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François Hollande peut-il être jugé pour violation du secret défense ?

Des voix s'élèvent à droite après les confidences du chef de l'Etat, qui a affirmé avoir ordonné au moins quatre assassinats ciblés de jihadistes.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Le président de la République, François Hollande, le 14 octobre 2016 à l'Elysée. (MARTIN BUREAU / AFP)

Il y a encore un mois, l'affaire aurait simplement fait sourire. Mais depuis la parution du livre "Un président ne devrait pas dire ça..." (éd. Stock) , signé des journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme, des voix s'élèvent à droite pour accuser François Hollande de "violation du secret défense". En cause, l'attitude du président de la République, qui a confié aux journalistes avoir décidé d'"au moins quatre" opérations d'assassinats ciblés contre des jihadistes.

Invité de franceinfo mercredi 2 novembre, Nicolas Sarkozy a évoqué une "forfaiture", affirmant être "sûr qu'un jour ou l'autre monsieur Hollande aurait à rendre compte de cette violation manifeste du secret défense." L'ancien président n'est pas le premier à évoquer une violation du secret défense, délit passible de sept ans de prison et 100 000 euros d'amende, selon l'article 413-10 du Code pénal.

"Ce devrait être un énorme scandale, qui disqualifie le président de la République", avait déjà dénoncé François Fillon la semaine dernière. Quant au député LR Pierre Lellouche, il a demandé à la tribune de l'Assemblée nationale la destitution du chef de l'Etat, une procédure prévue par l'article 68 de la Constitution.

Le président n'est pas responsable des actes liés à sa fonction

Mais que risque vraiment François Hollande ? Sur le plan pénal, il jouit d'une immunité totale pour les actes relevant de ses fonctions. L'article 67 de la Constitution est clair : "Le président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68." Pour les actes liés à sa fonction, il échappe ainsi à toute responsabilité, pendant son mandat, mais aussi après celui-ci.

Sur le fond, il n'est même pas certain que les confidences de François Hollande constituent réellement une violation du secret défense. "Le secret défense est une mesure de protection prise à l'initiative de l'exécutif, pour que ceux qui en sont détenteurs dans la chaîne hiérarchique ne le violent pas. Or, le président est le chef de l'exécutif, le chef des armées, et c'est également lui qui a le pouvoir de lever le secret sur des informations classifiées. En somme, il est le décideur, il fait ce qu'il veut !" souligne un spécialiste du secret défense interrogé par franceinfo, sous le couvert de l'anonymat.

La seule juridiction devant laquelle un président de la République pourrait répondre est la Cour pénale internationale, dont la compétence est reconnue par l'article 53-2 de la Constitution. Quoi qu'en dise Jean-Luc Mélenchon, l'éventualité pour François Hollande d'être traduit devant cette Cour compétente en matière de génocide, crime contre l’humanité et crime de guerre, est proche de zéro. Et concernerait le fait d'avoir ordonné ces assassinats ciblés, pas celui d'avoir divulgué cette information.

Une procédure de destitution très hypothétique

A droite, on évoque surtout l'article 68 de la Constitution, qui fixe les conditions d'une destitution du président de la République. Le chef de l'Etat "ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat", dit le texte suprême de la législation française. La procédure de destitution se situe à mi-chemin entre le judiciaire et le politique, puisque la Haute Cour chargée de statuer est composée des 925 membres de l'Assemblée nationale et du Sénat.

"Pour la convoquer, il faut une proposition émanant de l'une des deux chambres", explique le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier, et que celle-ci soit signée par un dixième des députés ou un dixième des sénateurs, puis votée à une majorité des deux tiers par chacune des deux chambres. La décision de destituer le président de la République doit intervenir dans un délai d'un mois, après une instruction menée par une commission. Elle prend effet immédiatement et n'est susceptible d'aucun recours. 

Là encore, peu de chances que cette procédure – pourtant la seule possible juridiquement – soit lancée contre François Hollande. "Ce n'est pas à nous d’affaiblir Hollande. Au point où il en est, nous n’aurons pas de meilleur adversaire socialiste que lui", a déclaré le patron des députés LR, Christian Jacob, selon un "indiscret" du JDD. Même son de cloche chez Nicolas Sarkozy, mercredi matin sur franceinfo, qui semble déjà ne plus considérer François Hollande comme le chef de l'Etat : "On va destituer qui ? Quoi ? Un gouvernement où chaque jour des ministres disent du mal du président ? Et où, au sommet de l'Etat, il y a une bagarre rangée entre le président et le Premier ministre ?"

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