Twitter, Facebook, Google… Comment les géants d'internet ont réduit Donald Trump au silence depuis les violences au Capitole
Sur les principaux réseaux sociaux, certains comptes du président américain sortant ont été suspendus, d'autres sont restreints ou sous surveillance.
"Trop, c'est trop !" La phrase a été lâchée par le sénateur républicain Lindsey Graham devant ses pairs, jeudi 7 janvier, au lendemain de l'envahissement du Capitole à Washington par des partisans de Donald Trump. Ces scènes d'émeutes dans le temple de la démocratie américaine ont eu raison de ce soutien indéfectible du président américain.
La sentence pourrait aussi s'appliquer aux géants d'internet. Depuis quatre ans au moins, et le début du mandat de Donald Trump, Twitter comme Facebook sont critiqués pour ne pas en avoir fait assez contre les outrances et les "fake news" répandues par le président via leurs plateformes. L'envahissement du Congrès a fini par les pousser à sévir.
Trump suspendu pour une durée indéterminée sur Twitter…
Plus de photo de profil, plus de bannière, plus de biographie. Plus aucun tweet. Rien qu'un nom, @realDonaldTrump, et une page vide avec cette mention : "compte suspendu". Un coup terrible porté au président américain sur sa plateforme de prédilection.
Jusqu'à présent, Twitter signalait tout au plus d'un avertissement ou masquait les messages trompeurs ou outranciers de Donald Trump sur son compte personnel suivi par 88 millions d'abonnés. Mais mercredi soir, le réseau social a pour la première fois retiré des tweets du président. Il a également bloqué son compte pour douze heures, et menacé de le suspendre indéfiniment. Jeudi soir, Donald Trump s'est remis à tweeter. Mais pas pour longtemps.
Vendredi, Twitter a suspendu son compte pour un temps indéfini. "Après examen approfondi des tweets récents de @realDonaldTrump et du contexte actuel – notamment comment ils sont interprétés (...) – nous avons suspendu le compte indéfiniment à cause du risque de nouvelles incitations à la violence" de la part du président sortant, a expliqué l'entreprise dans un communiqué*.
Twitter a également supprimé vendredi des tweets publiés par le président américain sur son compte gouvernemental aux 33,4 millions d'abonnés, @POTUS (pour "président des Etats-Unis"). Donald Trump avait écrit à ses "millions de patriotes" : "Nous ne serons pas RÉDUITS AU SILENCE !" et "Twitter n'a rien à voir avec LA LIBERTÉ D'EXPRESSION".
Le réseau social a aussi suspendu le compte de la campagne de Donald Trump, @TeamTrump, après la publication d'un tweet avec un "commentaire du président Trump" accusant Twitter d'"interdire la liberté d'expression" et de s'accorder avec "les démocrates et la gauche radicale" pour le faire taire. "Utiliser un autre compte pour éviter la suspension est contre nos règles", a commenté un porte-parole de Twitter.
… et au moins jusqu'au 20 janvier sur Facebook et Instagram
Comme Twitter, Facebook et sa filiale Instagram ont suspendu les comptes de Donald Trump, dès mercredi, avant de les bloquer, jeudi, au moins jusqu'au 20 janvier, date de la prise de fonction du président élu Joe Biden. Le PDG Mark Zuckerberg s'en est expliqué en personne sur son profil*.
"Nous pensons que permettre au président de continuer à utiliser nos services pendant cette période pose des risques trop grands, écrit Mark Zuckerberg. Par conséquent, nous prolongeons le blocage de ses comptes Facebook et Instagram pour une durée indéterminée et pendant au moins les deux prochaines semaines jusqu'à ce que la transition pacifique du pouvoir soit terminée."
"Nous pensons que le public a le droit d'avoir un accès le plus large possible aux discours politiques, même controversés, rappelle le patron de Facebook. Mais le contexte actuel est maintenant fondamentalement différent, avec l'utilisation de notre plateforme pour encourager une insurrection violente contre un gouvernement démocratiquement élu."
Sous surveillance sur YouTube
Donald Trump peut toujours s'exprimer sur YouTube. Son compte officiel n'a pas été suspendu. Mais le président américain y est sous surveillance. Sa vidéo de mercredi soir, dans laquelle il demandait à ses partisans de rentrer chez eux après avoir saccagé le Capitole, sans condamner leur action et tout en les assurant de son amour, a été supprimée.
Au lendemain de ce coup d'éclat, YouTube a durci sa politique de modération*. Désormais, toute vidéo contestant le résultat de l'élection présidentielle américaine recevra une "strike", soit une suspension d'une semaine. Au bout de trois "strikes" en moins de 90 jours, la chaîne mise en cause sera bannie. YouTube assure que cette sanction s'appliquera à n'importe quelle chaîne.
Bloqué sur Snapchat
Snapchat a bloqué le compte de Donald Trump pour une durée illimitée dès mercredi, rapporte le site spécialisé TechCrunch*. Dans un post*, le patron et cofondateur Evan Spiegel explique que Snapchat "ne peut tout simplement pas promouvoir des comptes en Amérique qui sont liés à des personnes qui incitent à la violence raciale".
En juin déjà, le réseau social avait sévi contre le président en réduisant la visibilité de ses vidéos. Seuls ses abonnés pouvaient voir ses "snaps". Ses vidéos n'apparaissaient plus dans l'onglet "Discover".
Son compte désactivé sur Twitch
Le compte de Donald Trump a été désactivé pour une durée indéterminée sur Twitch, la plateforme de diffusion de vidéos en direct très populaire chez les amateurs de jeux vidéo. Le président sortant y retransmettait auprès d'un public plus jeune ses meetings de campagne et ses conférences de presse.
"Compte tenu des circonstances extraordinaires actuelles et de la rhétorique incendiaire du président, nous pensons qu'il s'agit d'une étape nécessaire pour protéger notre communauté et empêcher Twitch d'être utilisé pour inciter à de nouvelles violences", plaide l'entreprise dans un communiqué cité par le site spécialisé dans la culture high-tech The Verge*.
Twitch indique qu'elle réexaminera le cas de Donald Trump après son départ de la Maison Blanche. D'ici là, son compte reste en ligne, mais il ne peut plus diffuser en direct. Seules ses vidéos archivées sont consultables.
Des vidéos supprimées sur TikTok
TikTok n'a pas bloqué le compte de Donald Trump, pour la simple et bonne raison que le président américain n'en a pas sur ce réseau social chinois contre lequel il a bataillé en vain, tentant de le faire interdire sur le territoire américain. Mais TikTok a tout de même annoncé des sanctions, indique le site TechCrunch*. L'entreprise a supprimé plusieurs vidéos du message de Donald Trump à ses partisans qui ont envahi le Capitole, parce qu'elles violaient ses règles d'utilisation relatives à la diffusion de fausses informations. Des mots-clés employés par les supporters du milliardaire, comme "#patriotparty" ou "#stormthecapitol", y ont également été interdits.
Le réseau social Parler retiré du Google Play Store
Peu de temps avant d'être suspendu, le compte Twitter de la campagne de Donald Trump avait invité ses 2,3 millions d'abonnés à le rejoindre sur Parler. Cette plateforme, encore peu connue du grand public, a connu un succès phénoménal ces derniers mois, devenant au fil de la campagne présidentielle américaine le repaire du camp conservateur. Ces républicains y ont rejoint des militants plus radicaux déjà présents, comme les suprémacistes blancs ou les complotistes QAnon, séduits par des règles de modération moins strictes que sur Twitter. Vendredi, Google a annoncé avoir retiré Parler de sa plateforme de téléchargement d'applications.
Google exige de toutes les applications disponibles sur le Google Play Store qu'elles mettent en place une politique de "modération robuste pour les contenus extrêmes" si elles hébergent et diffusent des messages d'utilisateurs. Or, "nous savons que des messages incitant à la violence en cours aux Etats-Unis continuent d'être diffusés sur Parler", ajoute l'entreprise. Des messages de soutien aux émeutiers qui ont fait irruption au Capitole avaient notamment fleuri. "Compte tenu de cette menace continue et immédiate pour la sécurité publique, nous suspendons la disponibilité de l'application sur la boutique en ligne de Google jusqu'à ce que [Parler] résolve ces problèmes", conclut l'entreprise.
La décision de Google rend désormais plus compliqué l'accès à cette plateforme pour les détenteurs d'appareils fonctionnant avec le système d'exploitation Android. Selon BuzzFeed*, Apple a de son côté donné 24 heures à Parler, vendredi, pour mettre en place une politique de modération, sans quoi elle la suspendrait de sa propre boutique en ligne, l'App Store.
Le directeur général de Parler a réagi. John Matze a certes déclaré à Reuters que "la coordination d'émeutes, de violences et de rébellions n'a pas sa place sur les réseaux sociaux". Mais ce libertarien a aussi défendu dans une publication la politique plus permissive de son entreprise : "Apparemment, ils pensent que Parler est responsable de TOUT le contenu généré par ses utilisateurs." "Si on suit la même logique, Apple doit être tenu pour responsable de TOUTES les actions générées avec leurs téléphones. Chaque bombe placée dans une voiture, chaque conversation illicite, chaque crime commis avec un iPhone, Apple doit en être tenu pour responsable."
Ces mesures privent Donald Trump de sa tribune favorite. Mais seront-elles efficaces ? Dans ses derniers tweets, le président sortant déclarait qu'il songeait à créer son propre réseau social dans un futur proche.
* Les liens suivis d'un astérisque sont en anglais.
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