Christine Lagarde dispensée de peine par la CJR : "Les magistrats sont nombreux à critiquer ce mélange des genres"
L'ancienne ministre de l'Economie a été jugée coupable de "négligence" par la Cour de justice de la République (CJR). Mais elle a été dispensée de peine. Ce qui surprend plusieurs magistrats.
"Retenue pour des raisons professionnelles" à Washington, où siège le Fonds monétaire international qu'elle préside, c'est par la voie de son avocat que Christine Lagarde a appris, lundi 19 décembre, que la Cour de justice de la République (CJR) l'avait déclarée coupable de "négligence" dans l’affaire Tapie en 2008, mais l’avait dispensée de peine. Une clémence qui étonne les magistrats, dont Pascale Loué-Williaume, membre du bureau de l'Union syndicale des magistrats, qui répond aux questions de franceinfo.
Franceinfo : Pourquoi cette dispense de peine fait-elle autant débat ?
Pascale Loué-Williaume : La dispense de peine s'applique dans toutes les juridictions, à l'exception de la cour d'assises. Elle est prévue par l'article 132-59 du Code pénal. Dans ce texte, il est écrit qu'une dispense de peine peut être accordée selon trois conditions bien précises. D'abord, il faut que le reclassement du coupable soit acquis. Ensuite, il faut que le dommage causé soit réparé. Enfin, il faut que le trouble résultant de l'infraction ait cessé. Or, ici, on peut se poser la question de savoir si le deuxième point a bien été respecté. Le dommage causé a-t-il été réparé ? L'argent a-t-il été entièrement restitué ?
Vous semblez mettre en doute la bonne foi de la Cour de justice de la République…
Pas forcément. Je dis simplement que sa composition peut poser quelques problèmes. La CJR, c'est un mélange de magistrats professionnels et de politiques. Il y a quinze membres. Six sont des députés, six sont des sénateurs, et seulement trois sont des magistrats reconnus. On est nombreux à critiquer ce mélange des genres. Trouvez-vous normal que des représentants du pouvoir législatif (les sénateurs et les députés) jugent des représentants de l'exécutif ? Il y a un côté "entre-soi", on s'épargne les coups, on se ménage, il y a parfois aussi des traitements de faveur.
François Hollande avait d'ailleurs promis en 2012 de supprimer la CJR…
Oui, je m'en souviens très bien. Cela faisait partie de son programme de campagne. A cinq mois de la fin de son mandat, la CJR existe toujours. Et ce n'est pas la première fois qu'elle prononce une dispense de peine : elle l'avait déjà fait pour l'ancien ministre Edmond Hervé dans l'affaire du sang contaminé.
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