Affaire Penelope Fillon : six questions autour de l'enquête ouverte pour des soupçons d'emploi fictif
L'épouse de François Fillon a été rémunérée pendant huit ans comme attachée parlementaire de son époux, puis du suppléant de celui-ci. Elle aurait touché au total 500 000 euros brut pour un emploi soupçonné d'être fictif, selon "Le Canard enchaîné".
L'affaire est embarrassante pour le candidat de la rigueur budgétaire. Après les révélations du Canard enchaîné sur Penelope Fillon, l'épouse de François Fillon, le parquet national financier (PNF) a ouvert une enquête préliminaire, mercredi 25 janvier, sur des faits présumés de détournement de fonds publics, d'abus de biens sociaux et de recel.
Selon l'hebdomadaire satirique, Penelope Fillon, sans profession connue, a été rémunérée pendant plusieurs années comme collaboratrice parlementaire de son mari, puis du suppléant de celui-ci. Elle aurait perçu au total un montant de 500 000 euros brut pour un emploi dont la réalité est contestée par plusieurs témoignages. Explications.
Sur quoi porte l'enquête ?
Confiée à l'Office central de lutte contre les infractions financières et fiscales, l'enquête préliminaire porte sur des faits présumés de détournement de fonds publics, d'abus de biens sociaux et recel.
La justice va enquêter sur la réalité de l'emploi d'attachée parlementaire de Penelope Fillon. Le Canard enchaîné rapporte qu'elle a été collaboratrice parlementaire de son mari de 1998 à 2002, puis du suppléant de celui-ci, Marc Joulaud, de 2002 à 2007, et de nouveau de son mari en 2012, pendant au moins six mois. D'après les chiffres obtenus par l'hebdomadaire, c'est entre 2002 et 2007 qu'elle a été rémunérée le plus, avec des sommes allant de 6 900 à 7 900 euros mensuels. "Au total, Penelope aura perçu environ 500 000 euros brut sur les caisses parlementaires" en huit ans, sans vraiment "laisser des traces de son passage", affirme Le Canard.
L'hebdomadaire rapporte également que Penelope Fillon a été salariée, entre mai 2012 et décembre 2013, de la Revue des deux mondes, propriété du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière, un ami de François Fillon. Elle aurait touché alors environ 5 000 euros brut par mois, mais n'aurait produit que quelques notes de lecture.
Pourquoi ces activités rémunérées attirent-elles les soupçons ?
Sur le second dossier, celui de l'emploi à la Revue des deux mondes, le témoignage de l'ancien directeur du magazine, Michel Crépu, est accablant. Il affirme à L'Obs "n'avoir jamais rencontré Penelope Fillon".
J'ai découvert comme vous l'existence de son poste.
Michel Crépu, ancien directeur de la Revue des deux mondesà "L'Obs"
Comme le montre cette capture d'écran, seul son mari apparaît comme producteur d'articles dans la revue lorsque l'on recherche "Fillon" comme auteur. Pour la recherche "Penelope Fillon", zéro occurrence. Le Canard enchaîné évoque juste "de brèves critiques littéraires" sur deux ouvrages, Le Tombeau d'Œdipe, de William Marx, et Trois excentriques anglais, de Lucien d'Azay.
Mais le parquet national financier s'attachera surtout à vérifier si l'emploi de Penelope Fillon comme collaboratrice parlementaire correspond à une quelconque réalité, puisqu'il a été payé sur fonds publics. Auteure d'une biographie de François Fillon parue en 2007, l'ancienne journaliste de LCI Christine Kelly a confié au Canard n'avoir "jamais entendu dire que Mme Fillon travaillait". En 2008, Penelope Fillon affirmait elle-même ne pas avoir "de rôle" auprès de son époux : "Je l'accompagne de temps en temps, ça se limite à cela."
Quant au patron des députés PS, Olivier Faure, il fait valoir qu'un collaborateur parlementaire ayant travaillé "pendant huit ans" laisse des traces : "Ça veut dire des milliers de gens rencontrés (...), de mails échangés (...), de courriers." Mais chaque député, selon le site de l'Assemblée, a (quasi) toute latitude pour définir son travail : "Le collaborateur joue le rôle que chaque député lui fixe à l’intérieur de l’équipe qu’il a recrutée."
Que répond François Fillon ?
L'ancien Premier ministre, qui parle de "boules puantes", a demandé mercredi 25 janvier à être reçu "dans les plus brefs délais" par le parquet national financier.
Ceux qui ont pensé m’atteindre doivent être certains de ma détermination. pic.twitter.com/ZAYORNjeMt
— François Fillon (@FrancoisFillon) 25 janvier 2017
Selon Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR et proche du candidat de la droite à la présidentielle, "ce matin même [jeudi], l'avocat de François Fillon prendra l'attache du procureur financier et dans la journée se déplacera avec un certain nombre de pièces". "Nous donnerons très vite à la justice l'ensemble des éléments", a-t-il assuré sur Europe 1, "parce que les choses sont trop graves".
"Il n'est pas question de laisser prendre en otage une campagne présidentielle, c'est la raison pour laquelle François Fillon veut apporter à la justice très rapidement un certain nombre d'éléments", a poursuivi le sénateur de Vendée, assurant que "cette affaire fera pschitt".
Que risquent d'éventuels mis en examen ?
Rien n'interdit à un député d'embaucher des membres de sa famille comme collaborateurs, à condition de respecter quelques règles. La rémunération ne doit pas dépasser la moitié de l'enveloppe de 9 561 euros allouée pour ses collaborateurs, soit 4 750 euros. Règle qui pourrait d'ailleurs expliquer pourquoi Penelope Fillon a vu sa rémunération augmenter lorsque son employeur n’était plus son époux.
En outre, un élu ne peut employer un collaborateur fictif, comme soupçonné dans le cas de Penelope Fillon, selon Le Canard enchaîné. Que risquent d'éventuels mis en examen dans cette affaire ? Le détournement de fonds publics, selon le Code pénal, "est puni de dix ans d'emprisonnement et d'une amende d'un million d'euros, dont le montant peut être porté au double du produit de l'infraction".
Le parquet a-t-il réagi particulièrement vite ?
François Fillon s'est étonné d'une "décision particulièrement rapide" de la justice. Une telle célérité n'est pourtant pas inédite : Le Parisien rappelle que le parquet national financier avait également agi très vite dans l'affaire Aquilino Morelle. Dès le 18 avril 2014, au lendemain de l'article de Mediapart mettant en cause le conseiller de l'Elysée pour ses liens avec des laboratoires pharmaceutiques, une enquête avait été lancée, depuis classée sans suite.
Agir rapidement est d'ailleurs la raison d'être du parquet national financier, créé au printemps 2013, à la suite de l'affaire Cahuzac, pour "envoyer un signal fort en matière de moralisation de la vie publique", rappelle La Croix.
Y a-t-il des précédents ?
Des polémiques avaient déjà éclaté au sujet des emplois d'assistantes parlementaires de Nadia Copé ou Pauline Le Maire, épouses de Jean-François Copé et de Bruno Le Maire. Ou encore à propos de Véronique Bartolone, épouse du président PS de l'Assemblée et chargée de mission à son cabinet, même si Claude Bartolone a toujours expliqué "avoir épousé sa collaboratrice" et non embauché sa femme. Mais aucune action en justice n'a jamais été engagée.
En revanche, au Parlement européen, l'emploi des proches est interdit depuis 2009. Une information judiciaire a par ailleurs été ouverte pour abus de confiance, recel d’abus de confiance, escroquerie en bande organisée, faux et usage de faux et travail dissimulé au sujet des assistants du Front national. Certains d'entre eux sont soupçonnés d'avoir été rémunérés par des fonds européens alors qu'ils étaient affectés à des tâches n'ayant rien à voir avec le Parlement.
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