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Pilule de 3e génération : réserver la prescription aux spécialistes, une mauvaise idée ?

L'Agence nationale de sécurité du médicament a lancé une concertation sur le sujet, alors que Marisol Touraine, la ministre de la Santé, a annoncé un déremboursement avant la date prévue.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'Agence nationale de sécurité du médicament a annoncé le 1er janvier 2013 envisager de limiter la prescription des pilules de 3e et 4e génération à certains spécialistes. (KEITH BROFSKY / PHOTODISC / GETTY IMAGES)

Lancé par la plainte d'une jeune femme victime d'un accident vasculaire cérébral imputé à la prise d'une pilule de 3e génération, le débat autour de ce type de contraceptif prend de l'ampleur. La ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, a avancé mercredi 2 janvier la fin du remboursement de la pilule de 3e génération au 31 mars 2013, au lieu du 30 septembre. Elle demande aussi que les pilules de 3e et 4e génération ne soient plus proposées en premier choix.

Mardi, le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), Dominique Maraninchi, a, lui, proposé de réserver aux spécialistes la délivrance de ces pilules, prises aujourd'hui par 1,5 à 2 millions de femmes en France. Il a aussi lancé, mercredi, une concertation sur le sujet avec les professionnels de santé prescrivant la pilule. Une réunion formelle aura lieu dans les prochains jours, mais le Planning familial, les syndicats de généralistes, de gynécologues et de sages-femmes affirment d'ores et déjà leur opposition à une prescription réservée.

"Un cadeau empoisonné", pour le Syndicat national des gynécologues

Même s'ils ne sont pas nommés, les gynécologues-obstétriciens semblent tout désignés pour être les spécialistes qui pourraient délivrer de façon exclusive les pilules de 3e et 4e génération. Pourtant, le Dr Jean Marty, président du Syndicat national des gynécologues-obstétriciens de France, estime que ce serait "un cadeau empoisonné". "C'est une mauvaise solution : elle nous donnerait trop de responsabilités. Il vaut mieux informer la population sur les risques", indique-t-il à francetv info.

Quelles solutions propose-t-il ? Jean Marty juge qu'un questionnaire en ligne sur internet, visible par tous, serait plus efficace. Ainsi, la patiente pourrait évaluer quels risques thrombo-emboliques elle encourt et le communiquer à son médecin.

Le gynécologue propose aussi de suivre les femmes qui utilisent un contraceptif oral, grâce aux données de la Sécurité sociale, pour observer les effets de ces médicaments à long terme. "Mais la Sécu refuse. Je me heurte à une forme d'obscurantisme au nom du secret médical", commente-t-il. Pour lui, le débat doit être l'occasion d'obliger les laboratoires à mener des études plus rigoureuses sur les risques de leurs produits. "Avec les pilules de 3e et 4e génération, les laboratoires ont créé un marché juteux. C'est donc une réflexion profonde autour de la santé qu'il faut mener", conclut-il.

"Cela n'a aucun sens", selon le syndicat des médecins généralistes MG France

Les médecins généralistes sont tout aussi opposés à la mesure suggérée par l'ANSM.

Pilule 3e et 4e génération : des généralistes contestent la prescription envisagée ( Elisabeth de Pourquery et les équipes de France 2 et France 3)

"Une prescription réservée n'a aucun sens. Si le produit est considéré comme trop dangereux, il faut le retirer du marché, c'est tout", estime le Dr Claude Leicher, président du syndicat de médecins généralistes MG France, joint par francetv info. Un point de vue dont il a fait part au directeur général de l'ANSM, avec lequel il s'est entretenu par téléphone. Dominique Maraninchi lui a d'ailleurs répondu être prêt à discuter de ses propositions.

Quelles solutions propose-t-il ? D'abord, arrêter de prescrire la pilule de 3e ou de 4e génération. "La pilule de 2e génération [apparue dans les années 70 et 80] est suffisamment efficace, sans toutefois posséder les effets secondaires de la 1re génération. Elle seule peut être prescrite, les autres générations sont inutiles", affirme Claude Leicher.

Ensuite, il souhaite que les médecins traitants soient les seuls habilités à prescrire un contraceptif oral. "Les gynécologues pourraient ainsi se recentrer sur une activité de spécialiste. Et souvent, les médecins traitants connaissent mieux la famille de la patiente et ses antécédents, ce qui facilite la prescription", explique-t-il. Surtout, il insiste sur le risque de l'association tabac-pilule, tout aussi dangereuse, mais parfois oubliée.

Aucun intérêt, d'après le Planning familial

"Je ne vois pas l'intérêt de dire que [la prescription des pilules de 3e et 4e génération] sera réservée à des spécialistes", juge de son côté Véronique Séhier, membre du bureau national du Planning familial, interrogée par l'AFP. En "faire une affaire de spécialistes (...) renforcerait le contrôle médical sur le choix des femmes", ajoute-t-elle. 

Quelles solutions propose-t-elle ? "C'est déjà dans les recommandations de la Haute Autorité de santé, les pilules de 3e génération ne sont jamais à prescrire en première intention, que ce soit par un spécialiste ou un non-spécialiste", a-t-elle indiqué, avant que Marisol Touraine ne le rappelle mercredi en début de soirée. Selon elle, le Planning familial a "toujours dit que les pilules de 3e et 4e génération n'apportaient pas grand-chose de plus que les pilules de 2e génération, sauf dans certaines situations". Le mouvement a donc suivi les alertes lancées il y a plusieurs mois par l'agence du médicament.

Toutefois, comme elle le disait à francetv info le 18 décembre, Véronique Séhier tient à mettre en garde contre la médiatisation des cas "dramatiques" mais "marginaux" d'accidentsqui "diabolisent la pilule" et conduisent des femmes "à arrêter" de prendre leur contraceptif.

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