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Douglas Kennedy : "On pensait qu'en devenant président, Donald Trump serait plus intelligent, et cela a été l'inverse"

L'écrivain américain vit la présidentielle américaine en opposant acerbe à Donald Trump, ce président qu'il n'a cessé de combattre depuis son accession à la Maison Blanche, il y a quatre ans.

Article rédigé par franceinfo
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L'écrivain américain Douglas Kennedy, en 2013. (ULF ANDERSEN / AURIMAGES VIA AFP)

Il se définit lui-même comme un "Américain gauchiste" : Douglas Kennedy est une des voix les plus critiques et les plus constantes de la littérature américaine. Selon lui, Donald Trump, ce "gangster" aux airs de Mussolini, laisse après quatre ans de pouvoir une Amérique plus divisée que jamais et en est arrivé à faire regretter George W. Bush – qui était pourtant "au-delà de stupide". L'auteur de La Symphonie du hasard a accordé un entretien à franceinfo, mardi 3 novembre, jour d'élection présidentielle aux Etats-Unis.

franceinfo : Douglas Kennedy, en ce jour d'élection présidentielle, comment voyez-vous ces quatre années de mandat de Donald Trump à la Maison Blanche ?

Douglas Kennedy : On a pensé au début avec Trump : OK, écoutez, le mec est un connard, mais en même temps, il est assez malin... Il a utilisé l'extrême droite du parti républicain, et surtout les néo-chrétiens, pour gagner le pouvoir, mais dans le passé, c'était un membre du parti démocrate. Et peut-être qu'en devenant président, il serait plus intelligent. En fait, cela a été l'inverse. Il est un Mussolini, maintenant. Il menace la démocratie américaine.

Il a été pire que ce que vous imaginiez ?

Complètement. Et le pire du pire, c'est que les républicains ont perdu leur vernis de parti moral ou éthique. Pour moi, Trump et ses associés ont volé l'élection il y a quatre ans, et ça peut arriver à nouveau.

Vous pensez qu'aujourd'hui, les Etats-Unis sont un pays qui au bord de la division, au point peut être d'entrer dans une guerre civile ?

Au bord ? C'est un pays complètement divisé.

Et cela, ce n'est pas la faute de Trump ? C'est lui qui a coupé cette Amérique en deux ?

Il a accentué ça de manière très, très extrême. Maintenant, on en est à penser que l'époque de George W. Bush, c'était pas mal... A l'époque, j'étais fréquemment ici pour dire : mon Dieu, Bush est au-delà de stupide ! Mais la vérité, c'est qu'il a respecté la Constitution et les lois. Et un Américain gauchiste comme moi pense qu'à l'époque de Bush, il y avait une certaine stabilité. Maintenant, rien n'est stable. Ça, c'est la vérité. Il y a un système de darwinisme social aux Etats-Unis. On a de l'argent ou on est dans la merde.

Et pourtant, ce sont en partie ces gens en difficulté qui ont votent Trump, pensant qu'il peut les sortir de leur condition, ne pas les oublier. C'est ce qui a été reproché aussi au parti démocrate.

Mais ça, c'est la stratégie machiavélique des républicains depuis Reagan. Ronald Reagan a convaincu la classe populaire et la classe moyenne de voter pour lui en disant : je suis un vrai Américain, je suis contre les élites, je suis contre les progressistes. Et vous êtes l'Amérique profonde, les vrais Etats-Unis.

Vous parlez de cette Amérique profonde, d'une Amérique littéralement divisée et coupée en deux. Donald Trump compte encore aujourd'hui des dizaines de millions de partisans très fervents. On l'a vu dans les derniers meetings. Que faire de cette Amérique-là ?

Je pense que Joe Biden a gagné le soutien de certains membres de la classe populaire, qui n'ont pas été convaincus par Trump. Et aussi, surtout, parce que on vit un moment extraordinaire, la pandémie. La réponse du gouvernement fédéral a été une catastrophe.

Est-ce qu'il y a une adhésion à Joe Biden ? Vous détestez Donald Trump, est-ce que pour autant, vous trouvez des qualités à Joe Biden ?

Je pense qu'il y a certaines choses dans sa carrière comme sénateur que je déteste. Mais le truc avec Biden, c'est que c'est un professionnel. Et il est rationnel (rires).

Et ça, ça vous manque ?

Oui ! Il est rationnel. Et il est inclusif. J'aime ces valeurs.

Comment vous voyez l'avenir des Etats-Unis au-delà de cette journée d'élection ?

Si Trump regagne la Maison-Blanche ? Fais gaffe, fais gaffe, fais gaffe... En fait, ce sera franchement la chute de la démocratie américaine. Si c'est Biden et si, pour la première fois depuis longtemps, le parti démocrate est malin, s'ils reprennent le Sénat, il faut faire les choses rapidement, parce qu'il y a deux ans utiles pour changer les choses, renforcer la Cour Suprême et créer un vrai New Deal pour la classe moyenne. OK, on peut maintenir le système capitaliste, mais avec une vraie démocratie sociale.

Si Joe Biden l'emporte, quelle sera votre réaction ?

Le soulagement sera vaste. Pour moi, Trump est franchement un gangster

Des millions d'Américains ont déjà voté avec un vote anticipé. Comme avez-vous voté, vous ?

Tout à fait il y a deux semaines. Et je suis arrivé à la mairie de mon village dans le Maine, avec mon papier. J'ai décidé d'éviter la poste...

"On pensait qu'en devenant président, Donald Trump serait plus intelligent, et cela a été l'inverse" - Entretien avec Douglas Kennedy

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