Soupçons de financement libyen : quatre questions après la mise en examen de "Mimi" Marchand
La figure phare de la presse people est notamment accusée de "subornation de témoin" après le revirement de Ziad Takieddine, lequel accuse Nicolas Sarkozy d'avoir reçu de l'argent de Mouammar Kadhafi.
La reine des paparazzis va devoir s'expliquer devant la justice. La patronne de l'agence Bestimage, "Mimi" Marchand, a été mise en examen, samedi 5 juin, pour "subornation de témoin" et "association de malfaiteurs en vue de commettre une escroquerie en bande organisée", dans l'affaire du financement libyen présumé de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Placée sous contrôle judiciaire, "elle conteste fermement les faits reprochés", a précisé Caroline Toby, son avocate. Franceinfo revient en quatre questions sur cette mise en examen dans cette affaire qui remonte à près de quinze ans et dont les ramifications sont multiples.
1Qui est "Mimi" Marchand ?
Agée de 74 ans, Michèle Marchand est l'une des figures phares de la presse people en France. Surnommée "Mimi", elle est à la tête de l'agence Bestimage et travaille régulièrement pour des titres comme Gala, Paris Match, Public, Ici Paris, Closer ou encore Voici. Elle a également cofondé le site Purepeople, avant de le revendre à Marc Ladreit de Lacharrière, président de la Revue des deux mondes.
Zahia, les photos de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni à Disneyland, la grossesse de Rachida Dati... Elle est la personne derrière ces images qui ont fait la une des magazines. "C'est une machine à scoops, une centrale de renseignements à elle toute seule", soulignait un rédacteur en chef interrogé par Le Monde en 2014. Si elle l'a toujours nié, beaucoup la pensent également impliquée dans les photos volées de François Hollande et Julie Gayet, lors de la révélation de leur relation.
Proche du couple Macron, "Mimi" Marchand était leur conseillère en image durant la campagne présidentielle en 2017 et a organisé de nombreuses séances photos de Brigitte et Emmanuel Macron publiées dans la presse people.
2C'est quoi cette histoire de financement libyen ?
A l'origine, il y a la publication en 2012 par Mediapart de documents qui laissent entendre que la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 a bénéficié d'un financement à hauteur de 50 millions d'euros de la part de l'ancien dictateur libyen Mouammar Kadhafi. En novembre 2016, Ziad Takieddine, un homme d'affaires franco-libanais, affirmait ainsi à Mediapart avoir "remis trois valises d’argent libyen" à Nicolas Sarkozy et son bras droit Claude Guéant.
Mais en novembre 2020, l'intermédiaire accorde un entretien au Liban, à un journaliste de Paris Match et à un photographe de Bestimage, l’agence de presse de "Mimi" Marchand. Dans cette interview, Ziad Takieddine dédouane Nicolas Sarkozy. "La vérité éclate", triomphe alors l'ancien chef de l'Etat. Ces déclarations de Ziad Takieddine poussent le procureur national financier Jean-François Bohnert à justifier la mise en examen de Nicolas Sarkozy dans cette enquête et à affirmer que cette décision ne s'appuie pas seulement sur les déclarations de l'homme d'affaires franco-libanais.
Deux mois plus tard cependant, Ziad Takieddine, interrogé le 14 janvier à Beyrouth par les juges d'instruction Aude Buresi et Marc Sommerer chargés du suivi du dossier libyen, change à nouveau de version. Il déclare qu'il ne "confirme pas les propos" qu'il a tenu dans l'entretien à Paris Match et affirme qu'ils "ont été mal tournés par le journaliste". "'Paris Match' appartient à un ami de Sarkozy, ils ont déformé mes propos", soutient-il dans cet interrogatoire dévoilé par l'AFP.
L'hebdomadaire est en effet la propriété du groupe Lagardère, dont Nicolas Sarkozy est membre du conseil de surveillance. Ziad Takieddine revient donc à sa première version, selon laquelle la campagne présidentielle 2007 de Nicolas Sarkozy a reçu l'apport de fonds libyens. Tout en insistant sur le fait que lui n'y a été pour rien.
3De quoi est-elle accusée ?
Les enquêteurs tentent de comprendre ce qui a poussé Ziad Takieddine à soudainement dédouaner Nicolas Sarkozy, après des années d'accusation. En ayant eu un photographe de son agence sur place lors de cette interview à Paris Match, "Mimi" Marchand est soupçonnée d'être mêlée à ce revirement. C'est pour cela qu'elle a été placée en garde à vue jeudi.
A l'issue de deux jours de garde à vue, "Mimi" Marchand a donc été mise en examen pour "surbornation de témoin". La justice la suspecte d'avoir fait pression sur un témoin, en l'occurrence Ziad Takieddine, pour qu'il formule des déclarations mensongères dans son interview à Paris Match. Selon l'article 434-15 du Code pénal, cela consiste à user de "promesses, offres, présents, pressions, menaces, voies de fait, manœuvres ou artifices" pour obtenir de telles déclarations. "Mimi" Marchand est également mise en examen pour "association de malfaiteurs en vue de commettre une escroquerie en bande organisée".
"Mimi" Marchand "a agi en qualité de journaliste qui a eu l'exclusivité de cette interview de Monsieur Takieddine", a défendu son avocate, Me Caroline Toby. "Elle n'a fait qu'organiser les photos et l'interview, dans le périmètre de son métier", a-t-elle expliqué.
4Quels sont les autres noms cités dans ce dossier ?
Un journaliste de Paris Match, François de Labarre, a lui aussi été placé en garde à vue. Mais celle-ci "a été levée", "sans aucune mise en examen, ni convocation chez le juge d'instruction", s'est félicité son avocat, Christophe Bigot. Le reporter avait été "interpellé à son domicile" jeudi "à 6 heures par un groupe de policiers sous la conduite d'un juge d'instruction", a raconté Constance Benqué, la directrice de la publication du magazine dans un communiqué. La direction de Paris Match a dénoncé une "forme d'intimidation" contraire "à tous les principes démocratiques".
Quatre autres personnes ont été mises en examen, a annoncé samedi après-midi le Parquet national financier dans un communiqué. Elles sont poursuivies comme "Mimi" Marchand pour "subornation de témoin" et "association de malfaiteurs en vue de réaliser une escroquerie en bande organisée". Le publicitaire Arnaud de la Villesbrunne, ancien directeur de l'agence Publicis, fait partie de ces mis en cause. "Mon client a à peine compris les termes de sa mise en examen tant il se sent étranger à tout cela, et il s'en expliquera plus tard devant les juges", a déclaré à l'AFP son avocat Eric Morain. Les identités des autres prévenus n'ont pas été révélées.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.