Le Conseil constitutionnel a-t-il saqué Nicolas Sarkozy ?
Plusieurs proches de l'ancien chef de l'Etat ont dénoncé un "acharnement de tous les instants" après la décision des Sages, jeudi.
"Il y a un climat de chasse au Sarkozy qui (...) saute aux yeux", "(Il) est la cible de tous les pouvoirs et de tous les acharnements". Au lendemain de la confirmation par le Conseil constitutionnel du rejet des comptes de campagne 2012 de Nicolas Sarkozy, vendredi 5 juillet, ses proches se pressent devant les micros pour défendre leur champion et dénoncer une décision "injuste". Et sous-entendre qu'un autre que lui n'aurait pas été traité de la même manière. François Hollande lui a répondu, vendredi, en appelant au "respect" des décisions du Conseil constitutionnel.
Les Sages ont-ils saqué Nicolas Sarkozy ? Francetv info s'est penché sur les textes de loi concernant le financement des campagnes, ainsi que sur les précédents pour le savoir.
Que dit la loi sur le financement des campagnes ?
Le plafond des dépenses électorales pour la campagne présidentielle est fixé par la loi du 6 novembre 1962, celle-là même qui a institué l'élection du président de la République au suffrage universel direct. Le deuxième alinéa de l'article 3 de cette loi indique que ce plafond "est fixé à 13,7 millions d'euros pour un candidat à l'élection du président de la République. Il est porté à 18,3 millions d'euros pour chacun des candidats présents au second tour".
Ce plafond, réévalué en fonction de l'inflation, a été gelé en raison de la crise, et ne sera revue à la hausse que lorsque le déficit public des administrations publiques sera nul, selon la CNCCFP (Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques, document PDF). La dernière augmentation remonte à décembre 2009, et a porté les plafonds de dépense à 16,851 millions d’euros pour le premier tour, et à 22,509 millions d’euros pour les candidats présents au second.
Comme la CNCCFP, le Conseil constitutionnel a estimé que Nicolas Sarkozy avait dépassé cette somme de 466 118 euros. Ils reprochent notamment à l'ancien chef d'Etat de ne pas avoir intégré dans ses comptes certains déplacements effectués en tant que président, mais à caractère électoral. D'autres dépenses, comme celle du site internet de campagne, auraient été minimisées par l'équipe du candidat. Une simple négligence ? Le CNCCFP n'y croit pas : "L'équipe de Nicolas Sarkozy était parfaitement au courant de toutes les règles : nous les lui avons rappelées à plusieurs reprises", a déclaré son président sur France Info.
Quoi qu'il en soit, ce dépassement du plafond prive l'UMP du remboursement par l'Etat de 47,5% des dépenses engagées pendant la campagne, soit 11 millions d'euros. C'est donc cette somme, que le parti s'attendait à voir arriver dans ses caisses, que Jean-François Copé souhaite récupérer à travers une grande "souscription nationale".
Quelle a été l'attitude du Conseil dans le passé ?
Ce n'est pas la première fois que le Conseil constitutionnel invalide des comptes de campagne. En 2002, il a privé le candidat d'extrême droite Bruno Mégret du remboursement de ses frais de campagne par l'Etat. Le candidat a dû rembourser une avance de 153 000 euros. Il était reproché au maire de Vitrolles d'avoir utilisé le temps de travail d'un employé municipal, pour envoyer environ 62 000 lettres à caractère électoral, ce qui est interdit par l'article L52-8 du code électoral.
En 1995, trois cas ont fait tiquer le Conseil. Celui de Jacques Cheminade, d'abord, qui a vu ses comptes invalidés, pour avoir bénéficié de dons présentés comme des prêts sans intérêt. Le candidat, qui avait réuni 0,27% des suffrages, a contesté la décision des Sages, à travers une question prioritaire de constitutionnalité, déposée fin septembre 2012. Si elle n'aboutit pas, il devra rembourser 171 000 euros à l'Etat, rappellent Les Inrockuptibles.
Les deux autres cas sont plus sulfureux. Le Monde avait révélé en novembre 2010 qu'après l'élection de 1995, le Conseil constitutionnel avait choisi de valider les comptes de campagne d'Edouard Balladur. Une décision prise en dépit de l'avis négatif d'une équipe de rapporteurs, qui avait notamment relevé que plus de 10 millions de francs en liquide (1,56 million d'euros) avaient été versés sur le compte du candidat, sans que leur origine soit claire. Ce versement se trouve aujourd'hui au cœur de l'affaire Karachi.
Le président du Conseil constitutionnel de l'époque, Roland Dumas, avait plaidé pour la validation de ces comptes afin de ne pas avoir à rejeter ceux de Jacques Chirac, qui comportaient aussi des irrégularités. "Peut-on prendre le risque d'annuler l'élection présidentielle et de s'opposer, nous, le Conseil constitutionnel, à des millions d'électeurs et, ainsi, remettre en cause la démocratie ?", aurait ainsi déclaré Dumas lors des débats.
Il avait expliqué de manière étonnante le choix de sanctionner Cheminade mais pas Chirac et Balladur dans l'émission "Face aux Français", diffusée le 4 mai 2011 sur France 2. "Jacques Cheminade était plutôt maladroit, les autres étaient adroits", avait-il lancé.
Les membres du Conseil sont-ils partiaux ?
Cité par Le Parisien, un sarkozyste accuse le président du Conseil constitutionnel, et chiraquien de toujours, Jean-Louis Debré d'avoir voulu mettre des bâtons dans les roues du précédent chef de l'Etat. Brice Hortefeux a pour sa part vu dans l'invalidation des comptes de campagne la main des socialistes. "Comment ne pas s'interroger sur la décision de cette institution, après la nomination récente de trois conseillers par le pouvoir ?", a-t-il ainsi lancé.
Cet argument ne tient pas longtemps. Les neufs membres du Conseil constitutionnel (en plus des anciens présidents de la République qui sont membres de droit) sont en effet renouvelés par tiers tous les trois ans. A chaque fois, les présidents de la République, du Sénat et de l'Assemblée nationale désignent une personnalité.
Depuis que la gauche gouverne, elle n'a nommé que trois membres du Conseil. Et encore, le président de l'Assemblée, Claude Bartolone, a choisi de renouveler le mandat d'une personnalité nommée par son prédécesseur, l'UMP Bernard Accoyer. Les six autres ont été désignées par des personnalités de droite, dont Nicolas Sarkozy.
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