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Le procureur Philippe Courroye a reçu mardi l'ordre d'ouvrir une information judiciaire sur ses enquêtes

Ordre émanant de son supérieur hiérarchique, le procureur général de Versailles.Le responsable du parquet dans les Hauts-de-Seine faisait la sourde oreille aux recommandations en ce sens du procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, et aux demandes répétées de l'opposition et des syndicats de magistrats.
Article rédigé par France2.fr avec agences
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Le procureur de Nanterre (Hauts-de-Seine) Philippe Courroye, le 18 juin 2009 (AFP/POOL/CHARLES PLATIAU)

Ordre émanant de son supérieur hiérarchique, le procureur général de Versailles.

Le responsable du parquet dans les Hauts-de-Seine faisait la sourde oreille aux recommandations en ce sens du procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, et aux demandes répétées de l'opposition et des syndicats de magistrats.

Le procureur général de Versailles, Philippe Ingall-Montagnier, tranche ainsi le conflit opposant à Nanterre, théâtre actuel des procédures, Philippe Courroye à la présidente du tribunal Isabelle Prévost-Desprez. Il a demandé à la Cour de cassation de "dépayser" le dossier (transférer à une autre juridiction).

Philippe Ingall-Montagnier précise avoir "demandé au procureur de Nanterre (Philippe Courroye) d'ouvrir une information judiciaire sur l'ensemble des enquêtes préliminaires menées sous sa direction". Il s'agira d'un préalable à un dépaysement de ces volets de l'affaire qui sera aussi demandé à la Cour de cassation, dit le procureur général.

Philippe Courroye, un proche de Nicolas Sarkozy, conduit actuellement plusieurs enquêtes préliminaires sur la fraude fiscale admise par la milliardaire, un éventuel financement illégal de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 et de possibles délits commis par le ministre du Travail Eric Woerth, précise l'agence Reuters. Déjà pressé par la gauche et le procureur général de Cour de cassation d'ouvrir une information, le procureur Courroye avait refusé jusqu'ici, écartant ainsi la nomination d'un juge indépendant. Mais la demande paraît cette fois contraignante, car elle émane de son supérieur hiérarchique direct.

Philippe Ingall-Montagnier évoque pour justifier son initiative "la préservation de l'image de la justice et les conditions objectives de sérénité de la juridiction de Nanterre, auxquelles il est porté atteinte, quels que soient ses efforts et la qualité de son action". Une allusion à l'inimitié publique entre Isabelle Prévost-Desprez et Philippe Courroye, qui s'est traduite début octobre par le déclenchement par le second d'une enquête de police sur la première.

Le procureur a en effet fait examiner les relevés détaillées de communications téléphoniques de deux journalistes du Monde - une méthode qui pourrait s'avérer illégale - pour porter une accusation de "violation du secret de l'enquête" contre Isabelle Prévost-Desprez.

La décision de la Cour de cassation sera définitive, rappelle Philippe Ingall-Montagnier. "Il est à souhaiter que dès lors, on laissera la justice remplir sa mission en toute indépendance et sérénité d'esprit", dit-il.

L'avocat d'Eric Woerth, Me Jean-Yves Le Borgne, a déclaré qu'il préférait le "circuit court" de l'enquête préliminaire, menée par le parquet, à une éventuelle information judiciaire, confiée à un juge d'instruction, dans l'affaire Bettencourt.

La réaction de Michèle Alliot-Marie
La ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie a estimé mercredi sur France Inter que l'affaire Bettencourt n'était "pas politique" et assuré qu'elle ne voulait pas qu'elle le soit, estimant que la justice avait "bien fonctionné" et de manière "indépendante".

Comme la veille devant l'Assemblée nationale, la garde des Sceaux a expliqué les récents développements de cette affaire tentaculaire ayant conduit mardi le procureur général de Versailles à ordonner l'ouverture d'informations judiciaires sur ses différents volets, dont ceux dans lesquels est mis en cause le ministre du Travail, Eric Woerth.

Selon Michèle Alliot-Marie, cette décision, qui va se traduire par la désignation de juges d'instruction, condition nécessaire au "dépaysement" désormais souhaité de l'ensemble du dossier vers une autre juridiction, a été prise dès lors qu'il y avait eu une plainte déposée par un avocat pour violation du secret de l'instruction.

"A partir du moment où vous aviez des soupçons qui pesaient sur une juge, il était normal de faire ce que le procureur général a fait", demander le dépaysement de toute l'affaire dans un souci de "cohérence". "Le dépôt de plainte a déclenché l'ensemble de ce phénomène", a-t-elle résumé.

"On peut regretter qu'il y ait des problèmes de personnes, qui aient amené un certain nombre de tensions", a-t-elle poursuivi. Mais, selon elle, ces tensions (notoires entre le procureur de Nanterre et la juge au centre du dossier) n'avaient pas empêché jusqu'alors la justice de "fonctionner". "Je pense que la justice a bien fonctionné, elle a avancé en ce qui concerne le dossier", a-t-elle insisté.

"Le procureur général de Versailles a pris une initiative et nous en a informés, point à la ligne", a assuré la ministre, affirmant que ce n'était pas la chancellerie (dont dépendent les magistrats du parquet) qui avait piloté cette évolution du dossier. "Ce serait faire injure aux magistrats que de penser que, sur chaque dossier, ils ne travaillent pas de manière complètement indépendante", a-t-elle dit.

"Il faut désormais que l'on s'abstienne de continuer à vouloir faire de l'ingérence politique dans ce dossier", a poursuivi la ministre, en déplorant "l'agitation politique et médiatique".
"Non cette affaire n'est pas politique et je ne veux pas qu'elle soit politique", a-t-elle martelé. "C'est une affaire qui est extrêmement complexe", a-t-elle admis, mais qui part d'une plainte déposée par la fille de Liliane Bettencourt pour une affaire d'abus de faiblesse.

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