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Vatican : une fronde conservatrice contre le pape François dans les rues de Rome

En pleine mise au pas de l’Ordre de Malte, une campagne d’affichage dénigrant le pape François a fait son apparition dans les rues de Rome. L’affiche accuse le souverain pontife d’avoir «décapité» l’organisation caritative dévouée au Vatican. En effet, après avoir poussé le Grand Maître de l’Ordre à la démission, il a nommé un délégué spécial chargé de son «renouvellement spirituel et moral».
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Le pape François en compagnie de Robert Matthew Festing, prince et Grand Maître de l'Ordre de Malte, lors d'une audience privée, le 23 juin 2016 au Vatican. (GABRIEL BOUYS/POOL/AFP)

C’est la première fois qu’une telle contestation du souverain pontife sort des murs du Vatican pour descendre sur la voie publique. Samedi 4 février 2017 au matin, les habitants de Rome ont eu la surprise de découvrir des affiches placardées sur les murs du centre ville.
 
«Mais où est ta miséricorde?»
Illustrée d’un portrait du pape François à la mine triste et sombre, l’affiche interpelle directement le successeur de Saint-Pierre. «Tu as placé sous tutelle des congrégations, tu as viré des prêtres, tu as décapité l’Ordre de Malte et les Franciscains de l’immaculée, tu as ignoré les cardinaux…», accuse le texte qui se clôt par un: «Mais où est ta miséricorde?»
 
Placardées dans la nuit du 3 au 4 février, les affiches ont aussitôt été recouvertes par les autorités municipales romaines et le pape a réagi «avec sérénité et détachement», selon son entourage cité par le correspondant de RFI à Rome.
 
Bien qu’anonyme, cette campagne a été lancée quelques heures avant l’annonce par François de la nomination de Mgr Giovanni Angelo Becciu, numéro 3 du Vatican, comme délégué spécial auprès de l’Ordre de Malte, donnant une indication sur l'origine du coup.

Who was behind spate of anti Pope Francis posters illicitly put up in Rome? Police investigating https://t.co/SXfqh4IFex  
Après avoir contraint à la démission, le 25 janvier 2017, Robert Matthew Festing, le Grand Maître de cette organisation caritative mondiale, le chef du Vatican explique dans sa lettre de nomination que Mgr Becciu sera chargé du «renouvellement spirituel et moral de l’ordre», en étroite collaboration avec la direction intérimaire.
 
Son mandat prendra fin lorsqu’un nouveau Grand Maître aura été élu, au terme d’un «chapitre extraordinaire» qui devrait se tenir dans les trois mois, ajoute la lettre. En attendant, Mgr Becciu sera «mon porte-parole exclusif» auprès de l’Ordre, précise enfin le pape, ôtant tout pouvoir également à Mgr Raymond Burke. Un cardinal américain ultraconservateur affublé jusque là du titre «ronflant mais sans importance», selon le spécialiste des questions religieuses Henri Tincq, de représentant du pape auprès de l’Ordre de Malte.

l'Ordre de Malte, souverain mais totalement dévoué au pape 
Fondé au XIe siècle à Jérusalem, alors aux mains des croisés, et reconnu un siècle plus tard par une «bulle» papale, l'Ordre de Malte, «pilier de l’assistance humanitaire et caritative dans le monde», possède des centaines d’hôpitaux et de dispensaires.
 
Ordre souverain mais totalement dévoué au pape, il compte quelque 13.500 membres dont un tiers de femmes. Il ne dispose d’aucune assise territoriale, mais bénéficie du statut d’observateur à l’ONU et entretient des relations diplomatiques avec plus d’une centaine de pays.
 
La crise qui vient d’éclater avec le Vatican trouve sa source dans un conflit opposant, au sommet de l’Ordre, le Grand Maître britannique Matthew Festing, aujourd’hui écarté, et son Grand-chancelier allemand, Albrecht von Boeselager. Le premier reprochant au second des faits remontant à... 2005, comme le souligne Henri Tincq.
 
Accusé d’avoir autorisé la distribution de préservatifs dans des camps humanitaires de Birmanie, le Grand-chancelier von Boeselager, traité de «catholique libéral, infidèle aux enseignements de l’église», est sommé de partir. Il se défend, s’accroche et se plaint même auprès du pape pour contester son éviction.

La chute de Matthew Festing met les conservateurs dans l'église à découvert 
Le pape François ordonne l’ouverture d’une enquête à laquelle s’oppose le Grand Maître, avant d’être poussé lui-même à démissionner. Dans sa chute, Matthew Festing, laisse à découvert un de ses soutiens, Mgr Raymond Burke, le cardinal américain chargé des relations entre le Vatican et l’Ordre de Malte. Un personnage conservateur présenté récemment par le New York Times comme «un ami personnel de Stephen Bannon», le nouveau conseiller statégique de Donald Trump.
 
«Ce conflit est tout, sauf anecdotique», écrit Henri Tincq, «il révèle un affrontement qui ne cesse de prendre de l’ampleur dans l’église catholique entre un camp progressiste soutenant les réformes de ce pape – sa dénonciation des économies ultralibérales, sa lutte pour la protection de l’environnement, ses initiatives en faveur des réfugiés , et des bastions conservateurs qui n’hésitent plus à s’en prendre à lui et à l’accuser de préparer la destruction de l’église.»

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