Au procès des assistants parlementaires du FN, Marine Le Pen soutient qu'il n'y a pas eu de "système" de détournement de fonds publics

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Marine Le Pen lors de son dernier interrogatoire dans le procès des assistants parlementaires du FN devant le tribunal correctionnel de Paris, le 5 novembre 2024. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCE TELEVISIONS)
La cheffe de file des députés du parti d'extrême droite était de retour à la barre, mardi, pour répondre cette fois-ci du chef de complicité de détournement de fonds publics européens.

Elle a trépigné tout l'après-midi sur le banc des prévenus. Marine Le Pen était interrogée pour la dernière fois, mardi 5 novembre, au procès des assistants parlementaires du Front national (devenu le Rassemblement national depuis). La cheffe de file des députés RN a cette fois-ci été entendue du chef de complicité de détournement de fonds publics européens en tant qu'ex-présidente du parti d'extrême droite. "Je boue sur ma chaise", a-t-elle glissé aux journalistes juste avant son interrogatoire, confiant avoir eu "le sentiment" de s'être heurtée à "un mur" pendant ce mois et demi de procès.

Malgré cet apparent découragement, Marine Le Pen s'est avancée vers la barre d'un pas déterminé dans son costume noir, une pile de dossiers sous le bras, comme lors de son précédent interrogatoire. La triple candidate à l'élection présidentielle, rompue aux arènes politiques, a usé de son expérience d'ancienne avocate pour convaincre et tenter de démonter la notion de "système" au cœur de l'accusation. Selon les juges d'instruction, la patronne du FN était "l'une des principales responsables" de ce "système" de détournement des enveloppes des assistants parlementaires des députés européens (21 000 euros par mois). L'objectif, comme l'a rappelé Bénédicte de Perthuis, présidente de la 11e chambre correctionnelle du tribunal, était de "réduire la masse salariale du FN" dans un "contexte d'économies".

"Tomate" et "cocaïne"

"Quatre assistants parlementaires, dont un à mi-temps, étaient issus de la masse salariale du parti et on nous parle d'un système ! C'est injuste", a opposé Marine Le Pen lors de sa déclaration liminaire, usant d'une métaphore toute personnelle à l'adresse de la magistrate : "Quand on est convaincu que tomate est égale à cocaïne, toute la liste de courses est suspecte."

"J'ai eu l'impression à maintes reprises que votre opinion était déjà faite. Et pourtant, je suis arrivée ici avec le souhait sincère d'apporter l'intégralité des réponses que vous attendiez."

Marine Le Pen

devant le tribunal correctionnel

Pendant une heure et demie, Marine Le Pen a donc apporté ses réponses à ce qu'elle avait entendu pendant l'intégralité des débats, auxquels elle a assisté avec assiduité depuis fin septembre. Assurant elle-même sa plaidoirie, elle est revenue sur la notion de "mutualisation" des assistants parlementaires, qui passaient parfois d'un eurodéputé à un autre tout en travaillant, selon l'accusation, pour le parti. "Nous n'avons jamais eu aucune remontrance du Parlement, fait-elle observer. J'ai l'impression qu'on juge hier avec la vision qu'on en a aujourd'hui. A l'époque, les règles n'existaient pas ou étaient beaucoup plus souples."

Que dire de la "gestion centralisée" des enveloppes par les experts-comptables, supervisée par le parti et donc sa dirigeante ? "La centralisation est dans la culture du FN", explique Marine Le Pen dans une pirouette, arguant de la difficulté du parti à trouver des "prestataires" : "Les autres clients se disent : 'C'est l'expert-comptable ou l'imprimeur du FN'. Dans les affaires, on n'aime pas trop les gens marqués politiquement." La prévenue dément, en revanche, avoir "jamais demandé à un député d'embaucher un assistant" en particulier. Mais elle justifie son droit de regard ou "de veto" pour favoriser la démarche de dédiabolisation du parti engagée au gré des succès électoraux. Et ainsi éviter de se retrouver "obligée de justifier le propos négationniste de tel conseiller municipal" devenu assistant parlementaire.

Effets de manche et ligne de défense

Multipliant les effets de manche, Marine Le Pen poursuit sa démonstration avec la question de la "localisation" des assistants parlementaires. L'adresse d'un certain nombre d'entre eux était au siège du parti, à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Un signe, pour les juges, qu'ils n'exerçaient pas au Parlement européen. "A l'Assemblée nationale, les députés ont un bureau, pas de souci. Mais au Parlement européen, où sont les bureaux des députés ? Il n'y a pas de bureaux de députés !", soutient Marine Le Pen, assurant dans le même temps que l'adresse indiquée "était une adresse administrative". Quant au rôle effectif des assistants, la leader du RN déroule la même ligne de défense depuis le début du procès.

"Assistant parlementaire, c'est un statut, ça ne dit rien du travail exigé. Ca va de la secrétaire au rédacteur de discours, du juriste au graphiste, du garde du corps à celui qui tient la permanence. (...) Moi, je crois qu'on ne peut pas empêcher un assistant parlementaire d'avoir une fonction politique."

Marine Le Pen

devant le tribunal correctionnel

Pendant son premier interrogatoire, mi-octobre, Marine Le Pen a en tout cas juré que les assistants parlementaires qu'elle avait embauchés en tant que députée européenne avaient bien travaillé pour elle, répétant n'avoir rien commis d'"illégal", comme les huit autres anciens eurodéputés frontistes et douze de leurs assistants parlementaires, jugés à ses côtés pour détournement de fonds publics et recel de ce délit.

Après son long propos liminaire, dernière occasion pour elle de tenter de "changer la vision" du tribunal "dans ce dossier", Marine Le Pen s'est dite prête à répondre aux questions. Avant de l'interroger, la présidente a prévenu : "La seule question qui nous intéressera, ce sera de déterminer si les assistants parlementaires ont travaillé pour les députés européens auxquels ils étaient rattachés ou pour le FN. Et non de savoir où on doit mettre leur bureau." La décision sera mise en délibéré à l'issue des débats, prévue fin novembre. Marine Le Pen encourt dix ans de prison, un million d'euros d'amende et une peine d'inéligibilité qui pourrait entraver ses ambitions pour la prochaine élection présidentielle, en 2027. 

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