Macron, Castaner, Belloubet... L'exécutif et la majorité tancent le Sénat avant l'audition d'Alexandre Benalla
L'ancien chargé de mission de l'Elysée, mis en examen notamment pour "violences en réunion" en marge des défilés du 1er-Mai à Paris, doit être entendu le 19 septembre par la commission d'enquête sénatoriale.
C'est une période à haute tension entre le Sénat et l'éxecutif. Alexandre Benalla doit être entendu, le 19 septembre, par la commission d'enquête du Palais du Luxembourg, qui cherche à établir quelles étaient réellement ses fonctions à l'Elysée. L'ancien chargé de mission a d'abord refusé de s'y rendre, puis il a accepté, se disant "contraint". Son avocat a dit sur BFMTV étudier "les recours possibles", estimant que "beaucoup de gens ont utilisé aujourd'hui Alexandre Benalla comme étant la torpille à balancer à Emmanuel Macron".
L'avocat n'est pas le seul à critiquer cette audition. Emmanuel Macron lui-même et plusieurs de ses fidèles s'opposent à cette initiative de la commission d'enquête sénatoriale.
Macron passe un coup de fil à Larcher
Selon L'Obs, Emmanuel Macron a appelé, mardi 11 septembre, le président du Sénat pour lui demander de garantir les équilibres institutionnels, estimant en substance que la commission sénatoriale sur l'affaire Benalla s'en éloignait. "Le chef de l'Etat a aussi argué de sa bonne volonté, estimant avoir fait preuve de transparence en autorisant ses collaborateurs à venir répondre aux questions des sénateurs", affirme l'hebdomadaire.
L'entourage de Gérard Larcher a confirmé qu'il avait reçu un appel du président de la République, sans en révéler la teneur. L'entretien a bien porté, entre autres, sur la commission d'enquête sénatoriale, mais également sur des sujets législatifs, a simplement précisé la présidence du Sénat. Silence en revanche à l'Elysée, où l'on s'est refusé à commenter l'information.
"Si des remontrances ont été faites au président du Sénat, elles sont du point de vue constitutionnel totalement inadéquates. Il y a là une atteinte à la séparation des pouvoirs", a analysé pour l'AFP Dominique Rousseau, professeur de droit à Paris-1. Interrogé sur cet appel, le délégué général de La République en marche, Christophe Castaner, a au contraire assuré qu'il s'agissait pour le président de rappeler la séparation des pouvoirs, "l'essence même de la Ve République".
Il y a aujourd'hui – et c'était le sens de l'échange entre le président du Sénat et le président de la République – certaines personnes qui confondent la mission du Parlement, qui est de contrôler le gouvernement, avec une mission, que le Parlement s'auto-attribuerait – de contrôler l'exécutif et la présidence de la République
Christophe Castaner, délégué général de LREM
Castaner avertit les sénateurs
Le délégué général de La République en marche a tancé les sénateurs vendredi matin lors d'une conférence de presse. "Une commission d'enquête qui aurait des ambitions politiques" et penserait "qu'elle peut jouer de ses fonctions de contrôle du gouvernement pour faire tomber un président de la République commettrait une faute constitutionnelle", a-t-il affirmé.
Si certains pensent qu'ils peuvent s'arroger un pouvoir de destitution du président de la République, ils sont eux-mêmes des menaces pour la République.
Christophe Castaner, délégué général de LREM
"On ne comprend pas ces propos, a réplique l'entourage du président du Sénat auprès de l'AFP. Le Sénat est dans son rôle, ni plus ni moins, dans le périmètre qui lui a été accordé. On ne cherche à destituer personne, comme le laissent entendre les propos extravagants de monsieur Castaner. C'est méconnaître la Constitution", s'est insurgé cette source." Dans l'opposition, le chef de La France insoumise, Jean-Luc Melenchon, a lui fustigé "l'escalade sans précédent" des tensions entre l'exécutif et le Sénat. "Le bras de fer de Macron, Castaner et Benalla avec le Sénat est du jamais vu", a-t-il réagi sur Facebook.
Belloubet pointe le risque d'une "immixtion du pouvoir exécutif dans une procédure judiciaire"
La ministre de la Justice Nicole Belloubet a mis en garde la commission d'enquête sénatoriale contre le risque d'un "empiètement sur le domaine judiciaire" au cours de ses travaux sur l'affaire Alexandre Benalla. Dans une tribune publiée dans Le Monde, Nicole Belloubet dit placer sa démarche "au-delà des postures, du sensationnalisme et des jeux politiques" en interpellant la commission des lois du Sénat sur la "séparation des pouvoirs" dans l'affaire Benalla. "Une immixtion du pouvoir exécutif dans une procédure judiciaire serait choquante", écrit-elle.
Le principe de séparation des pouvoirs interdit au Parlement d'empiéter sur le domaine judiciaire.
Nicole BelloubetLe Monde
En outre, Nicole Belloubet rappelle que "le président de la République (...) - et tout ce qui touche à la fonction présidentielle - , ne saurait faire l'objet d'une commission d'enquête". "Cela reviendrait dans les faits à rendre le chef de l'Etat (...) responsable devant le Parlement. La Constitution l'interdit formellement."
La garde des Sceaux avait déjà pris part au débat mardi. Elle estime qu'"il ne peut pas y avoir d'interférences" entre une commission d'enquête et une information judiciaire. "C'est la raison pour laquelle Alexandre Benalla n'a pas encore répondu à la commission d'enquête du Sénat", avait déclaré Nicole Belloubet. "J'ignorais que [Nicole Belloubet] était le conseil juridique de monsieur Benalla", avait ironisé en réponse Philippe Bas, le président LR de la commission d'enquête.
Les sénateurs LREM boycottent l'audition
Les trois sénateurs LREM membres de la commission d'enquête du Sénat sur l'affaire Benalla ne participeront pas à l'audition de l'ex-collaborateur de l'Élysée mercredi, a indiqué dimanche à franceinfo François Patriat, le chef de file des sénateurs En Marche, confirmant une information de BFMTV.
Dès vendredi, l'un d'entre eux, Alain Richard, avait déjà annoncé son intention de boycotter l'événement. "Je n'assisterai pas" à l'audition, avait-il déclaré sur BFMTV, "alors que j'ai été assidu à la commission d'enquête depuis le début, parce que je crois qu'il y avait en effet un travail d'analyse et d'investigation à faire sur le fonctionnement institutionnel" "Je ne crois pas du tout que l'audition de Benalla soit utile dans le cadre de cette investigation institutionnelle", a-t-il justifié, dénonçant "un détournement de mission".
Je ne crois pas que, par cette audition, nous donnions le meilleur exemple.
Alain Richard, sénateur LREMsur BFMTV
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.