RECIT FRANCETV INFO. Présidentielle américaine : comment Hillary Clinton a construit sa carrière politique pendant 50 ans
A 17 ans, Hillary Rodham Clinton se voit déjà présidente. A l'époque, la jeune femme est hyperactive dans son lycée de Park Ridge, dans la banlieue nord de Chicago (Etats-Unis). Elle joue dans une parodie de Hamlet, lutte contre le vandalisme, manque de peu de participer à un jeu télévisée, est nommée pour un concours de miss et remporte de multiples récompenses académiques. Mais ce n'est pas suffisant pour se faire élire à la tête de l'assemblée étudiante. Opposée à plusieurs jeunes hommes, Hillary Clinton perd l'élection, raconte-t-elle dans ses mémoires. "Cela ne m'a pas surpris, mais ça m'a quand même blessé, surtout parce que l'un de mes adversaires m'a dit que j'étais 'vraiment stupide si je pensais qu'une fille pouvait être élue présidente'."
Ce qui semblait impossible il y a quelques années est désormais à sa portée : Hillary Clinton a formellement accepté l'investiture démocrate, jeudi 28 juillet, lors de la convention démocrate convoquée à Philadelphie. Elle représentera le parti à la présidentielle de novembre, face à Donald Trump : l'aboutissement d'une longue carrière politique, occultée pendant des années par la présidence de son mari. Son engagement a en réalité commencé bien avant sa rencontre avec Bill Clinton.
Conservatrice ou libérale ? Le dilemme de jeunesse
En 1964, l'Amérique vote pour se choisir un nouveau président. Le républicain Barry Goldwater affronte le sortant démocrate Lyndon B. Johnson. Hillary Clinton, encore au lycée, mais déjà incontournable dans son établissement, participe à une élection fictive au cours de laquelle elle prend en charge la campagne des républicains. Les élèves n'ont pas le droit de coller des affiches ou de tenir des meetings, mais peuvent tout de même distribuer des tracts et arborer des badges. A l'issue du scrutin, Barry Goldwater l'emporte avec 55% des voix. Une première campagne réussie pour Hillary Clinton, mais son candidat n'aura pas cette chance au niveau national.
Tout juste diplômée, elle intègre l'université Wellesley, dans le Massachusetts. Sa ténacité est déjà là. "Elle pouvait être vraiment insistante, se souvient la directrice, Ruth Adams. [Elle] n'était pas toujours facile à gérer si vous étiez en désaccord avec elle." Hillary Clinton y poursuit ses activités politiques. Contrairement au lycée, elle parvient à se faire élire à la présidence de l'assemblée étudiante. Elle prend aussi la tête des jeunes républicains. Il faut dire que son père est un "conservateur bourru", à en croire Bill Clinton. Mais Hillary Clinton commence à s'interroger sur la ligne de son parti, que ce soit sur les droits civiques ou sur la guerre du Vietnam. Dans un courrier, elle se pose ouvertement la question.
Peut-on être conservatrice de tête et libérale de cœur ?
Pour la présidentielle de 1968, elle se range d'abord du côté d'Eugene McCarthy, un démocrate opposé au conflit, mais il ne parvient pas à se faire investir. Cette évolution politique ne l'empêche pas de prendre la direction de Washington D.C., la capitale fédérale, où elle fait un stage auprès du groupe républicain à la Chambre des représentants. A la fin de l'été, elle assiste à la convention du parti à Miami, dans l'espoir de faire désigner Nelson Rockefeller, de l'aile gauche du mouvement. Là encore, la tentative se solde par un échec : Richard Nixon remporte la nomination.
L'année suivante, Hillary Clinton a les honneurs du magazine Life, à l'occasion de la cérémonie de diplôme de Wellesley. Au nom de ses camarades, elle tient un discours dans la foulée du sénateur Edward Brooke, à l'époque l'élu afro-américain le plus haut placé aux Etats-Unis. La jeune camarade disserte à la tribune sur "les attentes" de sa génération, confrontée à la "réalité". "Le défi, c'est de pratiquer la politique comme un art de rendre possible ce qui paraissait impossible", explique-t-elle. Elle reçoit une standing ovation, à en croire les médias.
La rencontre avec Bill Clinton
Tout juste diplômée, Hillary Clinton rejoint la prestigieuse université de Yale. Elles ne sont que de rares étudiantes, comme elle, à intégrer le département de droit. L'une de ses camarades de promotion se souvient d'une jeune femme qui "savait qu'elle voulait être influente politiquement et célèbre". Pourtant, au lycée, elle résumait son ambition à "se marier avec un sénateur et s'installer à Georgetown", le quartier huppé de Washington D.C. Elle ne sait pas encore à l'époque que Bill Clinton va lui ouvrir les portes de la Maison Blanche.
Le futur président des Etats-Unis est l'un de ses camarades. Une fois leur relation entamée, il choisit de suivre Hillary un été en Californie, où elle fait un stage dans l'un des cabinets d'avocats les plus à gauche du pays. Puis, c'est à son tour de le retrouver au Texas, où il s'occupe de la campagne présidentielle du démocrate George McGovern, candidat malheureux à l'élection de 1972. Ils croisent la route de Betsey Wright, leur future consultante politique.
J'étais moins intéressée dans l'avenir politique de Bill que dans celui d'Hillary. J'étais obsédée, je me demandais jusqu'où elle pourrait aller avec son mélange d'intelligence, d'ambition et de confiance en soi.
Sauf qu'à ce moment-là, c'est Bill qui se voit déjà au Congrès. Le 25 février 1974, depuis un motel de Hot Springs, il annonce sa candidature dans le troisième district de l'Arkansas. A la télévision et à la radio, ses publicités sont pleines de promesses : "Bill Clinton est prêt, il en a marre aussi. Il me ressemble beaucoup, il vous ressemble beaucoup aussi. Bill Clinton va faire avancer les choses, et nous allons l'envoyer à Washington." Hillary est déjà installée dans la capitale, où elle travaille sur le dossier de destitution de Richard Nixon, empêtré dans l'affaire du Watergate. Et elle espère bien ne pas avoir à la quitter.
Mais le président des Etats-Unis démissionne et Bill Clinton échoue à se faire élire cette fois-ci. Il vise à présent le poste de procureur général de l'Arkansas. Hillary finit par le rejoindre. Le mariage est programmé. La cérémonie a lieu dans le salon de leur nouvelle maison de Fayetteville, achetée 20 500 dollars. Quand Betsey Wright apprend l'union, elle est furieuse. Elle explique à Bill "qu'il ne pouvait pas faire ça, qu'il ne devrait pas faire ça". "Qu'il pouvait trouver n'importe qui pour jouer la femme de politique, mais nous, [le mouvement féministe], nous ne trouverions jamais quelqu'un comme elle."
"Le gouverneur Bill Clinton et Hillary Rodham"
La carrière politique de Bill Clinton est lancée. Il remporte son premier scrutin, avant de devenir dans la foulée gouverneur de l'Arkansas. Pour autant, Hillary Clinton n'est pas une Première dame traditionnelle. Elle poursuit ses activités professionnelles, enseigne à l'université et rejoint un cabinet spécialisé en droit des affaires. Elle n'abandonne pas non plus ses engagements politiques. S'implique, tout comme Bill, dans la campagne présidentielle de Jimmy Carter. Elle est nommée à la tête du conseil d'administration de la Legal Services Corporation, en charge de l'aide juridictionnelle outre-Atlantique.
Mais la lune de miel entre Bill Clinton et les habitants de l'Arkansas ne dure pas. La campagne pour sa réélection est plombée par une mauvaise décision fiscale et par un afflux de réfugiés cubains dans un camp installé dans l'Etat. L'attitude de sa femme est également questionnée. Après son mariage, Hillary a choisi de conserver son nom de jeune fille. "Des gens étaient contrariés de recevoir des invitations à des événements au nom du 'gouverneur Bill Clinton et d'Hillary Rodham", raconte-t-elle dans ses mémoires. Quand son mari cherche à se faire réélire, elle cède. "Je n'ai pas besoin de changer de nom, je suis Madame Clinton, explique-t-elle. J'ai conservé mon nom Hillary Rodham pour mes activités professionnelles."
Je vais maintenant m'absenter de mon cabinet pour faire campagne à plein temps pour Bill et je serai Madame Bill Clinton.
Le démocrate retrouve son poste en 1983 et ne le quittera plus avant d'intégrer la Maison Blanche. A ses côtés, Hillary Clinton prend en charge la difficile réforme du système éducatif de l'Arkansas, très mal en point. Mais le caractère volage de son mari la rattrape. Le cauchemar commence à la fin des années 1980 avec Marylin Jo Jerkins, une divorcée dont Bill pense être tombé amoureux. A en croire son biographe Carl Bernstein, Hillary Clinton envisage alors de divorcer et même de se présenter pour lui succéder en tant que gouverneur. Mais elle choisit de rester à ses côtés. Elle se justifiera quelques années plus tard dans le magazine Glamour.
Aucun mariage n'est parfait. Mais ce n'est pas parce qu'il est imparfait que la seule solution est de partir.
Une Première dame en première ligne
La tâche est difficile. Hillary Clinton s'y lance avec ferveur. La Première dame présente avec brio son plan aux parlementaires américains. "Je suis venu ici en tant que mère, fille, sœur, femme, lance-t-elle face aux élus. Je suis ici en tant que citoyenne américaine inquiète pour la santé de sa famille, de la santé de sa nation." "Elle a ébloui cinq commissions du Congrès", s'enthousiasme un éditorialiste du New York Times, qui évoque un exposé "impressionnant" et confie même son "espoir" de voir une problématique vieille de 50 ans peut-être aboutir à une solution.
Mais faute de réelles négociations, faute de compromis, le projet s'enlise. Le lobby des assurances se rebiffe, avec Harry et Louise pour mascottes. Dans les publicités diffusées à la télévision, ce couple — fictif — de quadragénaires épluche ses factures et se lamente : "Mais c'était couvert sous notre ancien plan !" "Les choses changent et pas forcément en bien, commente la voix off. Le gouvernement pourrait nous forcer à choisir parmi quelques offres échafaudées par des bureaucrates." "Avoir des choix que nous n'aimons pas, c'est comme n'avoir aucun choix, répond le couple. Ils choisissent, nous perdons."
Le couple présidentiel tente bien de vendre sa réforme, avec une tournée en bus à travers les Etats-Unis, mais le roadtrip est perturbé à chaque étape par des protestataires. En septembre 1994, le patron du groupe démocrate au Sénat annonce la mort du projet, Hillary Clinton se met en retrait. Elle résume le virage, en une phrase, dans une interview en 1995.
Je pense que ma première responsabilité est de faire ce que mon mari pense être utile pour lui. Cela peut être quelque chose d'important, mais surtout juste se relaxer, discuter ou même jouer aux cartes et l'écouter ruminer. Tout ce qui peut me permettre d'être là pour lui, je crois que c'est la chose la plus importante que j'ai à faire.
Elle fait tout de même une apparition remarquée en septembre à la quatrième conférence des Nations unies sur les femmes, organisée en Chine. A la tribune, à Pékin, elle dénonce la politique de l'enfant unique. Et elle prononce cette phrase mémorable : "Les droits des femmes sont des droits humains." Le discours est salué aux Etats-Unis.
L'affaire Lewinsky
Mais encore une fois, les polémiques rattrapent les Clinton. L'affaire Whitewater, autour de leurs investissements immobiliers ratés dans l'Arkansas. Puis l'affaire Monica Lewinsky, qui fera le tour du monde. Les détails croustillants sont partout dans la presse. L'ancienne stagiaire à la Maison Blanche aurait conservé une robe bleue avec des "fluides corporels" du président des Etats-Unis. En public, Hillary Clinton fait face, une fois de plus. "La meilleure chose à faire dans ces cas-là, c'est d'être patient, de prendre une grande respiration, et la vérité finira par sortir, lâche-t-elle à la télévision en janvier 1998. De mon point de vue, cela fait partie de la campagne politique en cours contre mon mari."
En coulisse, elle s'effondre quand Bill Clinton finit par reconnaître la liaison. "Je pouvais à peine respirer, se souvient-elle dans son autobiographie. J'ai commencé à pleurer et à lui crier dessus. 'Qu'est-ce que tu veux dire ? Qu'est-ce que tu racontes ? Pourquoi tu m'as menti ?' J'étais furieuse et je le devenais un peu plus à chaque seconde." Mais elle continue de se tenir aux côtés de son mari. "Je pense que la majorité des Américains partagent mon approbation et ma fierté en ce qui concerne le travail du président pour notre pays", explique-t-elle aux journalistes. Bill Clinton évite la destitution et se prépare à terminer son mandat, le dernier. Hillary Clinton pense à la suite. A sa carrière.
Le Sénat, son envol politique
Le 7 juillet 1999, elle se lance, depuis la ferme de Patrick Moynihan, à Pindars Corner, dans l'Etat de New York. Le sénateur prend sa retraite. Elle annonce son intention de lui succéder, sans son mari à ses côtés : le président est ce jour-là en visite dans une réserve indienne du Dakota du Sud. Sans attaches dans la région, la Première dame doit convaincre du bien-fondé de sa candidature : "J'imagine que la question qui est dans toutes les têtes c'est 'Pourquoi le Sénat, pourquoi New York et pourquoi moi ?'. Tout ce que je peux dire, c'est que je me sens profondément concernée par les problématiques qui sont importantes ici."
Hillary Clinton s'embarque dans un tour de l'Etat, pour "écouter" les citoyens. "Leur montrer que ce que je soutiens est peut-être aussi important, si ce n'est plus important, que d'où je viens." En face, le maire de New York, Rudy Giuliani, tente de se présenter, mais une maladie — un cancer de la prostate — et une liaison extraconjugale mettent fin à sa candidature. La Première dame fait finalement face à un second couteau, Rick Lazio, et l'emporte largement, avec plus de 55% des voix.
Deux semaines avant de quitter la Maison Blanche, Hillary Clinton est investie sénatrice le 3 janvier 2001. Bill est présent à la cérémonie, mais sur le côté : elle est la tête d'affiche du couple ce jour-là et elle va désormais le rester. La nouvelle élue se fait petit à petit sa place. Dans un portrait, le New Yorker la surnomme "l'étudiante", en plein apprentissage des règles du Congrès. Elle s'installe dans le bureau de son prédécesseur, pas forcément le plus désiré dans les allées du Sénat, mais Hillary Clinton est considérée comme une débutante, malgré son parcours et ses années de Première dame.
Comme ses collègues, la sénatrice est membre de plusieurs commissions, consacrées au budget, à l'environnement, à la santé, l'éducation, le travail, les retraites. Dès sa troisième année de mandat, elle obtient un siège au sein de l'influente commission des forces armées. L'occasion de se construire une crédibilité sur les dossiers touchant la défense et l'international, dans la foulée des attentats du 11-Septembre qui ont visé l'Etat de New York en plein cœur. "La guerre contre le terrorisme est un challenge de long-terme, et cela va être important de comprendre quelle sera notre réponse militaire, explique-t-elle. [L'administration Bush] a pour stratégie d'affamer le budget fédéral, sauf ce qui touche à la défense. Je voulais comprendre et avoir de l'influence sur la façon dont l'argent allait être utilisé."
L'échec face à Barack Obama
Plutôt efficace au Congrès, Hillary Clinton se lance une première fois dans la course à la Maison Blanche. Le 20 janvier 2007, 14 ans jour pour jour après l'investiture de Bill Clinton, la sénatrice annonce sa candidature en vidéo.
Je ne commence pas une campagne, je commence une conversation avec vous, avec l'Amérique parce que nous devons tous prendre part à la discussion pour prendre part à la solution.
Dans cette séquence, elle insiste sur la nécessité de mettre fin à la guerre en Irak — qu'elle a soutenu au départ —, de "restaurer le respect pour l'Amérique à travers le monde", de mettre fin au déficit et de proposer à tous les citoyens un système de santé abordable, son combat de toujours.
Son équipe pense son investiture inévitable. C'est sans compter l'ascension de Barack Obama. Hillary Clinton se présente comme la candidate de l'expérience, mais les électeurs veulent du changement et souscrivent à "l'espoir" prôné par le sénateur de l'Illinois. Le quadragénaire mène une campagne efficace, notamment sur internet, parvient à attirer de nombreux petits donateurs et à insuffler une énergie considérable dans sa course à la Maison Blanche. Quand les primaires démarrent, le 3 janvier 2008, c'est la douche froide pour Hillary Clinton, reléguée à la troisième place dans l'Iowa, derrière Barack Obama et l'ancien sénateur John Edwards.
L'ex-Première dame ne sort pas victorieuse du combat politique. Le 7 juin 2008, elle concède sa défaite et apporte un soutien sans failles à son ancien rival. "Pour continuer notre combat, pour accomplir nos objectifs, nous devons utiliser notre énergie, notre passion, notre force et faire tout ce que nous pouvons pour faire élire Barack Obama à la présidence des Etats-Unis", lance-t-elle face à ses soutiens réunis à Washington D.C. A défaut d'avoir une femme à la Maison Blanche, les Américains font un autre choix historique : installer un Afro-Américain dans le bureau ovale.
Diplomatie et polémiques
Pas rancunier, le président élu songe à lui confier le poste de secrétaire d'Etat, l'équivalent de notre ministre des Affaires étrangères. "Ça n'arrivera jamais", répond, incrédule, Hillary Clinton à l'un de ses conseillers. Pourtant, la proposition est réelle. La sénatrice envisage de décliner, mais Barack Obama est persistant. "On a continué à parler, se remémore-t-elle. J'ai commencé à me dire que si j'avais gagné et que je l'avais appelé, j'aurais voulu qu'il dise oui. Vous savez, je suis un peu de la vieille école."
Au bout du compte, quand votre président vous demande de servir votre pays, vous dites oui, si vous en êtes capable.
A la tribune de la convention démocrate, mardi soir, Bill Clinton a salué son bilan. "Elle a travaillé dur pour obtenir des sanctions fortes contre le programme nucléaire iranien, liste-t-il. Elle a voyagé toute la nuit du Cambodge au Moyen-Orient pour obtenir un cessez-le-feu et éviter une guerre entre le Hamas et Israël à Gaza. (…) Elle a soutenu la décision de Barack Obama d'attaquer Osama Ben Laden. (…) Elle a mis le changement climatique au cœur de notre politique étrangère."
Mais son passage au secrétariat d'Etat est aussi marqué par l'attaque du consulat de Benghazi (Libye). Quatre Américains perdent la vie, dont l'ambassadeur. Sa gestion de l'événement est vivement critiquée par les républicains, qui l'accusent d'avoir "manqué à ses devoirs". Après son départ, elle est aussi rattrapée par l'affaire de ses e-mails. Pendant des mois, elle a utilisé une messagerie privée plutôt que son compte gouvernemental. Après une longue enquête, le FBI a renoncé à demander son inculpation, mais l'épisode renforce l'image d'un couple Clinton se croyant au-dessus des lois et renforce un peu plus la défiance à laquelle elle fait face dans les sondages.
Un long chemin vers le bureau ovale
Il n'empêche, Hillary Clinton est prête à prendre sa revanche. Le 12 avril 2015, elle annonce sa candidature à la présidentielle, à nouveau en vidéo.
Les Américains de tous les jours ont besoin d'une championne. Je veux être cette championne. Je pars sur le terrain pour gagner votre voix.
Elle bénéficie du soutien de l'actuel locataire de la Maison Blanche, Barack Obama, qui estime qu'elle ferait "une excellente présidente". Mais encore une fois, le chemin vers le bureau ovale s'avère plus chaotique que prévu. Les électeurs américains sont plus que jamais en colère contre les politiques en place, contre Washington, contre l'establishment. Le sentiment se traduit, côté républicain, par le succès de Donald Trump face aux cadors du parti. Côté démocrate, il s'illustre par l'émergence de Bernie Sanders. Le sénateur du Vermont, autoproclamé "socialiste", se révèle particulièrement populaire avec son discours sur les inégalités économiques aux Etats-Unis.
Au lieu d'une victoire rapide, Hillary Clinton doit batailler tout au long du processus des primaires. Son adversaire ne finit par annoncer son ralliement que le 12 juillet. "Hillary Clinton fera une présidente exceptionnelle et je suis fier de me tenir à ses côtés aujourd'hui, lâche-t-il sur scène à Portsmouth. Elle a remporté le processus d'investiture démocrate. J'ai l'intention de faire tout mon possible pour garantir qu'elle sera la prochaine présidente des Etats-Unis."
Madame la présidente ?
Au lieu de la consacrer, la convention démocrate, chargée d'investir Hillary Clinton, s'ouvre dans la division à Philadelphie. Les partisans de Bernie Sanders ont bien du mal à accepter la défaite. Dès la prière d'ouverture, ses opposants perturbent les débats, en huant à chaque fois que le nom de l'ancienne secrétaire d'Etat est cité à la tribune. Dans les couloirs, ils racontent à qui veut bien l'entendre que l'élection a été "malhonnête". Certains refusent même de la soutenir en novembre, préférant voter pour l'écologiste Jill Stein, plutôt que pour une candidate jugée "corrompue". Peu importe que Donald Trump soit l'adversaire.
Toutes ces querelles internes ne doivent pas faire oublier que l'Amérique vit un moment historique : les délégués démocrates, dans leur majorité, choisissent de la nommer candidate. C'est la première fois qu'une femme représentera l'un des deux grands partis au pouvoir à la présidentielle outre-Atlantique. La première fois, peut-être, qu'une femme s'installera dans le bureau ovale. "Pendant cette campagne, j'ai rencontré tant de gens qui m'ont motivé pour continuer à me battre pour le changement, a lancé Hillary Clinton, jeudi soir, à la tribune de la convention de son parti. Avec votre aide, j'emporterai toutes vos voix et toutes vos histoires avec moi à la Maison Blanche." La consécration, si elle y parvient, d'une longue carrière politique.
La femme forte
Pendant la décennie à venir, Hillary Clinton va devoir à plusieurs reprises assumer le rôle de la femme bafouée, mais forte. Bien avant l'affaire Lewinsky, durant la campagne présidentielle de 1992, Gennifer Flowers affirme avoir eu une relation avec Bill pendant près de 12 ans. L'intéressé dément. Hillary monte au créneau. D'abord en meeting. "Nous nous aimons, nous nous soutenons", assure-t-elle face aux électeurs. Puis à la télévision, où elle apparaît dans la célèbre émission "60 Minutes" aux côtés de son époux.
Cette année-là, Hillary Clinton est aussi accusée de conflit d'intérêts, en raison de ses activités professionnelles. "J'imagine que j'aurais pu rester à la maison, à préparer des cookies et à boire du thé", rétorque-t-elle. La réponse ne fait qu'attiser la polémique. Souvent, la seconde partie de sa justification est négligée : "Tout ce travail (…), je l'ai fait en partie pour faire en sorte que les femmes puissent faire leur choix, qu'il s'agisse d'une carrière à temps plein, de la maternité à temps plein ou d'une combinaison des deux. (…) Je pense que c'est ce que les gens ont du mal à comprendre maintenant, c'est un changement générationnel."
Un changement qu'elle compte bien continuer d'impulser à la Maison Blanche. Une fois Bill élu, Hillary Clinton réfléchit à son futur rôle dans l'administration. Elle obtient un bureau, non pas dans l'aile est du bâtiment, là où les anciennes Premières dames avaient leurs quartiers, mais dans l'aile ouest, au cœur du pouvoir. Elle s'envisage chef de cabinet, voire même procureure général ou secrétaire à l'Education, raconte Carl Bernstein. Le nouveau président des Etats-Unis lui confie finalement un dossier crucial : la réforme du système de santé américain.