Violences en Corse : "Le retour au calme passe par des gestes publics forts", estime Gilles Simeoni, le président du Conseil exécutif de Corse
Au lendemain de violents affrontements entre manifestants et forces de l'ordre en Corse, le président du Conseil exécutif de Corse juge qu'il faut "ouvrir un nouveau cycle politique en Corse" et réclame trois mesures principales.
Après des heurts entre manifestants et forces de l'ordre qui ont fait une quarantaine de blessés en Corse mercredi 9 mars, le président du Conseil exécutif de l'île, Gilles Simeoni, a appelé jeudi sur franceinfo à "créer des conditions politiques qui permettront à la colère de retomber". Depuis l'agression d'Yvan Colonna par un codétenu à la prison d'Arles (bouches-du-Rhône), mercredi 2 mars, de nombreuses manifestations ont eu lieu sur l'île de beauté. Gilles Simeoni appelle à l'ouverture d'un "nouveau cycle politique en Corse".
franceinfo : Lancez-vous un appel au calme ?
Gilles Simeoni : Il y a toujours un risque très fort d'accident. Il y a eu depuis dimanche une succession d'épisodes extrêmement inquiétants. C'est vrai que nous sommes à chaque instant proches de faits qui pourraient devenir dramatiques et irréversibles. Bien évidemment, en qualité de président exécutif de l'île, mais également en qualité d'adulte puisque beaucoup de manifestants sont des jeunes et des très jeunes gens, ma préoccupation première est que ces jeunes gens n'exposent pas leur santé et que les manifestations gardent un tour pacifique. Cependant, le meilleur moyen de désamorcer cette violence qui s'exprime aujourd'hui, c'est bien sûr de créer des conditions politiques qui permettront à la colère et l'indignation de retomber.
France Bleu Frequenza Mora a révélé que vous avez eu un échange téléphonique avec le Premier ministre Jean Castex. Que vous êtes-vous dit ?
Nous nous sommes effectivement entretenus assez longuement jeudi. Je lui ai redit ce que j'ai eu l'occasion de dire publiquement depuis plusieurs jours. Je pense que le retour au calme passe par des gestes publics forts, immédiats, lisibles de la part du gouvernement. Cela passe par trois gestes. D'abord, bien sûr, le droit à la vérité et à la justice dans l'affaire de la tentative d'assassinat d'Yvan Colonna. Nous avons besoin d'un regard indépendant et impartial. Il faut qu'on comprenne, au-delà des faits eux-mêmes, comment et pourquoi cela a été possible. Pourquoi Yvan Colonna n'avait-il pas été rapproché ? Pourquoi son agresseur a pu circuler librement, tenter de le tuer dans des conditions qui posent problème puisqu'il y a eu plus de huit minutes d'agression sans aucune intervention ?
Le deuxième point, c'est la levée immédiate du statut de détenu particulièrement signalé - donc l'application du droit au rapprochement - pour deux autres condamnés dans l'affaire de l'assassinat du préfet Érignac, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi. Cette demande a été faite en cohérence avec le droit, non seulement par l'assemblée de Corse unanime, mais aussi par la quasi-totalité des maires de Corse, par des parlementaires de toutes les opinions politiques. Sur ce sujet du droit au rapprochement, Jean Castex m'a dit qu'il me répondrait rapidement, dans les heures ou les jours à venir.
Enfin, au-delà de ces deux premiers points, il y a un point plus global puisque la colère qui explose aujourd'hui en Corse puise son origine dans un contexte politique d'ensemble qui perdure depuis plusieurs années. Le total des voix se réclamant du nationalisme corse ou de l'autonomisme a cumulé près de 70% des suffrages lors des dernières élections régionales en juin dernier.
Que souhaitez-vous ?
Il faut aujourd'hui, au plus haut niveau de l'État, acter la nécessité d'ouvrir un nouveau cycle politique, dire clairement qu'il y a une question corse. Il faut respecter le suffrage universel mais, en même temps, impliquer tout le monde dans ce processus qui a vocation à clore un cycle de conflit et d'affrontements qui a duré près d'un demi siècle. Il faut ouvrir un nouveau cycle en mettant tout le monde autour de la table. La question institutionnelle, à mon avis, a vocation bien sûr à être au menu de ces discussions. Nous sommes porteurs d'une aspiration à la construction progressive d'un statut d'autonomie, de plein droit et de plein exercice. Je plaide pour que l'ensemble des forces vives de la société insulaire soient impliquées, parce que nous avons vocation à tourner définitivement la page des logiques de conflit pour être dans une construction qui doit être une construction démocratique partagée, qui doit permettre à la Corse véritablement de se projeter avec espoir et, je l'espère, enthousiasme notamment pour la jeunesse, dans le présent et dans l'avenir.
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