Présidentielle américaine : six extraits des e-mails piratés du camp Clinton qui écornent l'image de la candidate
L'organisation WikiLeaks et le site The Intercept ont dévoilé des échanges privés entre les membres les plus hauts placés de l'équipe de campagne d'Hillary Clinton. Voici ce qu'on y apprend.
Elle se préparait depuis des mois. Bien avant le lancement officiel de sa campagne, en avril 2015, Hillary Clinton et ses équipes ont travaillé dans l'ombre pour mettre en place sa nouvelle candidature à l'élection présidentielle américaine. Certains de leurs échanges au cours de cette période, rendus publics par l'organisation WikiLeaks (en anglais) et le site The Intercept (en anglais), lèvent le voile sur la façon dont l'ancienne secrétaire d'Etat (l'équivalent du ministre des Affaires étrangères) et ses équipes ont géré en coulisses la course à la Maison Blanche.
L'organisation de Julian Assange a d'abord publié, vendredi 7 octobre, une série d'e-mails (en anglais) impliquant John Podesta, le responsable de la campagne de l'ancienne secrétaire d'Etat. "Je n'ai pas le temps de regarder quels documents sont réels, quels documents sont trafiqués", a tweeté le principal intéressé. En parallèle, le site The Intercept (en anglais) a dévoilé, dimanche 9 octobre, d'autres courriels et documents internes, dont l'authenticité n'a pas été remise en cause par le camp Clinton. Franceinfo vous livre les principaux enseignements de ces échanges.
Extrait n°1 : les discours complices devant les banquiers de Wall Street
Durant toutes les primaires démocrates, la question est restée l'épine dans le pied d'Hillary Clinton, sans cesse ravivée par son rival de l'époque, Bernie Sanders : qu'a-t-elle dit lors de ses multiples discours rémunérés devant les grands groupes financiers de Wall Street ? Pour la première fois, WikiLeaks apporte un élément de réponse. Les équipes de campagne de l'ancienne secrétaire d'Etat étaient bien conscientes du problème potentiel de ses interventions privées et des extraits "sensibles" ont été échangés par e-mails.
Tout au long de la campagne, Bernie Sanders a dénoncé les "liens" entre Hillary Clinton et les grandes banques. Ces discours lui donnent partiellement raison puisque l'ancienne sénatrice de l'Etat de New York y affiche sans complexe sa proximité avec les ténors de la Bourse de Wall Street. "Je vous ai tous représentés pendant huit ans", rappelle-t-elle lors d'un colloque organisé par Goldman Sachs en 2013. Sans pour autant négliger les dérives du système financier, elle suggère que l'autorégulation était finalement la meilleure méthode. "Les régulations n'ont rien de magique, aurait-elle affirmé. Trop de régulations, c'est mauvais. Pas assez, c'est mauvais. Comment trouver ce qui marche ? Ceux qui connaissent le mieux le secteur, ce sont les gens qui travaillent dans ce secteur."
Extrait n°2 : la bonne fortune assumée de la candidate
Dans l'un de ces fameux discours, Hillary Clinton reconnaît qu'elle n'est "plus en phase" avec les Américains, s'inquiète son équipe. "Nous avons eu une éducation de classe moyenne, déclame la candidate en 2014, en se référant à son enfance. Nous avions de bonnes écoles publiques. Nous avions un système de santé accessible. Nous avions notre petite maison familiale. (...) Maintenant, évidemment, je suis très loin de tout ça, avec la vie que j'ai vécue et la bonne fortune économique dont mon mari et moi profitons." Hillary Clinton assure ne pas avoir "oublié" son passé, mais l'effet aurait pu être désastreux.
Extrait n°3 : "la position publique" et la "position privée"
Plus problématique, lors d'une autre intervention, Hillary Clinton affirme la nécessité d'avoir une "position publique", officielle, et une "position privée". Un double discours ? Donald Trump le lui a reproché, lors du deuxième débat présidentiel.
La politique, c'est comme la fabrication de la saucisse.
"Ce n'est pas très ragoûtant, et ça a toujours été comme ça, analyse Hillary Clinton. Mais si tout le monde voyait les discussions en coulisses et les accords conclus, les gens deviendraient un peu nerveux." Dérangeant, pour une candidate dont se méfient toujours les électeurs. En septembre, 62% des Américains ne la considéraient pas "honnête et digne de confiance", d'après un sondage pour ABC et le Washington Post (en anglais).
Extrait n° 4 : la stratégie offensive face à Bernie Sanders
Hillary Clinton a dû faire face à un adversaire plus féroce que prévu durant les primaires démocrates, en la personne de Bernie Sanders. Sans surprise, le nom du rival apparaît dans les e-mails échangés par son équipe de campagne. "Le message [d'Hillary Clinton] doit être plus positif, écrit un conseiller. Bernie dit : 'Nous pouvons changer le monde'. Son message [celui d'Hillary Clinton], c'est 'Non, nous ne pouvons pas [le changer] parce que...'." Il préconise une nouvelle stratégie, pour contrer le sénateur du Vermont : mettre en valeur des jeunes dans les publicités en faveur de la candidate.
Le rival est pris au sérieux, comme l'atteste un courriel d'octobre, dans lequel un membre de l'équipe fait part des recherches menées contre Bernie Sanders et liste ses points faibles. "A la demande d'Hillary Clinton, nous allons nous plonger plus profondément dans le bilan de Sanders en termes d'agriculture, pour voir s'il y a quelque chose qui pourrait être problématique dans l'Iowa", le premier Etat à voter lors des primaires démocrates, poursuit le courrier.
Que les équipes de campagne réfléchissent à la communication, aux discours, à la stratégie à adopter, rien de plus normal. Mais le New York Times (en anglais) s'étonne : ce qui est le plus saillant dans ses e-mails, analyse le journal, c'est que Hillary Clinton et ses conseillers semblent avoir du mal à définir son positionnement politique. "Les conversations privées de ses conseillers autour de questions politiques ont souvent tourné autour des avantages et des inconvénients de telle ou telle prise de position, alors qu'il n'y avait que peu ou pas de discussions à propos des convictions d'Hillary Clinton", écrit le quotidien.
Extrait n° 5 : la "très bonne relation" avec certains journalistes
L'équipe de campagne d'Hillary Clinton a visiblement ses journalistes "chouchous". The Intercept dévoile par exemple une invitation envoyée à de grands noms de la télévision et de la presse écrite américaines : les heureux élus, triés sur le volet, sont par exemple conviés à une réception en avril 2015 pour recueillir les "premières pensées" de ses conseillers sur la campagne à venir. Bien entendu, tout est off.
A l'époque, l'ancienne secrétaire d'Etat n'est pas encore officiellement candidate, mais ses conseillers préparent le terrain médiatique. Dans une note de janvier 2015, publiée par le site, un conseiller décrit la "très bonne relation" entretenue avec Maggie Haberman, journaliste de Politico. Le texte évoque des articles "arrangés" avec elle, ajoutant que le camp Clinton n'a "jamais été déçu" par son travail. Dans le mois qui suit, Maggie Haberman, devenue reporter au New York Times, publie deux articles sur les préparatifs de l'équipe d'Hillary Clinton. Au final, les articles en questions sont plus "nuancés" et même plus "critiques" que ce que la note du camp Clinton espérait, à en croire The Intercept.
Extrait n° 6 : des heures d'échanges pour un tweet
Les enjeux de la campagne sont tels que chaque prise de parole de la candidate est surpréparée, la moindre blague est soupesée et même les tweets sont examinés à la loupe, comme en atteste un échange daté du 31 juillet 2015. Ce jour-là, le sénateur Marco Rubio interpelle la démocrate sur Twitter. Le candidat malheureux aux primaires républicaines lui reproche de faire une "erreur" en prônant le réchauffement des relations avec Cuba. Hillary Clinton doit-elle répliquer ? Comment ? La question fait l'objet d'une longue série d'échanges, révélés par WikiLeaks. Faut-il ou non ajouter l'identifiant Twitter de Marco Rubio ? Commencer par l'identifiant ou par un point, pour que le message soit visible de tous les abonnés d'Hillary Clinton ?
Sept heures plus tard, la réponse est enfin publiée sur le compte de l'ancienne secrétaire d'Etat. "L'embargo [avec Cuba] n'a pas fonctionné", répond-elle. Le tweet se termine par "-H" : officiellement, il est donc censé avoir été écrit par Hillary Clinton elle-même. En réalité, d'après les e-mails publiés par WikiLeaks, plus de dix personnes ont été associées à la rédaction de ce message.
@marcorubio You've got it backwards: Engagement is a threat to the Castros, not a gift. Embargo hasn’t worked for 50+ years. -H
— Hillary Clinton (@HillaryClinton) 31 juillet 2015
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