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Affaire Penelope Fillon : cinq fois où la défense de François Fillon s'est retournée contre lui

Depuis les révélations du "Canard enchaîné", l'argumentaire du candidat à la présidentielle est souvent pour le moins maladroit. Franceinfo revient sur cette communication hasardeuse.

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
François Fillon, le 29 janvier 2017 lors de son meeting à Paris.  (PASCAL ROSSIGNOL / REUTERS)

Depuis les révélations du Canard enchaîné, mercredi 25 janvier, sur les emplois supposés fictifs de Penelope Fillon, François Fillon peine à éteindre l'incendie. Approximations, erreurs, contradictions… Franceinfo revient sur la défense parfois bancale du candidat de droite à la présidentielle.

1Sur l'embauche de sa femme

Ce qu'il a dit. "Ma femme travaille pour moi depuis toujours, depuis 1981."

Pourquoi sa défense est bancale. Sur ce point, les zones d'ombre sont nombreuses. Penelope Fillon a été embauchée par son mari en 1997, puis elle a travaillé pour son suppléant Marc Joulaud en 2002, explique Le Canard enchaîné. C'est à ce moment-là que son salaire passe de 5 000 euros brut à presque 8 000 euros. Et pour cause, note L'Express : "En cas d'emploi d'un membre de sa famille, les députés ne peuvent leur allouer que la moitié de l'enveloppe collaborateurs. Une contrainte qui n'incombait pas à Marc Joulaud." Si elle travaille avec François Fillon "depuis toujours", comment a-t-elle pu collaborer en parallèle avec son suppléant ?

Autre incohérence, Penelope Fillon s'est toujours faite très discrète dans la carrière publique de son époux. Elle le reconnaît elle-même. "Je ne m'étais jamais impliquée dans la vie politique de mon mari", a-t-elle ainsi déclaré au quotidien Le Bien public, en octobre 2016. Et elle a multiplié, au fil des années, des déclarations du même acabit, aujourd'hui bien embêtantes.

2Sur le travail de Penelope Fillon à l'Assemblée

Ce qu'il a dit. "C'est une femme qui ne fréquente pas les couloirs de l'Assemblée nationale."

Pourquoi sa défense est bancale. Ce sont ses proches qui ne l'aident pas sur cet argument. Bernard Accoyer, patron du parti Les Républicains, a tenté mercredi, sur France Inter, de venir en aide au candidat en assurant qu'il avait souvent vu Penelope Fillon "participer aux travaux [de François Fillon]", "y compris en de multiples circonstances à l'Assemblée nationale". Exactement l'inverse de ce que François Fillon a fini par assurer.

3Sur le salaire d'assistante parlementaire de sa femme

Ce qu'il a dit. "Les parlementaires ont une enveloppe et ils font ce qu'ils veulent."

Pourquoi sa défense est bancale. Ce n'est pas tant le salaire que son montant qui pose question. D'après les chiffres obtenus par Le Canard enchaîné, dans son édition du 1er février, ce ne sont finalement pas 500 000 euros que l'épouse de l'ex-Premier ministre a touché en tant que collaboratrice parlementaire, mais 831 440 euros brut. Penelope Fillon aurait été embauchée entre 1988 et 1990. Puis de 1998 à 2000. Et enfin de mai 2012 à novembre 2013.

Selon l'hebdomadaire, c'est entre 2002 et 2007 qu'elle a été rémunérée le plus, de 6 900 à 7 900 euros mensuels. Une somme très largement supérieure à celles touchées par d'autres au même poste : le salaire d'un assistant parlementaire est d'environ 3 300 euros en moyenne.

Etonnante défense du candidat, qui, l'air de rien, préfère balayer d'un revers de la main les accusations, pour se réfugier derrière cette liberté d'utilisation de l'enveloppe parlementaire. François Fillon est certes dans son bon droit, "mais cette phrase est terrible, il se détruit lui-même", s'étonne l'historien Christian Delporte dans L'Express. "L'homme qui se présente comme anti-système et soucieux de l'argent public montre ici qu'il est pleinement dans le système et qu'il fait ce qu'il veut avec l'argent public."

4Sur l'embauche de ses enfants

Ce qu'il a dit. "J'ai rémunéré pour des missions précises deux de mes enfants, qui étaient avocats, en raison de leurs compétences."

Pourquoi sa défense est bancale. Déstabilisé par les révélations du Canard enchaîné sur sa femme, François Fillon tente, lors de son intervention au 20 heures de TF1, jeudi 26 janvier, de devancer de possibles nouvelles attaques. Sauf que le candidat se prend les pieds dans le tapis. Sa fille Marie et son fils Charles n'étaient que de simples étudiants en droit quand leur père, alors sénateur, les a rémunérés pour ces missions, entre 2005 et 2007, rappelle Le Monde. Ils ne sont devenus avocats que plus tard : respectivement cinq mois et quatre ans après la fin du mandat de sénateur de leur père.

Interrogé par l’Agence France Presse, l’entourage du candidat a expliqué par la suite qu’il avait eu "une imprécision de langage" et qu’il voulait dire que ses enfants "sont avocats" à l’heure actuelle et non qu’ils l’étaient à l’époque. Comme le disait Jean-Pierre Raffarin, "la route est droite, mais la pente est forte."

Sauf que dans son édition du mercredi 1er février, Le Canard enchaîné donne des détails supplémentaires sur l'embauche des enfants Fillon. La fille aînée, Marie, a commencé à travailler pour son père le 1er octobre 2005, comme assistante de sénateur. En quinze mois, jusqu'au 31 décembre 2006, elle aurait perçu 57 084 euros brut au total.

A partir du 1er janvier 2007, c'est son frère cadet, Charles, qui la remplace. Voilà donc l'étudiant en droit également assistant parlementaire. Pour ce travail, il touche 4 846 euros brut mensuels, soit 27% de plus que sa soeur, croit savoir Le Canard enchaîné. Il restera six mois au Sénat, jusqu’à ce que son père soit nommé à Matignon en juin 2007. Le temps d'engranger près de 26 651 euros brut. 

Au total, Marie et Charles Fillon ont perçu près de 84 000 euros brut pour avoir travaillé avec leur père.

5Sur son unique compte bancaire 

Ce qu'il a dit. "Nous n'avons rien à cacher, notre seul compte en banque est au Crédit agricole de Sablé-sur-Sarthe." 

Pourquoi sa défense est bancale. Le problème, c'est qu'il est en théorie impossible pour un député de n'avoir qu'un seul compte bancaire. L'élue écologiste Laurence Abeille l'a immédiatement relevé sur Twitter, dimanche 29 janvier.

Le règlement de l'Assemblée nationale exige en effet un compte spécifique pour verser l'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM). "A moins de n’avoir pas respecté ce règlement, François Fillon a donc nécessairement deux comptes…" souligne Libération. L'équipe du candidat a finalement contacté le journal pour préciser ses propos : François Fillon n'a en fait "qu'une seule banque, mais plusieurs comptes". Décidément, le candidat a bien du mal à s'expliquer.

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