Réchauffement climatique, influence de la Chine, statut de la Nouvelle-Calédonie… Les enjeux de la visite d'Emmanuel Macron en Océanie
Cinq ans après sa dernière visite, Emmanuel Macron est de retour à Nouméa, lundi 24 juillet, d'où il entamera une tournée dans la très stratégique région indo-pacifique. Depuis la Nouvelle-Calédonie, il rejoindra le Vanuatu jeudi 27, puis bouclera son voyage en Papouasie-Nouvelle-Guinée, vendredi. Une visite "historique", selon l'entourage du chef de l'Etat. La première d'un président français "dans le Pacifique en dehors de nos territoires" depuis la visite, en 1966, de Charles de Gaulle au Vanuatu, alors appelé Nouvelles-Hébrides et sous administration franco-britannique.
Réchauffement climatique, influence de la Chine, statut de la Nouvelle-Calédonie… Le programme qui attend Emmanuel Macron sera aussi dense que les enjeux sont élevés.
En Nouvelle-Calédonie, "rassembler" loyalistes et indépendantistes
Le président de la République atterrit à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie. Le territoire français au statut autonome a rejeté l'indépendance lors des trois référendums d'autodétermination prévus par l'accord de Nouméa, dont le dernier en 2021, boycotté par les indépendantistes. Selon Céline Pajon, chercheuse à l'Institut français des relations internationales (Ifri), "il faut maintenant envoyer un signal de soutien continu de Paris, montrer que le président est à l'écoute", dans un contexte de négociations éprouvantes sur le futur de l'archipel et la question de l'élargissement du corps électoral.
L'accord de Nouméa signé en 1998 prévoyait un gel électoral conditionnant le vote aux élections locales à plusieurs critères, notamment un certain nombre d'années de présence sur le territoire. Aujourd'hui, les loyalistes sont favorables à l'élargissement du corps électoral, tandis que les indépendantistes y restent réticents. Mais l'accord doit prendre fin en 2024, année des élections provinciales. La nécessité de trouver un nouvel accord avant ces élections se heurte à un mur de contradictions entre les parties prenantes. La visite d'Emmanuel Macron se veut placée sous le signe du "rassemblement" et de la "confiance commune", selon son entourage. L'Elysée a promis "d'inviter l'ensemble de la représentation politique calédonienne à s'entretenir [avec le président] du futur statut et des négociations en cours" avant de nouvelles négociations fin août à Paris.
Proposer une "alternative" face à la Chine
Emmanuel Macron devrait préciser sa stratégie dans la région Asie-Pacifique. Objectif affiché : "réengager la France" selon l'Elysée, alors que la Chine accroît son influence auprès des Etats insulaires de cette zone. Depuis les années 2000, Pékin profite du "désintérêt des grandes puissances pour la région pour prendre cette place vacante", analyse la chercheuse Céline Pajon. Avec l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2012, la Chine est devenue incontournable dans le Pacifique et a su y développer ses intérêts. D'abord pour les ressources naturelles, notamment le lithium et la pêche. Mais aussi parce qu'un contrôle des eaux du Pacifique pourrait s'avérer décisif en cas de guerre avec Taïwan.
"Le gouvernement chinois a tissé des liens étroits avec les élites politiques de ces îles. Ces pays se sont endettés auprès de la Chine et deviennent dépendants politiquement et économiquement."
Céline Pajon, chercheuse à l'Ifrià franceinfo
La signature, au printemps 2022, d'un traité de sécurité entre la Chine et les îles Salomon, historiquement proches de l'Australie, a provoqué un électrochoc en Occident, selon la chercheuse : "Les grandes puissances se sont rendu compte qu'elles avaient perdu beaucoup de terrain." Depuis, les Occidentaux sont soucieux de maximiser leur présence, alors qu'une des clauses de ce traité "ouvre la porte à des forces militaires chinoises aux îles Salomon". Et si la Chine a essuyé quelques mois plus tard "un refus groupé des Etats insulaires" auxquels elle proposait un plan quinquennal portant sur "la sécurité, l'économie, la santé et le climat", selon une note de l'Ifri, elle poursuit tout de même sa quête d'influence.
La France, grâce à ses territoires d'outre-mer, possède la deuxième plus grande zone économique exclusive au monde après les Etats-Unis, et entend se poser en "alternative" à la Chine. L'Elysée espère pour cela appuyer la présence française dans la zone au-delà de ses seules ambassades et renforcer une "coopération avec l'ensemble des Etats du Pacifique". Car "la France n'a aucune stratégie spécifique" dans le Pacifique Sud, estime Céline Pajon. Les Etats-Unis, eux, ont développé une nouvelle stratégie l'année dernière, prévoyant entre autres plusieurs centaines de millions de dollars d'aides aux Etats insulaires. Ils ont aussi organisé un sommet avec les îles du Pacifique et font partie, avec le Japon, l'Inde et l'Australie, du programme de coopération "Quad".
Répondre aux problématiques climatiques de la région
Le chef de l'Etat ne pourra faire l'impasse sur les vives inquiétudes des îles du Pacifique, en première ligne face au réchauffement climatique. La montée des eaux grignote les côtes et menace les populations, de plus en plus contraintes de déménager dans les terres. Le président a d'ailleurs prévu un déplacement le 25 juillet à Touho, sur la côte est de la Nouvelle-Calédonie, symbole de l'érosion qui détruit les paysages. L'entourage d'Emmanuel Macron promet des "mesures fortes", notamment pour permettre au territoire de s'adapter. La Papouasie-Nouvelle-Guinée, victime de la déforestation, sera "pleinement intégrée dans notre action", a ajouté l'Elysée.
D'ici 2100, le niveau de la mer pourrait s'élever de 50 à 70 cm. "Lors de ses derniers déplacements en outre-mer, le président a toujours mis en avant l'importance de ces territoires pour la stratégie indo-pacifique, se souvient Céline Pajon, mais ses interlocuteurs voulaient parler de leurs problématiques climatiques et économiques." Les élus locaux espèrent en tout cas des mesures concrètes.
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