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Uber Files : "Nous sommes devant un scandale d'État", réagit le député Aurélien Taché

Des milliers de documents internes à Uber révèlent notamment que l’entreprise a pu bénéficier de la bienveillance et de l’appui d’Emmanuel Macron lorsqu’il était au ministère de l’Économie.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
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Le député Aurélien Taché invité sur franceinfo le 22 avril 2019. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

"Nous sommes devant un scandale d'État", réagit dimanche 10 juillet sur franceinfo Aurélien Taché, député élu sous l'étiquette Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Le député du Val-d’Oise réagit aux révélations sur les liens entre Emmanuel Macron et Uber en 2014, mis en lumière par l'enquête des Uber Files, menée par la cellule investigation de Radio France et ses partenaires du Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ). Des milliers de documents internes à Uber révèlent notamment que l’entreprise, confrontée à l’hostilité des pouvoirs publics et à de vastes ennuis judiciaires, a pu bénéficier de la bienveillance et de l’appui d’Emmanuel Macron lorsqu’il était au ministère de l’Économie.

franceinfo : Vous êtes aujourd'hui député de la Nupes mais vous avez été élu en 2017 sous la bannière LREM, comment réagissez-vous à cette enquête et à l'implication d'Emmanuel Macron ?

Aurélien Taché : Je doit avouer que je suis ce soir complètement abasourdi par ces révélations. On ne mesure pas encore l'ampleur que peut prendre cette affaire, des dizaines de milliers de documents ont été révélés et elle a des implications très concrètes dans un certain nombre de domaines.

D'abord, elle en dit long sur la conception qu'a Emmanuel Macron de la loyauté en politique, envers le gouvernement auquel il appartenait à l'époque et envers son État, sa nation même. Alors que le gouvernement français voyait d'un mauvais oeil qu'une entreprise comme Uber puisse s'implanter en France, il a oeuvré dans le dos du Premier ministre de l'époque et de la majorité de députés socialistes d'alors pour faciliter cette installation.

Comment cela a été possible selon vous ?

On peut se le demander. On est quasiment dans un mauvais polar : il y a des réunions et des rendez-vous qui ont été visiblement cachés alors que les ministres de coutume mettent à leur agenda quand ils reçoivent une entreprise, parce que c'est quand même la base de la transparence pour éviter justement un lobbying ou une une collusion d'intérêts trop forts. On voit bien qu'il y a dû y avoir des dissimulations et qu'il y a des implications visiblement encore beaucoup plus fortes que cela.

On va jusqu'à dire que cette entreprise a mis en place un système pour empêcher les perquisitions, pour supprimer les documents compromettants qu'elle pouvait avoir dans les ordinateurs de ses employés et qu'elle a prévenu Emmanuel Macron en personne d'une perquisition qui se tenait dans ses locaux, pour lui demander conseil. On est sur un cas où la responsabilité pénale d'Emmanuel Macron pourrait être engagée. Elle ne le sera pas immédiatement, parce qu'il est président et qu'il a une immunité due à sa fonction mais des questions très lourdes vont se poser très rapidement.

Quelles conséquences politiques voyez-vous ?

C'est d'abord à Emmanuel Macron lui-même de réagir, il ne peut pas rester silencieux. Il doit d'une manière ou d'une autre s'exprimer sur ce sujet. Le parlement ne peut malheureusement pas demander à Emmanuel Macron d'être entendu devant une commission d'enquête ou autre, alors que pourtant ça pourrait se justifier. C'est quelque chose qui à mon avis doit être re-débattu : comment faire quand on a des révélations comme cela sur un homme politique devenu président de la République et qu'il n'y a pas de moyens pour la démocratie d'agir ?

Quel a pu être l'intérêt pour Emmanuel Macron d'avoir facilité cette implantation d'Uber en France ?

Je pense qu'il y a d'abord une conviction idéologique très forte. Je pense qu'Emmanuel Macron considère que l'État, les pouvoir publics sont des freins à l'économie, qu'il doivent être les plus faibles possible, les plus réduits possible. Il est dans une conception néo-libérale extrêmement forte. Et puis il y avait sans doute un retour d'ascenseur attendu aussi.

On lit que l'entreprise n'a pas raté une occasion d'essayer de permettre à Emmanuel Macron de se valoriser, de paraitre comme un ministre moderne, champion de l'innovation. Il avait donc aussi un calcul et une visée politique en tête. Nous sommes ce soir devant un scandale d'État. La question de la loyauté même du président de la République envers la nation fançaise est posée. Il doit réagir à la hauteur des questionnements qui ont été révélés ce soir.

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