Médias : LIRE, spécial Livres de poche
Une sélection de 50 poches incontournables à savourer pendant les vacances : romans français, auteurs étrangers, polars… Le plus dur sera de choisir !
L'édito de Julien Bisson
Est-ce le parfum des beaux jours qui nous incite au mouvement ?
L'époque semble en tout cas propice aux grands départs, à la dynamique des corps, à la mécanique de l'élan. Déjà ce printemps nous avait titillé, lançant contre nous ses Jours barbares (Edition du sous-sol), une drôle de vague signée William Finnegan et son récit d'une vie de surf, à traquer les rouleaux. Et voilà que paraît, ces jours-ci, le formidable Le Coureur et son ombre (Premier Parallèle), dont l’auteur, Olivier Haralambon, célèbre, lui, la poétique du bitume à travers son expérience du cyclisme. A cette phrase, je sens déjà vos yeux se lever au ciel. Peut-être êtes-vous de celles-zé-ceux qui ne voient dans le Tour de France qu’un spectacle désuet et ennuyeux. Et c’est votre droit, je ne vous en voudrai pas. Mais ouvrez tout de même ce livre. Lisez-le. Appréciez comme il se doit cet éloge de la liberté et de la solitude, de l’obstination et de la douleur. De cet art de vivre qui déguise le forçat en danseur. "Le vélo n’est pas un choix, explique l’auteur. Il s’impose comme le désir et l’amour. Tels ceux de l’amant, les cheveux embroussaillés du futur coureur se sont dressés sur sa tête et ses jambes se sont dérobées un instant. De ce jour il ne lui reste qu’un destin à accomplir : courtiser, épouser, absorber, incorporer cette promesse de vitesse."
Lui gambade, depuis longtemps, à travers la planète, mais ne rêve rien tant que de s’asseoir au bord des fleuves, "spectacle envoûtant et source inépuisable de méditation". Fidèle chroniqueur de ces pages, l’ami Sylvain Tesson vient de faire paraître Une très légère oscillation (Equateurs), journal intime des trois années écoulées. Il y revient sur les jours terribles, ceux qui ont suivi sa chute à Chamonix. La lente reconstruction, physique et morale. Les épiphanies littéraires. L’émerveillement retrouvé. Mais aussi Charlie Hebdo, les camps de réfugiés du Kurdistan, la beauté du cap Canaille, les sommets du Pamir… Trois années dans le rétroviseur, trois années par monts et par vaux, condensées dans ces quelques pages où brille son sens de la formule, son ironie féroce et désabusée. « Les gens qui ont raté leur vie, en général, réussissent leurs soirées », note ce résistant à l’esprit du temps, grand pourfendeur du conformisme étriqué. Son bâton de pèlerin, c’est sa plume.
Son credo, c’est l’action. "Se taire, étouffer le débat stérileen soi, ouvrir la porte, partir sur les routes, couper le noeud gordien : voilà l’urgence. Ensuite, il sera temps de se demander si l’on a bien fait." Nul ne sait si le nouveau président aura le temps de lire ces lignes dans les mois à suivre. Il sourirait peut être en y découvrant que Tesson faisait déjà résonner l’été dernier ses ambitions politiques : "Comme tout le monde, au moment où Macron lançait son mouvement, je relisais "En marche", livre cinquième des Contemplations de Victor Hugo. Ce vers, au chapitre VI : "Vous dites : où vas-tu? Je l’ignore ; et j’y vais."
Les livres que j’aime sont toujours de cette eau : des injonctions au départ, des invitations à l’inconnu.
Un beau jour, il ne suffit plus de les apprécier, il faut savoir les écouter. A mon tour, après douze années à cheminer dans les pas de Lire, je m’apprête à m’aventurer vers d’autres horizons. Inutile de s’appesantir – "le passé est la porte de sortie des êtres mélancoliques" , glisse Tesson au fil de ses aphorismes –, simplement se souvenir du chemin parcouru, des chefs-d’oeuvre qu’on a voulu partager, de l’émotion qu’on a cherché à transmettre. J’ai eu la chance, pendant ces riches années, d’appartenir à un fier équipage, qui a su faire de chaque numéro une fête de l’esprit et de la camaraderie. Il ne me reste plus qu’à souhaiter à Lire de poursuivre son heureux voyage sur l’océan du verbe. Je sais que le magazine continuera à y porter haut les couleurs de la littérature et de l’intelligence. Le mois prochain, je serai à votre place, la meilleure : celle du lecteur.
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