"Je suis choqué", "une réponse qui m'apparaît tout à fait normale" : les réactions après la condamnation de Patrick Balkany
Patrick Balkany a été condamné vendredi 13 septembre à quatre ans de prison ferme avec mandat de dépôt ainsi qu'à dix ans d'inégibilité pour fraude fiscale. Le maire de Levallois-Perret s'apprête à passer la nuit en prison et sa condamnation est loin de faire l'unanimité.
Patrick Balkany passera la nuit en détention. Le tribunal correctionnel de Paris a condamné le maire de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) à quatre ans de prison ferme avec mandat de dépôt, pour "fraude fiscale", ainsi qu'à dix ans d'inégibilité. Son épouse Isabelle Balkany, première adjointe de la ville a quant à elle été condamnée à trois ans de prison ferme mais sans mandat de dépôt, en raison de son état de santé. Des peines proches de ce qu'avait requis le parquet national financier lors du procès.
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Une peine démesurée, estime l'avocat Me Éric Dupond-Moretti : "On s’est payé Balkany aujourd’hui", a-t-il déclaré à l'issue de l'audience, dénonçant un mandat de dépôt qui est une" humiliation totalement inutile et insupportable." Pour le ténor du barreau, le jugement a été rendu par un juge persuadé d'"incarner la République et de rétablir les comptes publics."
L'avocat d'Isabelle Balkany, Me Pierre-Olivier Sur, a contesté, sur franceinfo, la décision du tribunal. Selon lui : "le juge l'a dit : la jurisprudence est celle d'un simple contrôle fiscal. Pas celle d'un détournement de fond public. Il n'aurait donc pas dû l'envoyer en prison."
Isabelle Balkany est désormais à la mairie de Levallois-Perret, où "elle assure la continuité du service." Pierre-Olivier Sur a dit avoir été très touché par la réaction de sa cliente au tribunal correctionnel de Paris. "On l'a tous vue enlacer son mari qui partait immédiatement en prison. Un départ en direct devant toutes les télés, toutes les radios, toute la France, c'est très, très, très dur", a ajouté Me Sur. "C'est aussi une épreuve pour les avocats."
Des élus de Levallois-Perret défendent le couple
La justice reproche à Patrick et Isabelle Balkany, deux amis de Nicolas Sarkozy d'avoir soustrait au fisc un patrimoine important, se chiffrant en millions d'euros, afin de minorer le montant de leurs impôts sur le revenu et la fortune entre 2009 et 2015.
Le jugement, lu par le président du tribunal, s'avère accablant pour les deux accusés, coupables d'avoir infligé une "déchirure au pacte républicain" ainsi qu'un "lourd dommage (...) à la solidarité nationale et à la confiance publique", le tout nécessitant une "réponse pénale particulièrement ferme et dissuasive."
Rapidement après la condamnation, David-Xavier Weiss est monté au créneau pour défendre l'édile. "Je suis choqué. On ne peut résumer la vie de Patrick Balkany à cette erreur fiscale", a réagi le conseiller municipal de la majorité. "On est face à une justice d'exception, à une justice-spectacle, parce que le parquet national financier a une jeune existence, il a été créé il y a seulement 5 ans. Le PNF a besoin d'asseoir son autorité en faisant des jugements spectaculaires", estime David-Xavier Weiss.
Patrick Balkany ne représente pas un risque pour la société, l'incarcération est une humiliation inutile. Il a reconnu les faits, faute avouée à moitié pardonnée. Ça ne mérite pas cette justice-spectacle.
David-Xavier Weiss, conseiller municipal de la majorité à Levallois-Perret
Pour le conseiller municipal, ce jugement intervient dans un contexte particulier d'élections municipales : "Il y a une forme de pouvoir judiciaire qui se met toujours en branle à l'approche des municipales. Par ailleurs il y a une forme d'instrumentalisation de la justice qui me gêne un peu. On n'a pas l'impression qu'on a une transparence totale dans la façon dont les magistrats prennent leur décision. Les magistrats dépendent encore en France du pouvoir exécutif et c'est un peu dommage."
Arnaud de Courson est conseiller municipal d'opposition à Levallois-Perret : "Je ne trouve pas agréable d'avoir un maire qui dort en prison, je suis peiné de cette situation, même si je pense que les élus doivent être exemplaires", a-t-il réagi sur franceinfo. "Je pense que la peine de prison ne correspond pas à ce qu'il faudrait faire, l'inéligibilité suffirait. Je trouve que c'est lourd. Je peux tout comprendre, mais aller faire dormir Patrick Balkany en prison est exagéré à mon sens."
Le mandat de dépôt fait débat
Arnaud de Courson qui s'inquiète à présent pour l'avenir à Levallois-Perret : "Nous avons un conseil municipal dans quelques jours, et nous aurons ce conseil municipal sans la présence du maire. C'est dans un peu plus longtemps qu'on saura s'il pourra continuer oui ou non sa vie politique et c'est surtout en mars prochain eux élections municipales qu'il y aura des conséquences", analyse-t-il.
Loin de défendre Patrick Balkany, Didier Schuller, ancien élu du département des Hauts-de-Seine estime également que la case prison aurait pu être évitée. "Compte tenu de l'âge de Patrick Balkany, est-ce que le passage par la prison était indispensable ?" s'interroge-t-il.
Patrick Balkany, candidat en 2020, pour moi, ce n'était pas envisageable. C'était vraiment faire un pied de nez à la justice. Nous ne sommes pas une République bananière
Didier Schuller
"Ce qui était indispensable, c'était de faire en sorte qu'il ne puisse plus être maire de Levallois, par rapport à la morale publique, par rapport au respect qu'on peut avoir de la justice en France", a déclaré l'ancien bras droit de Patrick Balkany qui avait livré à la justice les documents ayant déclenché les investigations sur le patrimoine du couple. "Il a échappé pendant de très longues années à la justice, parce qu'il a eu des protections très fortes. Il a été pris la main dans le sac, la fameuse phrase de Jean de La Fontaine : il y a d'un côté les puissants et de l'autres, les petits, c'est fini."
Si Me Xavier-Normand-Bodard, l'avocat des parties civiles dit ne jamais se "féliciter d'une décision de justice quelle qu'elle soit" il estime que "le tribunal a donné une réponse qui me paraît juste."
Patrick et Isabelle Balkany vont faire appel
Pour lui : "La fraude fiscale est un délit grave, très grave et lorsqu'elle est commise par un élu de la République, la gravité est parfaitement incontestable. Le tribunal y a donné une réponse qui m'apparaît tout à fait normale."
A l'issue de l'audience, Patrick Balkany, par la voie de son avocat Me Dupont-Morettin a affirmé qu'il faisait appel de ce jugement. Après ce premier volet "fraude fiscale", un autre jugement est attendu le 18 octobre prochain, consacré cette fois aux délits de blanchiment et de corruption pour lesquels les époux Balkany sont également poursuivis. Un jugement qui s'annonce encore plus risqué pour Patrick Balkany, contre qui sept ans de prison, l'incarcération immédiate et la confisaction de tous ses biens ont été requis.
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