Conventions citoyennes, référendums... Quatre questions sur la proposition d'Emmanuel Macron de demander aux Français de "trancher" des "sujets déterminants"

Dans la foulée des vœux présidentiels, l'Élysée a précisé que pour "trancher" des "sujets déterminants", il pourra s'agir de "référendums ou de conventions citoyennes".
Article rédigé par Antoine Deiana, Thomas Pontillon
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Emmanuel Macron a présenté ses vœux télévisés aux Français, le 31 décembre 2024. (KIRAN RIDLEY / AFP)

Les mots "référendum" ou "convention citoyenne" n'ont pas été prononcés lors des vœux présidentiels, le 31 décembre au soir, mais c'est bien ce à quoi pense Emmanuel Macron, confirme son entourage. En avançant l'idée de demander aux Français de "trancher" des "sujets déterminants" en 2025, le président de la République laisse entrevoir des votations évoquées, mais jamais organisés depuis son arrivée à l'Élysée. De nouvelles conventions citoyennes pourraient également être convoquées, après celles sur la fin de vie ou l'écologie. Franceinfo fait le point sur cette proposition du président de la République, qui a suscité de nombreuses réactions sur la scène politique.

1 Une troisième convention citoyenne ?

Deux conventions citoyennes ont déjà été organisées sous la présidence d'Emmanuel Macron. La première a été lancée par le président de la République en 2019 : la convention citoyenne pour le climat. Et la deuxième, la convention citoyenne sur la fin de vie, remonte à 2022. À chaque fois, 150 citoyennes et citoyens sont tirés au sort, en étant représentatifs de la population française. Le président leur pose une question sur un sujet qui fait écho dans le débat public et ils vont débattre entre eux, interroger des experts et formuler des propositions.

Pour la convention citoyenne sur le climat, il leur a été demandé de trouver des solutions et des propositions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40% d'ici 2030. Et plus récemment, Emmanuel Macron a demandé à un nouveau panel si le cadre d'accompagnement de la fin de vie était adapté aux différentes situations rencontrées. Et si ça n'était pas le cas, quels changements devraient être introduits, selon eux.

2 Les conventions citoyennes aboutissent-elles sur du concret ?

Pour la convention citoyenne sur le climat, après huit mois de travail, d'auditions et de débats, les tirés au sort ont fait 149 propositions de mesures, qui devaient être reprises sans filtre, avait promis Emmanuel Macron. Sauf que selon le dernier décompte du ministère de la Transition écologique, 100 de leurs propositions ont été mises en œuvre totalement ou partiellement. Le mot "partiellement" a son importance. Par exemple, concernant la proposition "supprimer tous les plastiques à usage unique dès 2023", elle est bien prise en compte dans la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, mais la sortie des emballages plastique à usage unique est, elle, repoussée en 2040. Et c'est le cas pour beaucoup des mesures retenues et considérées comme "mise en œuvre". C'est ce qu'ont critiqué les 150 tirés au sort après coup : pour eux, seules une dizaine de leurs propositions ont été prises en compte sans filtre ou modification.

Et pour la convention citoyenne sur la fin de vie, ses membres ont jugé le cadre légal actuel insuffisant. Les trois quarts d'entre eux se sont positionnés en faveur d'une aide active à mourir et ont proposé toute une liste de modalités pour l'appliquer, comme une évaluation du discernement de la personne aidée ou encore une validation soumise à une procédure collégiale. À la suite de ces conclusions, à la demande d'Emmanuel Macron, un projet de loi a été présenté aux députés cette année. Il était en discussion jusqu'à la dissolution de l'Assemblée le 9 juin dernier. Mais sa présidente, Yaël Braun-Pivet, s'est engagée à inscrire le texte à l'ordre du jour du 27 janvier prochain.

3 Dans quel cas un référendum peut-il être décidé et dans quelles conditions ?

Le président de la République a à sa disposition deux types de référendum prévus par deux articles différents de la Constitution. D'abord, l'article 11 évoque ce qu'on pourrait appeler le "référendum classique", à l'initiative du chef de l'État, qui pose une question aux Français. Cette question peut porter sur l’organisation des pouvoirs publics ou sur l’autorisation de ratifier un traité international. Cela a par exemple été le cas en 2005, lors du dernier référendum organisé en France sur la Constitution européenne, ou le "non" l'avait emporté.

Un référendum peut aussi porter sur une réforme à venir, mais pas sur n'importe laquelle. L'article 11 précise qu'il s'agit de réformes qui affectent "la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation". Cela signifie, par exemple, qu'un référendum sur une réforme des retraites, comme cela a été évoqué ces derniers mois, serait possible, car cela relève de la politique économique. En revanche, selon plusieurs constitutionnalistes, une réforme sur l'immigration, qui a également été évoquée ces derniers temps, n'est pas prévue en l'état par la Constitution. La raison : le sujet n'est pas uniquement économique, mais aussi sociétal.

Un deuxième type de référendum est prévu par l'article 89 de la Constitution et permet de modifier, justement, la loi fondamentale. Pour ce faire, la procédure est plus complexe et plus lourde. Les deux assemblées, le Sénat et l'Assemblée nationale, doivent voter en premier, au mot près, la révision constitutionnelle avant qu'elle ne soit soumise à référendum. Ce type de référendum n'est utilisé que très rarement, la dernière fois remontant à 2000, lorsque Jacques Chirac avait abaissé la durée du mandat présidentiel de 7 à 5 ans.

4 Des référendums évoqués, mais jamais convoqués ?

Le référendum est souvent évoqué par les présidents, mais est en fait rarement déclenché. Ainsi, au printemps 2022, Emmanuel Macron avait évoqué un possible recours au référendum pour sa réforme des retraites. Quelques années plus tôt, en 2020, lors de la convention citoyenne pour le climat, le chef de l'État avait aussi annoncé un référendum pour faire figurer la préservation de l'environnement dans la Constitution.

Emmanuel Macron n'est pas le premier président à évoquer un référendum sans aller jusqu'au bout. Avant lui, en 1984, François Mitterrand avait annoncé un référendum pour élargir l'utilisation du référendum, sauf qu'il n'a jamais été organisé.

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