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Ce que l'on sait du limogeage de la préfète d'Indre-et-Loire, Marie Lajus

Si le gouvernement n'a pas donné de raison officielle, les soutiens de Marie Lajus assurent que des élus locaux se sont plaints de son opposition à la construction d'un laboratoire de recherche sur un site protégé.
Article rédigé par franceinfo
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Marie Lajus, alors préfète de Charente, le 30 janvier 2020 lors du 47e Festival international de la bande dessinée à Angoulême (Charente). (GEORGES GOBET / AFP)

Son départ n'est pas passé inaperçu. Le 7 décembre, en Conseil des ministres, Gérald Darmanin annonce le limogeage de la préfète d'Indre-et-Loire, Marie Lajus. En poste depuis juillet 2020, la Normalienne est débarquée sans explications de la part du gouvernement. Depuis, les réactions d'élus se sont multipliées. La sénatrice PS Nicole Bonnefoy a exprimé sa "consternation" dans une lettre ouverte au ministre de l'Intérieur.

Dans une tribune publiée dans Le Monde , une cinquantaine de personnes, dont des élus des régions où Marie Lajus a exercé, dénoncent "une profonde injustice". Plus de 3 500 personnes avaient également signé, vendredi 30 décembre, une pétition pour soutenir la préfète déchue. Franceinfo vous résume ce que l'on sait de cette affaire. 

La préfète s'opposait à un projet immobilier d'entreprenariat 

Les signataires de la tribune parue dans Le Monde rapportent que "la préfète Marie Lajus aurait été limogée pour avoir fait respecter le droit de l'urbanisme dans une affaire de projet immobilier". Le projet en question, baptisé "Da Vinci Labs", vise à accueillir des chercheurs pour développer l'intelligence artificielle, la technologie quantique et les biotechnologies, comme on peut le lire sur son site internet. Porté par l'homme d'affaires Xavier Aubry, le laboratoire de 4 000 m2 est conçu comme un bâtiment en forme de cercle aux allures futuristes.

Mais le lieu où il pourrait voir le jour fait débat. Il s'agit du parc du château Louise de La Vallière, à Reugny, classé monument historique, et dont Xavier Aubry a fait un hôtel de luxe. L'entrepreneur voudrait faire édifier son laboratoire à environ 500 mètres du château. Mais "les services de l'Etat ont fait état de réserves. La parcelle envisagée est située en zone agricole. La réglementation ne permet pas de construire dessus", avait expliqué Nadia Seguier, secrétaire générale de la préfecture d'Indre-et-Loire, dans les colonnes de La Nouvelle République (article pour les abonnés), quelques jours avant le limogeage de la préfète.

Afin de procéder aux travaux, la préfecture doit donner son aval pour modifier le plan local d'urbanisme (PLU) et rendre le terrain constructible. "L'intérêt scientifique, économique et territorial du projet ainsi que sa soutenabilité financière doivent ainsi être établis sans laisser de place au doute", avait souligné Marie Lajus dans une lettre en mai 2022, citée par le quotidien régional. Xavier Aubry avait reconnu auprès du journal des "réticences de la part de la préfecture"

Ces réticences auraient conduit à son départ 

Sollicité par franceinfo, le ministère de l'Intérieur n'a pas donné d'explication sur le départ de la haute fonctionnaire, se retranchant derrière "le pouvoir discrétionnaire du gouvernement concernant les nominations". Mais selon nos informations, il serait bien lié à ce conflit. Des élus locaux Renaissance auraient ainsi fait pression sur l'exécutif pour pouvoir mener à bien ce projet. 

"Je n'ai pas fait pression, écrit ou envoyé des SMS. J'estime que je n'ai pas à m'immiscer dans la gestion du ministère de l'Intérieur", se défend dans La Nouvelle République Daniel Labaronne, député Renaissance de la 2e circonscription d'Indre-et-Loire, qui soutient le projet. "Marie Lajus ne bloque rien parce que le dossier est toujours en cours d'instruction", ajoute l'élu.

"Ça fait déjà un moment que ça n'allait pas avec les élus locaux", explique à La Nouvelle République Sabrina Hamadi, soutien de Marie Lajus, et cheffe de file de l'opposition écologiste au conseil départemental. "Da Vinci Labs c'est la goutte d'eau. Les élus n'arrivaient pas à communiquer avec elle." 

Début décembre, le président (Les Républicains) du conseil départemental, Jean-Gérard Paumier, avait aussi déploré les blocages visant ce projet, lors d'une réunion des maires d'Indre-et-loire. "Un projet scientifique de 15 millions d'euros (...) destiné à accueillir chercheurs et laboratoires dédiés aux nouvelles technologies, fait l'objet de tracasseries, ce qui risque de le faire partir en Suisse", avait-il lancé, rapporte Le Figaro (article pour les abonnés). Selon Le Canard enchaîné, la prise de parole de Jean-Gérard Paumier dénonçant "le manque de confiance de l'Etat" a été faite le 7 décembre, jour du limogeage de la préfète. 

Une préfète "reconnue pour ses grandes compétences"

Les nombreux soutiens de la haute fonctionnaire saluent l'intégrité de Marie Lajus. "A travers son impartialité, sa probité et son humanité, elle incarne ce que la société attend de l'Etat", peut-on lire dans la tribune. "Assurer le respect de la loi, c’est la condition de notre liberté, c’est permettre l’égalité et la protection de tous, c’est garantir l’effectivité de notre démocratie", soulignent encore les signataires.

Elle était "reconnue pour ses grandes compétences, son dévouement et son sens de l'Etat lors de son mandat de préfète en Charente", affirme la sénatrice Nicole Bonnefoy dans sa lettre ouverte à Gérald Darmanin.

Dans un article publié dans Le Monde, plusieurs préfets (restés anonymes) mettent également en avant les qualités de Marie Lajus. "Elle était souvent citée en exemple" , assure l'un d'eux.

Un limogeage du jour au lendemain

La préfète ne s'est pas exprimée depuis l'affaire, respectant son devoir de réserve. Mais selon les informations de franceinfo, son éviction a été brutale. Une vidéo relayée sur les réseaux sociaux montre Marie Lajus brandir l'article du Canard Enchaîné qui faisait le lien entre le projet Da Vinci Labs et son éviction, en s'exclamant : "Vive la presse libre !"

De leur côté, des élus écologistes demandent des explications, à l'instar d'Emmanuel Denis, maire écologiste de Tours, dans La Nouvelle République : "Ça pose des questions. Si ce sont les élus des territoires qui choisissent leur préfet, on n'est plus dans un Etat de droit." 

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