Crédit lyonnais : Bernard Tapie a-t-il tout perdu ?
En décidant d'annuler l'arbitrage favorable à Bernard Tapie dans l'affaire qui l'oppose au Crédit lyonnais, la cour d'appel de Paris replonge l'homme d'affaires dans l'incertitude.
C'est un nouveau retournement de situation, digne d'une affaire qui en a déjà connu beaucoup. La cour d'appel de Paris a décidé, mardi 17 février, d'annuler l'arbitrage favorable à Bernard Tapie rendu en 2008, pour solder son vieux litige avec le Crédit lyonnais sur la vente d'Adidas. La cour a également décidé de reprendre elle-même le dossier, qui sera jugé lors d'un nouveau procès le 29 septembre. Une décision que voulait éviter Bernard Tapie, car elle signifie la possible perte des 403 millions d'euros qui lui ont été accordés en 2008. Mais l'homme d'affaires est-il vraiment le perdant de cette nouvelle péripétie juridique ?
Oui, il n'y aura pas de nouvel arbitrage
C'est ce que voulait éviter le camp Tapie. En prenant la décision de reprendre elle-même le dossier, la cour d'appel accède à la demande du Consortium de réalisation (CDR), chargé de gérer le passif du Crédit lyonnais, qui voulait réviser l'arbitrage. Du coup, la décision prise en 2008 est annulée, la cour estimant que cet arbitrage concerne une affaire nationale, relevant donc de la justice française. Le camp Tapie estimait au contraire que cet arbitrage, qui mettait fin au litige sur la vente d'Adidas, était international, et que l'affaire ne pouvait donc être tranchée que par un tribunal arbitral.
D'ailleurs, le 3 mars, le tribunal de commerce de Paris doit se prononcer sur la demande émise par Bernard Tapie de nommer un nouveau tribunal arbitral. Une demande destinée, selon Le Figaro, à prouver sa bonne foi, mais qui n'aura aucune influence juridique à l'avenir. Car ce sont désormais des juges lors d'un procès civil, et non plus une juridiction commerciale, qui décideront de la conclusion de l'affaire.
Oui, cela a un impact sur son patrimoine
C'est avec le sourire que Jean-Yves Garaud, avocat de l'Etablissement public de financement et de restructuration (EPFR), qui soutenait le recours du CDR, a accueilli la décision de la cour d'appel d'annuler l'arbitrage de 2008 : "Bernard Tapie va devoir restituer les sommes qu'il a perçues en vertu de décisions qui ont été retirées de l'ordonnancement juridique."
L'ancien ministre et patron de l'OM devra-t-il pour autant sortir son carnet de chèques ? Comme le souligne le juriste Thomas Clay interrogé par Le Monde, "rien n’empêche le CDR de réclamer la restitution immédiate des sommes touchées au terme de la fraude à l’arbitrage que la cour vient d’admettre". Europe 1 souligne toutefois que la justice devrait en fait s'assurer que Bernard Tapie a les moyens de rembourser la somme, au cas où la décision de la cour d'appel lui soit défavorable. Une thèse confirmée par le communiqué plein de satisfaction de Bercy qui rappelle que l'Etat s'était déjà assuré de la solvabilité de l'homme d'affaires, "en sollicitant des saisies conservatoires sur [ses] biens" en 2013.
Non, il n'est pas certain qu'il perde ce nouveau procès
Comme l'explique Le Figaro, la décision de la cour d'appel de Paris pourrait avant tout donner lieu à une nouvelle et longue bataille de procédures. Car dans ce dossier, la cour d'appel avait déjà rendu en 2005 une décision favorable à Bernard Tapie, qui accusait le Crédit lyonnais d'escroquerie. La cour avait alors accordé à l'homme d'affaires 135 millions d'euros de dommages et intérêts.
Il est donc possible, si les éléments de l'affaire restent en l'état, que la cour suive à nouveau le même raisonnement et condamne le CDR à verser une somme conséquente à l'ex-ministre. Sans quoi Bernard Tapie devrait se pourvoir en cassation, prolongeant encore cette affaire de plusieurs années.
Oui, in fine, l'affaire pourrait se retourner contre lui
Lors du procès du 29 septembre, la cour d'appel devra se pencher sur le fond de l'ensemble de l'affaire Tapie-Crédit lyonnais. En 1995, Bernard Tapie accusait le CDR d'escroquerie puis, en 1998, de "montage frauduleux", devant le tribunal de commerce de Paris. En 2005, la cour d'appel lui donnait raison, la suite des procédures ne servant qu'à fixer le montant des indemnités à verser à l'homme d'affaires. Mais, selon Le Monde, un rapport de la brigade financière rédigé en juillet 2014 met à mal le bien-fondé des dédommagements réclamés au départ par Bernard Tapie. Des éléments nouveaux qui pourraient justifier une décision différente de celle prise en 2005 par la cour d'appel.
Les policiers estiment que l'ancien patron d'Adidas et son conseil ont fourni "des attestations inexactes voire mensongères". Une version dénoncée par Bernard Tapie, qui y voit une "reprise pure et simple de la thèse fantaisiste" développée par l'ancien patron du Crédit lyonnais Jean Peyrelevade. Si la cour d'appel retient malgré tout cette thèse, Bernard Tapie pourrait devoir, cette fois, préparer son carnet de chèques.
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