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Cinq questions sur la détention provisoire d'Alexandre Benalla et de Vincent Crase pour non-respect de leur contrôle judiciaire

L'ancien collaborateur d'Emmanuel Macron et l'ex-employé de La République en marche ont passé une première nuit en prison. Tous les deux sont mis en examen dans le dossier des violences du 1er-Mai.

Article rédigé par franceinfo
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Vincent Crase au palais de justice de Paris, le 19 février 2019. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

Un passage par la case prison pour Alexandre Benalla. Un juge a décidé, mardi 19 février, de placer en détention provisoire l'ancien collaborateur d'Emmanuel Macron pour ne pas avoir respecté son contrôle judiciaire, dans l'enquête sur les violences du 1er mai 2018 à Paris qui lui vaut d'être mis en examen. Son ami Vincent Crase, également mis en examen dans cette affaire, connaît le même sort. Cette décision pose plusieurs questions auxquelles franceinfo tente de répondre.

Pourquoi les deux hommes sont-ils envoyés en prison maintenant et pas avant ?

Alaxandre Benalla et Vincent Crase ont été mis en examen le 22 juillet 2018, notamment pour "violences en réunion", après les événements du 1er-Mai, point de départ de l'affaire. A ce moment-là, la justice n'a pas jugé nécessaire de les placer en détention provisoire, mais a assorti cette mise en examen d'un contrôle judiciaire. Une mesure qui interdisait tout contact entre Alexandre Benalla et Vincent Crase.

Or, le site d'information Mediapart a dévoilé, le 31 janvier, des documents sonores dans lesquels on entend les deux hommes discuter. D'après l'enquête du pure player, ces enregistrements ont été réalisés le 26 juillet 2018, soit quatre jours après la mise en examen d'Alexandre Benalla et de Vincent Crase. En réaction, le parquet a requis leur placement en détention provisoire pour non-respect de leur contrôle judiciaire.

Les magistrats instructeurs ont choisi de suivre ces réquisitions et de convoquer Alexandre Benalla mardi à 11 heures, une heure après Vincent Crase. Puis ils ont saisi le juge des libertés et de la détention (JLD). C'est lui qui a ordonné le placement en détention provisoire. Tout ce processus judiciaire a donc pris 19 jours, un délai classique.

Où sont-ils incarcérés ?

Alexandre Benalla est actuellement à la maison d'arrêt de la Santé à Paris, a indiqué la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, mercredi 20 février, sur franceinfo. "Il est dans une cellule, j'imagine de 9m2, où il y a ce qu'il y a dans toutes les cellules", a-t-elle précisé. Vincent Crase est quant à lui dans un autre établissement pénitentiaire, a indiqué la ministre, sans plus de précision.

Selon une source pénitentiaire, Alexandre Benalla est dans le quartier dit "des personnes vulnérables", où se trouve une dizaine de détenus : "Les règles de la détention y sont les mêmes qu'ailleurs en prison, sauf que les détenus sont 'coupés' des autres détenus. Ils vont en promenade sur un temps dédié." Comme tous les autres détenus de la maison d'arrêt de la Santé, il a un téléphone fixe dans sa cellule, dont les conversations sont systématiquement écoutées. Toutes les conversations des portables sont brouillées.

Combien de temps resteront-ils en prison ?

Difficile à dire. Cela pourrait être un passage éclair, car dans la foulée, les avocats d'Alexandre Benalla et de Vincent Crase ont fait appel du placement en détention provisoire. Ils ont également déposé un référé-liberté. Il s'agit d'une procédure pour demander au président de la chambre de l'instruction d'examiner rapidement l'appel. "Ce qui veut dire que le président de la chambre de l’instruction examinera dans les tous prochains jours cette demande de mise en liberté", a confirmé sur franceinfo mercredi matin Christian Saint-Palais, l'avocat de Vincent Crase.

Je considère que la détention provisoire n’était pas nécessaire, et je suis sûr que tous les juristes qui connaissent un peu le fonctionnement judiciaire s’accorderont sur cela.

Christian Saint-Palais

sur franceinfo

Christian Saint-Palais assure que les pièces qui ont été versées par Mediapart "ont été forcément obtenues illégalement, frauduleusement". "Ces pièces ne peuvent pas permettre d’établir la violation du contrôle judiciaire et je dis qu’en tout état de cause, une rencontre qui aurait eu lieu il y a sept mois ne méritait pas d’être sanctionnée aujourd’hui par la détention provisoire", a-t-il déploré.

Si l'appel est jugé recevable, les deux hommes seront libérés et à nouveau placés sous contrôle judiciaire. Si l'appel est rejeté, ils resteront en prison, possiblement jusqu'à la fin de l'instruction, mais ils peuvent aussi être libérés avant.

Cette détention est-elle liée au rapport rendu par la commission d'enquête du Sénat ?

Non, la commission des lois du Sénat mène son enquête à son rythme. Depuis fin juillet, elle a entendu des ministres, des responsables de la police et de la gendarmerie, mais aussi des personnalités du cercle restreint de l'Elysée, ainsi que le principal intéressé, en septembre. Puis, après la "deuxième affaire Benalla", concernant cette fois l'utilisation de ses passeports diplomatiques après son licenciement, une nouvelle série d'auditions a eu lieu. Toutes les personnes auditionnées ont prêté serment et sont donc passibles de cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende en cas de faux témoignage.

Les sénateurs ont rassemblé tous ces éléments et choisi ce mercredi pour rendre leurs conclusions. Le Sénat a averti la presse lundi en début d'après-midi, bien avant qu'Alexandre Benalla et Vincent Crase soient placés en détention provisoire. De plus, sans attendre les conclusions de la commission d'enquête, plusieurs sénateurs avaient déjà estimé qu'Alexandre Benalla avait menti lors de ses auditions.

Finalement, la commission d'enquête du Sénat a demandé des poursuites contre Alexandre Benalla et Vincent Crase pour "faux témoignage". "Nous ne pouvons pas laisser sans suite ce que nous considérons comme un faux témoignage", a justifié, mercredi, Philippe Bas, président de la commission des lois du Sénat, qui affirme ne pas avoir cédé à "la pression" liée à cette affaire. La décision finale de saisir ou non la justice reviendra au bureau du Sénat, présidé par Gérard Larcher.

Emmanuel Macron peut-il annuler cette décision ?

Evidemment non. Les juges d'instruction mènent leur enquête de leur côté, à charge et à décharge. Eux seuls sont chargés d'organiser le travail de la police judiciaire, de mèner les interrogatoires, de délivrer les mandats d'arrêt, d'ordonner les perquisitions, de mettre les suspects en examen, de demander un placement en détention provisoire au juge des libertés et de la détention. Une fois leur travail terminé, ils décideront du non-lieu de l'affaire ou de son renvoi devant le tribunal.

En parallèle, sont menées des investigations pour identifier les conditions et l'origine des mystérieux enregistrements diffusés par Mediapart le 31 janvier. Mais il ne s'agit pas de la même enquête. En fait, c'est le parquet de Paris qui a chargé, le 4 février, la brigade criminelle d'une enquête pour "atteinte à l'intimité de la vie privée" et "détention illicite d'appareils ou de dispositifs techniques de nature à permettre la réalisation d'interception de télécommunications ou de conversations". C'est uniquement dans le cadre de cette enquête préliminaire que les locaux de Mediapart ont été visés par une perquisition.

"La justice prend son temps et traite de manière rigoureuse et sérieuse les éléments qui lui parviennent. (...) Ce n'est pas une justice sous pression", a déclaré la ministre de la Justice. Nicolas Belloubet était interrogée après des propos de l'avocate d'Alexandre Benalla, qui a dénoncé "une justice sous pression [qui] n'est pas une bonne justice". "Je crois qu'il faut prendre les choses avec calme et avec détermination", a-t-elle insisté.

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