Pourquoi l'annonce de la candidature à l'Elysée d'Edouard Philippe suscite des remous jusque dans le camp présidentiel

Alors que les tractations pour le poste de Premier ministre battent leur plein, l'ancien Premier ministre a surpris la classe politique en dévoilant ses intentions présidentielles. Un choix de clarté, assument ses troupes, qui agace profondément le parti d'Emmanuel Macron.
Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
L'ancien Premier ministre, Edouard Philippe, à Angers (Maine-et-Loire), le 15 septembre 2023. (LOIC VENANCE / AFP)

Aucune fumée blanche n'est encore visible à Matignon, mais un ancien Premier ministre est désormais candidat déclaré à l'élection présidentielle. Dans une interview au Point publiée mardi 3 septembre, Edouard Philippe a confirmé ses ambitions élyséennes. "Ce n'est un mystère pour personne que je serai candidat à la prochaine présidentielle", a-t-il livré, promettant de proposer un programme "massif" pour les Français. Si le fond de l'annonce ne surprend pas, le calendrier choisi interroge, en pleines tractations politiques pour trouver un chef de gouvernement, deux mois après les législatives anticipées.

"A chaque interview, la question de l'élection présidentielle lui est posée, justifie l'entourage du maire du Havre (Seine-Maritime). À chaque fois, il répond qu'il s'y prépare. Il a choisi d'arrêter de tourner autour du pot et d'être clair : il travaille, se prépare et sera candidat à la prochaine élection présidentielle."

Les proches d'Edouard Philippe vantent tous l'envie de clarté de leur champion, qui a prévenu son camp lors d'un bureau politique quelques instants avant la parution du Point. "Il aime bien que les choses soient claires. Dans la grande confusion actuelle, un peu de clarté ne fait pas de mal. On matérialise une évidence", assure Arnaud Péricard, le maire de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines). "Il l'annonce, il l'affiche. C'était un secret de Polichinelle, maintenant, c'est une certitude", abonde Bérangère Abba, secrétaire générale déléguée d'Horizons, le parti fondé par Edouard Philippe.

"Edouard Philippe a manqué l'occasion de se taire"

Cette officialisation a immédiatement et sans surprise été critiquée par les opposants de l'ancien Premier ministre. "Je trouve que cette annonce est indécente. Au moment où la France est en crise et plongée par Emmanuel Macron dans un bourbier, on a quelqu'un qui vient nous parler de ses ambitions personnelles", a dénoncé mercredi sur France Bleu Edwige Diaz, députée du Rassemblement national. "Le timing est pourri, on n'en a rien à cirer", a carrément fustigé Florence Portelli, vice-présidente de LR, sur RTL. "Ca en dit long sur la situation de fracturation dans le bloc macroniste", a de son côté ironisé sur LCI Manuel Bompard, coordinateur de La France insoumise.

L'annonce a aussi suscité l'incompréhension, voire l'ire des partenaires d'Horizons. "On cherche, mais on ne comprend pas" la stratégie d'Edouard Philippe, confie un poids-lourd du MoDem. Au sein de Renaissance, on a également très moyennement goûté à cette déclaration . "Ce n'est tellement pas dans le timing", soupire un proche d'Emmanuel Macron. "Disons qu'on est sur autre chose : le pays, par exemple", ironise un autre.

"Faire preuve d'individualisme, parler d'une élection prochaine (…), déclarer sa candidature ne me parait pas opportun", a dénoncé sur LCI mardi soir François Patriat, le chef de file des macronistes au Sénat. "[François] Patriat a dit tout haut ce qui se dit tout bas chez Renaissance. Edouard Philippe a manqué l'occasion de se taire", fustige une ancienne ministre d'Emmanuel Macron.

"Clarifier les choses ? Mais c'est déjà clair depuis la création d'Horizons. C'est plutôt une manière de rappeler qu'il est encore là et de faire parler de lui."

Une ancienne ministre d'Emmanuel Macron

à franceinfo

Les soutiens du chef de l'Etat ont par ailleurs en travers de la gorge les références à la potentielle démission d'Emmanuel Macron. Edouard Philippe a annoncé qu'il serait candidat "à la prochaine élection présidentielle", sans évoquer la date de 2027, et a même confirmé qu'il serait sur la ligne de départ pour l'Elysée en cas de présidentielle anticipée. "C'est une sortie doublement maladroite : sur le timing, trois ans avant l'élection, et sur ses sous-entendus qu'il se prépare en fait à une présidentielle anticipée", critique un cadre de Renaissance.

Le chef de l'Etat a pourtant exclu cette hypothèse à plusieurs reprises, notamment dans sa lettre aux Français du 24 juin. "Vous pouvez me faire confiance pour agir jusqu'en mai 2027 comme votre président, protecteur à chaque instant de notre République, de nos valeurs, respectueux du pluralisme et de vos choix, à votre service et à celui de la nation", écrivait-il. 

"On serait prêts"

Mais, dans le camp d'Edouard Philippe, on se prépare à tous les scénarios. "Avec ce qui s'est passé avec la dissolution, les scénarios les plus loufoques ne sont pas irréalisables. Si jamais il y avait une accélération du calendrier, on serait prêts", livre Arnaud Péricard.

"L'époque appelle à anticiper et à se tenir prêt à toute éventualité, ce n'est pas délirant."

Bérangère Abba, secrétaire générale adjointe d'Horizons

à franceinfo

Les proches de l'ancien Premier ministre réfutent toute précipitation. Le principe de l'entretien au Point a par ailleurs été acté durant l'été et l'interview a été réalisée avant la dernière entrevue entre Emmanuel Macron et Edouard Philippe, lundi soir. "Nous n'avons pas à être otage d'un calendrier qui n'est pas le nôtre. Edouard Philippe n'est pas candidat pour Matignon, il a une autre trajectoire", assure Arnaud Péricard. Faisant référence aux relations souvent fraîches entre Horizons et Renaissance, ce proche de l'ancien Premier ministre balaye d'un revers de main les critiques des macronistes : "J'en ai assez de recevoir des leçons de morale de nos partenaires qui n'ont pas toujours été exemplaires en la matière. Chacun doit faire son examen de conscience." 

L'unité du camp présidentiel est en tout cas de nouveau posée avec cette officialisation. "Si Edouard pense pouvoir être candidat en reniant l'action conduite depuis 2017 et en écrasant Renaissance et le Modem, il se trompe lourdement. Sans l'unité du bloc central, aucune victoire ne sera possible en 2027, juge un cadre de Renaissance. Or, Edouard Philippe contribue ici à sa division. C'est une erreur politique, tout simplement." Réponse d'un soutien d'Edouard Philippe : "Oh, ils ont bien été contents que l'on occupe l'espace médiatique quelques heures."

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