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Prisons : les entrepreneurs incités par le gouvernement à embaucher des détenus

Éric Dupond-Moretti, le garde des Sceaux, appelle les chefs d’entreprises à davantage participer à la réinsertion des détenus en leur proposant des emplois. Il tient jeudi une réunion sur ce thème avec des entrepreneurs, ainsi que des représentants de l'administration pénitentiaire et des syndicats.

Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
Publié Mis à jour
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L'atellier de menuiserie de la prison de Muret, en Haute-Garonne. (LIONEL BONAVENTURE / POOL)

Une vingtaine de patrons et représentants de syndicats professionnels sont conviés jeudi 1er septembre, non pas à Bercy mais place Vendôme, au ministère de la Justice. Une rencontre prévue bien avant la polémique sur les images de détenus faisant du karting à la prison de Fresnes. Eric Dupond-Moretti souhaite convaincre ces patrons qu'il faut développer le travail en prison, facteur réel selon lui de réinsertion pour les détenus, et avec un intérêt aussi pour leurs entreprises, même si l'idée d'embaucher en prison peut faire peur a priori.

Travailler c'est sortir de la cellule, avoir une vie sociale. Dans les centres pénitentiaires français on trouve d'ailleurs plus de détenus qui souhaiteraient travailler que de détenus qui le peuvent. Depuis 20 ans, et la crise économique n'y est pas pour rien, le travail s'est raréfié dans les centres de détention... malgré un léger mieux depuis quatre ans.

Aujourd'hui, 32 % des détenus travaillent. La majorité sont employés du service général, c'est à dire qu'ils œuvrent au bon fonctionnement de l'établissement dans lequel il sont incarcérés : ménage, préparation, distribution des repas.

500 entreprises emploient actuellement des détenus

Mais 10 000 détenus travaillent pour des entreprises extérieures – elles sont 500 aujourd'hui – qui ont des ateliers au sein des établissements pénitentiaires. Si Eric Dupond-Moretti va visiter jeudi, au centre pénitentiaire de Melun, un atelier de codage informatique, la plupart des emplois proposés aux prisonniers sont plutôt des travaux type travail à la chaîne pour de la fabrication de produits textile, de meubles, ou dans l’agroalimentaire, du pelage d'oignon par exemple.

Spontanément les patrons ne pensent pas à faire produire en prison, craignant le résultat et les répercussions en termes d'image. Pour le Garde des sceaux, il faut renverser cette façon de penser et se dire que pour un chef d'entreprise c'est une façon de produire local, de participer à la réinsertion, et de devenir un acteur de la lutte contre la récidive. Eric Dupond Moretti a créé un label : "Peps", c'est-à-dire "Produit en prison" et créé le site travail-prison.fr, nommé un cadre de l'administration pénitentiaire par région pour démarcher activement les responsables de société. Le ministère veille à ce que sur les plans des futures prisons figurent des espaces réservés pour les ateliers de travail, des lieux de stockage.

Les démarches administratives sont gérées par l'Etat

Aujourd'hui, il va leur redire au cours du rendez-vous à la Chancellerie les avantages que cela implique selon lui : les contrats, fiches de paie et toutes les démarches administratives gérées directement par l'Etat, la mise à disposition de locaux, des réductions de charges patronales. C'est moins mis en avant mais il faut aussi dire qu'en salaire un employé détenu coûte moins : jusqu'à peu il n’y avait aucun minimum et peu de règles. Depuis une loi entrée en vigueur le 1er mai 2022, des contrats, des cadres existent et notamment un salaire minimum fixé à 45% du smic.

Pierre Guillet, patron d’Hesion, une PME d’une trentaine de salariés qui fabrique des détecteurs électroniques de gaz, emploie aujourd’hui deux salariés dans un atelier de la prison de Poissy dans les Yvelines. Selon ce patron militant, par ailleurs engagé au sein du Mouvement des Entrepreneurs et dirigeants chrétiens (EDC), cette aventure qui dure depuis plus de trois ans est "intéressante mais pas simple, pas idyllique". Il ajoute : "L’administration pénitentiaire est une administration très lourde. Les moyens d’accès aux ateliers situés en détention sont compliqués. Il faut parfois une heure pour y entrer et une heure pour en sortir. Il faut donc être très motivé et plus animé par une volonté d’aider que par une recherche de rentabilité".

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