"Affranchis", "enracinés", assignés" ou "sur le fil" : quels sont les profils de Français révélés par l'enquête Baromètre des territoires
Une enquête inédite révélée par franceinfo mardi décrit quatre catégories de Français et leur rapport aux mobilités personnelles, professionnelles, sociales et géographiques.
L'Institut Montaigne et Elabe publient mardi 19 février le "Baromètre des territoires 2019". Une étude sur le pays "avec un regard sociologique et territorial" que révèle franceinfo, où apparaît une France "morcelée" entre quatre profils types définis par le rapport à la mobilité sociale et géographique : les citoyens "assignés" à leur territoire et qui subissent de plein fouet les inégalités sociales et territoriales ; les Français "affranchis" qui ont les moyens socioculturels de surmonter les obstacles ; les Français "enracinés", heureux et attachés à leur territoire ; et enfin les Français "sur le fil", une catégorie à la croisée des chemins avec les autres. franceinfo vous dresse le portrait de ces quatre catégories de Français.
Les Français "affranchis"
Tout semble réussir à cette frange de la population. "Ils font le récit de trajectoires personnelles, sociales et géographiques affranchies des entraves sociales et territoriales", explique le Baromètre des territoires. Selon l'étude, les "affranchis" cumulent les moyens "économiques, sociaux et culturels de surmonter les obstacles et de s'adapter aux transformations de notre société". Ce sont les Français les plus heureux (92%) et ils ont, pour 83%, le sentiment d'avoir choisi la vie qu'ils mènent.
Leur niveau de vie est largement supérieur au revenu moyen déclaré. Pas de problèmes de fins de mois, pour trois quarts d'entre eux, et la moitié n'a pas été à découvert une seule fois au cours des 12 derniers mois. Plus de la moitié de ces Français a fait des études supérieures et on les retrouve dans les cadres et professions intellectuelles supérieures (38% des cadres sont des "affranchis"), les étudiants (42%), les chefs d'entreprises, les artisans et commerçants, ainsi que parmi les retraités CSP+.
Les "affranchis" sont plutôt urbains : plus de 6 sur 10 résident dans des agglomérations de plus de 100 000 habitants et plus et ils vivent davantage en centre-ville. Ils sont surreprésentés dans trois régions : l'Ile-de-France (28%), Auvergne-Rhône-Alpes (24%) et la région Pays de la Loire (24%).
Enfin, un quart des "affranchis" se dit proche de La République en marche et du MoDem et ils ont très largement voté pour Emmanuel Macron au premier tour de l'élection présidentielle (42%, alors que son score a été de 24% en suffrages exprimés au premier tour).
Les Français "enracinés"
Pour eux, le bonheur passe par le plaisir de "vivre au pays". Les "enracinés", comme les "affranchis", "se distinguent par le récit d'une vie heureuse, épanouie et choisie". Ils sont solidement enracinés : huit sur dix sont "attachés à leur territoire, village, ville, département et région". 87% se déclarent heureux et 77% ont le sentiment d'avoir choisi leur vie. "Ils font le récit d'un quotidien serein, plus riche de solidarité et d'engagements associatifs que la moyenne", dit le Baromètre des territoires. Pour eux, pas question de mobilité géographique : 83% ne quitteraient pas leur région même s'ils en avaient la possibilité.
Question niveau de vie, les "enracinés" sont dans la moyenne nationale : 1 782 euros (revenus déclarés dans l'enquête) contre 1 777 euros en moyenne. Et s'ils bouclent sans difficultés leurs fins de mois (57%), leur capacité d'épargne est faible. Près des trois quarts sont cependant propriétaires de leur logement (57% ont fini de rembourser leur prêt immobilier).
Parmi les "enracinés", les seniors retraités sont surreprésentés. Un tiers a plus de 65 ans, 6 sur 10 plus de 50 ans. 45% d'entre eux estiment que leur situation financière s'est dégradée en 2018 et 74% ont le sentiment de contribuer plus au système qu'ils n'en bénéficient.
Les "enracinés" vivent pour moitié dans les communes rurales et les agglomérations de moins de 20 000 habitants et sont géographiquement surreprésentés en Bretagne (32%) et en Nouvelle-Aquitaine (26%). 25% des "enracinés" ont voté pour François Fillon lors du premier tour de l'élection présidentielle et 24% pour Emmanuel Macron.
Les Français "assignés"
Les "Français assignés" sont en colère à l'égard d'une société qu'ils jugent injuste et ils "dessinent l'avenir avec pessimisme". Cette catégorie majoritairement composée de quadragénaires et de quinquagénaires des classes populaires renvoie une image de la France qui va mal et qui souffre des inégalités sociales. Ils ont le sentiment d'être "assignés" à leur territoire et de subir de plein fouet la crise du pouvoir d'achat et des inégalités territoriales. Ils sont près de 64% à avoir le sentiment de ne pas avoir choisi leur vie.
Parmi les quatre groupes de Français, "ce sont ceux dont la part ayant obtenu un diplôme de l'enseignement supérieur est la plus basse", relève le Baromètre des territoires. Cela se traduit par le niveau de vie le plus en comparaison des autres catégories. "72% bouclent leurs fins de mois avec difficulté", note les auteurs du Baromètre. Ils sont deux tiers à constater une dégradation de leur situation financière au cours des douze derniers mois.
Les Français "assignés" sont 60% à se sentir "coincés" dans des territoires économiquement fragiles qu'ils souhaiteraient quitter. Ils sont surreprésentés dans les communes rurales, c'est-à-dire dans des bourgs et petites villes ou dans des zones isolées. Ils sont également présents dans des zones plutôt denses en situation peu favorable. Géographiquement, ils sont en légère surreprésentation en Occitanie, dans le Centre-Val de Loire et le Grand Est.
Trois "assignés" sur quatre estiment avoir une vie sociale "réduite ou nulle", écrivent les auteurs du Baromètre. C'est la catégorie de Français qui expriment le niveau de défiance le plus élevé à l'égard de leurs voisins. La proportion de personnes qui se disent "gilets jaunes" est la plus forte dans cette catégorie avec 34% contre 22% pour l'ensemble des répondants.
Si politiquement, ils sont près d'un sur deux à déclarer n'avoir aucune préférence partisane, le Baromètre met en évidence un pourcentage plus important pour un vote en faveur de Marine Le Pen dès le premier tour de l'élection présidentielle (37% contre 21% pour la moyenne), ainsi qu'une forte abstention (29%).
Les Français "sur le fil"
Les Français "sur le fil" présentent un profil distinct des trois autres catégories. "Ils vivent une forte tension entre leur aspiration à la mobilité sociale et territoriale et une difficulté à s'affranchir de leur situation socioéconomique ainsi que des inégalités territoriales", écrivent les auteurs du Baromètre des territoires 2019.
Ils sont une minorité à se sentir attachés à leur village, ville ou région. Dans le même temps, ils sont une courte majorité à souhaiter déménager pour une autre région et à penser qu'il leur serait facile de quitter l'endroit où ils vivent, ne se sentant pas aussi "coincés" sur leur territoire que les Français "assignés". Ils sont légèrement surreprésentés en Centre-Val de Loire et dans les Hauts-de-France.
Sociologiquement, les Français "sur le fil" sont à l'image de la structure sociodémographique de la France en termes d'âge et de catégories socio-professionnelles, avec une légère surreprésentation des classes moyennes inférieures et des classes populaires. Plus aisés que les "assignés", leur niveau de vie est néanmoins légèrement inférieur au niveau de vie moyen des Français (1 708 euros contre 1 777 euros).
Politiquement, 32% des Français "sur le fil" se sont abstenus ou ont voté blanc ou nul lors du premier tour de l'élection présidentielle. Pour ceux qui ont voté, leurs voix ont été distribuées "quasi identiquement" entre les quatre principaux candidats qu'étaient Emmanuel Macron (23%), Marine Le Pen (22%), Jean-Luc Mélenchon et François Fillon (19%).
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