Affaire Benalla : quatre contradictions révélées par les auditions devant l'Assembée nationale
Le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, ainsi que le directeur de l’ordre public à la préfecture de police, Alain Gibelin, ont été entendus lundi par les députés réunis en commission d'enquête.
Une salle pleine à craquer pour une ambiance électrique. Réunis en commission d'enquête, les députés ont entendu lundi 23 juillet le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, ainsi que le directeur de l’ordre public à la préfecture de police, Alain Gibelin, dans le cadre de l'affaire Benalla.
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Rôle du jeune collaborateur d'Emmanuel Macron au sein du dispositif de police lors des manifestations du 1er-Mai, autorisation de sa présence en tant qu'observateur lors des événements, réalité de sa suspension après les accusations de violences... Les questions, nombreuses, ont permis de mettre au jour de nombreuses contradictions entre les différents protagonistes de l'affaire. Franceinfo en dresse la liste.
Autorisé par la préfecture à participer au 1er-Mai ? Le préfet dément
Ce que l'Elysée a dit : Dans l'article du Monde révélant l'affaire, le directeur de cabinet du président de la République, Patrick Strzoda, a indiqué avoir accordé à Alexandre Benalla l'autorisation "de participer [en tant qu'observateur] à une intervention auprès de la préfecture de police pour voir comment se gérait une grande manifestation (...) deux jours" avant les rassemblements du 1er-Mai. Une condition nécessaire, mais pas suffisante : la préfecture de police devait en effet accorder une autre autorisation à Alexandre Benalla pour pouvoir l'accueillir durant les opérations de maintien de l'ordre.
Ce qu'Alexandre Benalla a dit : Par la voix de ses avocats, Alexandre Benalla a dit lundi avoir été "invité par la direction de l'ordre public et de la circulation de la préfecture de police de Paris, à observer les opérations de maintien de l'ordre à l'occasion des manifestations du 1er mai, annoncées pour être particulièrement violentes".
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Ce que le ministre de l'Intérieur a dit : "Qui avait invité M. Benalla et M. Crase [aux côtés des forces de police le 1er mai] ? Je n'en sais rien", a certifié Gérard Collomb devant les députés. Le "premier flic de France" a assuré qu'il avait constaté seulement "a posteriori" que les deux hommes étaient "présents sur les lieux".
Ce que le préfet de police a dit : Michel Delpuech l'a assuré aux élus : "Je n'ai jamais, je dis jamais, été sollicité par qui que ce soit" pour autoriser la présence d'Alexandre Benalla lors de la manifestation du 1er-Mai. Il a indiqué plus tôt avoir interrogé Alain Gibelin, directeur de l'ordre public et de la circulation (DOPC) pour en savoir plus. Celui-ci lui aurait indiqué "ne pas avoir été informé, et que c'est le contrôleur général, chef d'état-major adjoint qui avait, sans en rendre compte à son directeur, organisé l'accueil de M. Benalla".
Ce que le directeur de l'ordre public a dit : Dernier auditionné lundi, Alain Gibelin, directeur de l'ordre public et de la circulation, a été catégorique. "Cette autorisation n’existait pas, clairement ! Parce que si elle avait existé, elle n’aurait pu émaner que du préfet de police, lequel n’a jamais ni été sollicité pour une telle autorisation, ni n’est intervenue de quelque manière que ce soit pour la donner". Le responsable a ajouté que chaque directeur de département était "informé par le cabinet du préfet de l’existence d’une autorisation" d'assister à une manifestation et que ces directeurs n'avaient pas la possibilité de les accorder eux-mêmes.
Je répète, de manière formelle, monsieur Alexandre Benalla ne bénéficiait d’aucune autorisation de la préfecture de police pour être sur cette manifestation.
Alain Gibelin, directeur de l'ordre public et de la circulationdevant les députés
Qui aurait dû alerter la justice ? Tous se renvoient la balle
Ce que Gérard Collomb a dit : L'article 40 du Code de procédure pénale indique que le procureur de la République aurait dû être saisi pour se pencher sur les faits reprochés à Alexandre Benalla dès lors que Gérard Collomb, ou "tout officier public ou fonctionnaire" avait acquis "la connaissance d'un crime ou d'un délit". Sur ce point, Gérard Collomb s'est défendu en estimant que "ce n'est pas au ministre qu'il appartient de le faire", étant informé quotidiennement "de suspicions d'infractions ou d'infractions". Et a renvoyé la balle à la préfecture et à l'Elysée.
Le cabinet du président de la République et la préfecture de police disposant de toutes les informations nécessaires pour agir, j’ai considéré que les faits signalés étaient pris en compte au niveau adapté. Et donc, je ne me suis plus occupé de ce sujet.
Gérard Collombdevant les députés
Ce que le préfet de police a dit : Michel Delpuech a expliqué pourquoi il n'avait pas saisi la justice en racontant aux députés comment il avait été mis au courant des faits de violence imputés à Alexandre Benalla. Il a ainsi rapporté avoir reçu un appel d'un collaborateur de l'Elysée le 2 mai "vers 10h15" évoquant l'affaire Benalla, dont il "découvre l'existence".
Il déclare s'être alors renseigné, puis avoir appelé le cabinet de Gérard Collomb. On lui aurait alors assuré que le ministre de l'Intérieur était "déjà informé" des faits et se trouvait "en liaison avec l'Elysée sur le sujet". Le préfet décide alors de ne plus s'en préoccuper, pensant que la présidence de la République se chargerait du dossier : "Il était établi pour moi que le sujet Benalla était traité par l'autorité hiérarchique dont il dépendait [l'Élysée]."
Ce que le directeur de l'ordre public a dit : De son côté, Alain Gibelin a indiqué aux députés avoir "déclenché, quelque part, la procédure de l'article 40". Avec toutefois une subtilité : il ne fait pas, là, référence aux faits de violences reconnus par Alexandre Benalla, mais à la tentative de transmission à celui-ci d'images de vidéosurveillance par trois policiers, mis en examen depuis. Évoquant ces faits portés à sa connaissance le 19 juillet, il indique les avoir signalés "dans l'heure" à Michel Delpuech.
Je notifie dans mon rapport que je souhaite que ces faits soient portés dans l'instant au Procureur de la République.
Alain Gibelin, directeur de l'ordre public et de la circulationdevant les députés
Suspendu, Alexandre Benalla a-t-il quand même participé à des réunions ?
Ce que l'Élysée a dit : Au lendemain des révélations du Monde sur les faits de violences reprochés à Alexandre Benalla, le porte-parole de l'Élysée, Bruno Roger-Petit, a pris pour la première fois la parole en public devant la presse. Il a indiqué que dès que l'entourage du président avait été averti des agissements du garde du corps du chef de l'Etat, le jeune collaborateur s'était vu "notifier une sanction disciplinaire" : une mise à pied de quinze jours avec suspension de salaire, accompagnée d'une rétrogradation. Alexandre Benalla fait depuis l'objet d'une procédure de licenciement.
Ce que le directeur de l'ordre public a dit : Lors de son audition lundi soir à l'Assemblée nationale, Alain Gibelin a répondu "oui" à une question de Marine Le Pen, qui lui demandait si Alexandre Benalla avait participé à des réunions de sécurisation pour l'Élysée entre le 2 et le 18 mai, période pendant laquelle il était censé être mis à pied.
Donc le directeur de l'ordre public, M. Alain Gibelin, confirme que la suspension de 15 jours ayant frappé #AlexandreBenalla n'a jamais existé. C'est un très grave mensonge de l'Elysée. Un de plus... MLP #AffaireBenallaMacron pic.twitter.com/yY1h4aOgXK
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 23 juillet 2018
L'Élysée a démenti auprès de franceinfo mardi matin, avant qu'Alain Gibelin lui-même ne revienne sur ses déclarations. Le directeur de l'ordre public et de la circulation a rédigé une lettre à l'attention de Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Benalla. Il y indique avoir mal compris la question qui lui était posée par Marine Le Pen en raison du bruit ambiant, et évoque notamment une confusion quant aux dates citées par la présidente du Rassemblement national.
Alexandre Benalla connu de la police, mais pas de Gérard Collomb
Ce que Gérard Collomb a dit : Le ministre de l'Intérieur a été l'un des premiers soutiens d'Emmanuel Macron lorsque celui-ci s'est lancé dans la course à l'Elysée. Alexandre Benalla a, de son côté, rejoint l'équipe du candidat pour s'occuper de sa sécurité à la fin de l'année 2016. Pour autant, Gérard Collomb a affirmé ne pas connaître "personnellement" le chargé de mission devant les députés.
Ce que le préfet de police a dit : Contrairement à ce qu'indiquait Gérard Collomb, Michel Delpuech a pour sa part assuré qu'Alexandre Benalla était un "interlocuteur connu" de la police. Il a précisé avoir rencontré le responsable de la sécurité d'Emmanuel Macron à quelques jours du second tour de l'élection présidentiel pour définir les contours du dispositif de sécurité qui serait mis en place le soir de l'élection. Michel Delpuech a ajouté avoir eu d'autres occasions d'échanger avec lui lors de cérémonies importantes, comme lors des commémorations du 8-Mai, des parades du 14-Juillet ou de la visite du président au Salon de l'agriculture.
Ce que le directeur de l'ordre public a dit : Alain Gibelin a confirmé les propos de Michel Delpuech. Selon lui, Alexandre Benalla se prévalait "sur ses cartes de visite" de la "qualité de chef-adjoint du chef de cabinet" du président de la République et était à ce titre "tout à fait crédible en apparence".
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