a même salué "la proposition incroyable" faite par Vladimir Poutine : autoriser les enquêteurs américains à se rendre en Russie pour interroger les agents du renseignement inculpés. Le chef d'Etat russe s'est aussitôt empressé de préciser que ce marché ne fonctionnerait que s'il était "réciproque", et que les Etats-Unis permettaient à Moscou d'entendre "des officiels et des membres des services de renseignement" soupçonnés "d'activités illégales sur le territoire de Russie".

Acte 3 : Trump est accusé de "trahison"

Lors de son vol de retour de la capitale finlandaise, le président américain a pu constater les conséquences de ses égards vis-à-vis de son homologue russe : ses propos ont même été critiqués par des ténors du parti républicain. John McCain, l'ancien candidat à l'élection présidentielle et sénateur républicain, a ainsi dénoncé dans un communiqué au vitriol "un des pires moments de l'histoire de la présidence américaine".

Aucun président ne s'est jamais abaissé de façon aussi abjecte devant un tyran.

John McCain, sénateur républicain de l'Arizona

dans un communiqué

Donald Trump doit réaliser que "la Russie n'est pas notre alliée", a, de son côté, lancé le chef de file des républicains au Congrès américain, Paul Ryan. Le chef de l'opposition démocrate au Sénat, Chuck Schumer, a, quant à lui, accusé le président Trump de s'être montré "irréfléchi, dangereux et faible" face à son homologue russe. Nancy Pelosi, chef de l'opposition démocrate à la Chambre des représentants, a, pour sa part, évoqué "un triste jour pour l'Amérique et toutes les démocraties occidentales".

L'actuel directeur du renseignement, Dan Coats, a défendu dans un bref communiqué les évaluations "claires" de ses services et sur les "efforts en cours" de Moscou pour "saper" la démocratie américaine. Son prédécesseur James Clapper a lui carrément dénoncé sur CNN "une incroyable capitulation" du président des Etats-Unis. Quant à l'ex-patron de la CIA, John Brennan, en poste sous la présidence démocrate de Barack Obama, il a estimé que la "performance" de Donald Trump à Helsinki était "rien de moins qu'un acte de trahison".

Acte 4 : acculé, Trump assure ses services de renseignement de sa confiance

La vague d'indignation, d'une rare intensité, a conduit Donald Trump à assurer qu'il gardait une "IMMENSE confiance" en ses services de renseignement. "Toutefois, je dois aussi reconnaître qu'afin de construire un avenir meilleur, nous ne pouvons pas nous tourner exclusivement vers le passé – étant les deux plus grandes puissances nucléaires mondiales, nous devons nous entendre !", a-t-il ajouté sur Twitter.

Acte 5 : Trump reconnaît finalement l'ingérence russe

Face à la polémique, le président américain a décidé d'aller plus loin et de "clarifier" les choses mardi 17 juillet, lors d'une conférence de presse organisée à Washington (Etats-Unis). Le dirigeant est alors explicitement revenu sur ses propos tenus la veille à Helsinki. "J'accepte les conclusions de nos services de renseignement, selon lesquels la Russie a interféré dans l'élection de 2016", a déclaré Donald Trump, afin de mettre un terme à la controverse. 

La président américain s'est ensuite justifié, invoquant une simple erreur de négation lors de sa conférence de presse commune avec Vladimir Poutine à Helsinki. Il affirme ne pas avoir voulu dire qu'il ne voyait "pas de raisons qui feraient qu'elle [la Russie] serait impliquée", mais plutôt "pas de raisons qui feraient qu'elle NE serait PAS impliquée", a-t-il insisté. 

Donald Trump a toutefois tenu à assurer que cette ingérence russe n'avait "eu aucun impact" sur le résultat de l'élection présidentiellle de 2016 aux Etats-Unis. Sur Twitter mardi soir, le président américain a ensuite réitéré ses propos sur le "grand succès" qu'a été selon lui sa rencontre avec Vladimir Poutine. "Sauf dans les médias Fake News", a-t-il insisté. 

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