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Trois conséquences de la nomination du juge Brett Kavanaugh à la Cour suprême des Etats-Unis

Pour le "New York Times", "la Cour suprême sera plus conservatrice qu’elle ne l’a jamais été dans toute l'histoire moderne".  

Article rédigé par franceinfo - Juliette Campion
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Brett Kavanaugh lors de son audience devant le Comité judiciaire du Sénat à Washington (Etats-Unis), le 27 septembre 2018.  (ANDREW HARNIK / AFP PHOTO)

Pendant la campagne présidentielle, Donald Trump avait promis de faire basculer la Cour suprême. Pari tenu : avec la confirmation de la nomination samedi 6 octobre de Brett Kavanaugh par le Sénat au sein de la plus haute juridiction des États-Unis, les juges dits "progressistes" sont désormais en minorité – quatre sur neuf. L'arrivée de ce juge conservateur de 53 ans, accusé d'agression sexuelle, pourrait influer pendant de longues années sur des questions de société cruciales, telles que la peine de mort, le contrôle des armes ou le droit à l'avortement. Franceinfo fait le point sur les bouleversements politiques qui s'annoncent avec l'arrivée de Brett Kavanaugh. 

Une victoire politique pour Donald Trump

A peine Brett Kavanaugh avait-il prêté serment samedi que Donald Trump se réjouissait : "C'est une soirée historique", a lancé le président américain lors d'un rassemblement électoral à Topeka, dans le Nevada. Et de continuer, sous les acclamations de la foule : "Je me tiens devant vous aujourd’hui après une formidable victoire pour notre nation, pour notre peuple et pour notre bien-aimée Constitution." 

Après trois semaines de tensions et de polarisation extrême de l'opinion américaine, Donald Trump peut se féliciter d'avoir fait pencher la Cour suprême dans le camp conservateur en nommant deux juges depuis sont entrée en fonctions. Comme le rappelle le Guardian (en anglais), "Trump s'était engagé en tant que candidat à nommer des juges 'pro-vie', dans le but de gagner le soutien des conservateurs religieux".

A un mois des élections de mi-mandat, le président des Etats-Unis espère que ce succès politique, couplé à une ligne dure sur l'immigration et à une économie en pleine croissance, poussera ses partisans à le remercier dans les urnes pour lui assurer une majorité confortable au Congrès. Pour les démocrates, les élections de novembre s'annoncent comme la prochaine étape décisive. "Aux Américains, à tous les millions de gens outrés par ce qu’il s’est passé ici, il n’y a qu’une réponse : votez", a réagi Chuck Schumer, le chef de l’opposition démocrate au Sénat.

Une juridiction contrôlée par les conservateurs

A première vue, la nomination de Brett Kavanaugh ne semble pas bouleverser l’orientation politique de la Cour suprême puisqu’il remplace un autre conservateur : le juge Anthony Kennedy, nommé en 1987 par Ronald Reagan. Mais ce dernier s’est illustré ces dix dernières années par ses positions plutôt modérées. A 81 ans, Anthony Kennedy faisait figure d’arbitre au milieu de ses huit collègues, quatre libéraux, et quatre conservateurs. Il avait ainsi régulièrement défendu les droits des homosexuels et avait voté en faveur de l’arrêt qui a légalisé le mariage homosexuel au niveau fédéral en 2015. Anthony Kennedy s’était également distingué des positions traditionnelles des républicains, en protégeant le droit à l’avortement et en refusant d’autoriser la peine de mort pour les jeunes criminels.

Brett Kavanaugh devrait se montrer beaucoup moins accommodant que son prédécesseur. Passé par l’administration de George W. Bush, ce diplômé de Yale est connu pour ses prises de position très à droite. Avec cette nomination, "la Cour suprême sera plus conservatrice qu’elle ne l’a jamais été dans toute l'histoire moderne", analyse le New York Times (en anglais). Un virage qui pourrait durer plusieurs décennies, puisque Brett Kavanaugh est nommé juge à vie et qu'il est relativement jeune.

L'avortement, l'action positive, le financement de la campagne, les droits des homosexuels, tout cela ira dans une direction très différente parce qu'Anthony Kennedy est parti et que Brett Kavanaugh sera là.

L'analyste Jeffrey Toobin

cité par CNN 

Une image égratignée pour la Cour suprême

La nomination de Brett Kavanaugh a été approuvée à une très courte majorité : 50 voix contre 48, ce qui fait de lui le juge le plus mal élu par le Sénat dans l’histoire de la Cour suprême. Le processus chaotique de sa nomination a même contribué à refroidir le camp républicain. Dans un tweet (en anglais) posté la veille de la nomination du juge controversé, un journaliste de Buzzfeed citait la sénatrice républicaine Lisa Murkowski : "À mon avis, il n'est pas l'homme idéal en ce moment." Et le journaliste de préciser : "Elle pense que confirmer Kavanaugh nuirait à la confiance de la population dans la Cour suprême."

La légitimité de Brett Kavanaugh apparaît donc discutable. D'autant que, lors de sa procédure de nomination, il a parfois alimenté la polémique. Face aux accusations d’agression sexuelle portées par Christine Blasey Ford, une universitaire de 51 ans, il avait dénoncé un "coup politique" des démocrates pour "venger" le couple Clinton. Car dans les années 1990, Brett Kavanaugh avait participé à la rédaction du rapport au sujet de la liaison entre Bill Clinton et Monica Lewinsky. Cette déclaration très agressive tranche avec l’impartialité attendue d’un juge à la Cour suprême. "Les juges doivent discerner et appliquer des principes juridiques neutres sans tenir compte de la politique", résume le New York Times.

La cour a sa propre mystique. Le comportement de Kavanaugh lors de sa dernière audition a brisé cette mystique. Il sera difficile pour la Cour suprême de s'en remettre.

le professeur de droit Stephen Gillers

cité par le "New York Times"

Censée être au-dessus des contingences politiques, la plus haute juridiction des Etats-Unis s’est retrouvée empêtrée dans des bisbilles partisanes qui pourraient contribuer à ternir son image et susciter la méfiance des Américains. 

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