Procès des assistants parlementaires du FN : Marine Le Pen livre sa propre vision du rôle de collaborateur, au premier jour de son interrogatoire

Les explications devant le tribunal correctionnel de Paris de l'ancienne eurodéputée étaient très attendues. Fidèle à sa ligne de défense, elle a assuré qu'un assistant parlementaire "travaille pour son député", et qu'il "peut travailler pour son député au bénéfice de son parti".
Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Marine Le Pen lors de son interrogatoire devant le tribunal correctionnel de Paris, le 14 octobre 2024. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCEINFO)

Elle est arrivée en avance. Marine Le Pen s'est glissée dans le prétoire, lundi 14 octobre, avec de nombreux dossiers contenus dans des chemises colorées et des petites fiches blanches, qu'elle a d'abord posés sur le pupitre. Prête à faire face au feu des questions du tribunal correctionnel de Paris, devant lequel elle est jugée, depuis le 30 septembre, dans l'affaire des assistants parlementaires du FN. Vêtue d'un costume noir sur une chemisette blanche, elle s'est ensuite assise sur le banc des prévenus. "Pas besoin de se préparer quand on dit la vérité", avait lancé à quelques journalistes, avant d'entrer dans la salle d'audience, celle qui aujourd'hui préside le groupe RN à l'Assemblée nationale.

La présidente de la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris, Bénédicte de Perthuis, a d'abord rappelé les faits reprochés à l'ancienne eurodéputée : le détournement des fonds publics, issus du Parlement européen, pour rémunérer quatre de ses assistants parlementaires européens entre 2009 et 2016, alors qu'ils travaillaient, en réalité, pour le Front national, devenu depuis Rassemblement national.

"Le Parlement européen, c'est un peu attention au blob !"

En ce premier jour d'interrogatoire, ce sont des contrats de Catherine Griset, conclus entre décembre 2010 et février 2016, qui intéressent le tribunal. "Je l'ai connue il y a bien longtemps déjà, elle devait avoir 20 ans quand je l'ai embauchée comme secrétaire à mon cabinet d'avocat", commence Marine Le Pen, d'un ton calme. "Elle m'a suivie tout au long de ma carrière", insiste la députée d'extrême droite, qui précise un peu plus tard que Catherine Griset est déjà l'une de ses assistantes lorsqu'elle crée un service juridique au sein du Front national, en 1998.

Interrogée sur la suite de son parcours, l'ancienne eurodéputée évoque son premier mandat au Parlement européen, de 2004 à 2009, une période antérieure aux faits qui lui sont reprochés. Qu'importe : pour Marine Le Pen, c'est l'occasion de développer sa vision peu glorieuse de l'institution, dans une tirade aux accents de discours politique. "Le Parlement européen, c'est un peu attention au blob !", s'exclame-t-elle. "Tout est fait pour que le député européen vive en vase clos. Il faut leur dire parfois 'Coucou, on fait de la politique, il faut que tu ailles à l’extérieur porter ce qu'on fait à l’intérieur'. Il n'y a rien de pire qu'un député qui ne va plus voir un seul électeur à partir du moment où il est élu", déclame Marine Le Pen, qui va jusqu'à parler d'élus "perdus pour la cause". Une expression que Patrick Maisonneuve, l'avocat du Parlement européen, lui demande ensuite de définir. C'est un élu qui "se laisse manger par le blob !", répond-elle. Marine Le Pen hausse le ton et agite ses bras, adoptant des gestes de meeting politique.

"Pas la moindre irrégularité, la moindre illégalité"

L'ancienne parlementaire européenne n'en démord pas : "Je considère que les députés travaillent au bénéficie de leurs idées. Et qui porte leurs idées ? Leur parti. L’activité politique d’un élu se fait au bénéfice de son parti", assume l'ancienne présidente du RN. "Pour le député, l'activité politique fait partie intégrante de son mandat", insiste-t-elle. Selon elle, "un assistant il travaille pour son député, et il peut travailler pour son député au bénéfice de son parti", résume donc l'ancienne présidente du Rassemblement national. "C'est si vrai que vous pouvez compter le nombre de députés qui ont commencé assistants parlementaires", argue-t-elle.

"C'est le député qui décide de la nature" du "travail" de l'assistant parlementaire, estime encore Marine Le Pen. "Il y a 100 types d'assistants différents puisqu'ils vous assistent selon les besoins", insiste la responsable d'extrême droite. Elle affirme qu'aucun texte du Parlement européen ne précise les tâches qui incombent aux assistants parlementaires européens, ce que le ministère public viendra contredire plus tard au cours de l'audience. Il s'agit de la principale ligne de défense du RN et de ses cadres, qui ont toujours prôné la liberté d'octroyer les tâches qu'ils voulaient aux assistants de ses eurodéputés. Interrogée sur cette pratique, initiée lorsque le FN ne comptait au Parlement européen que sept, voire trois députés, elle répond qu'elle avait "le sentiment de ne pas avoir commis la moindre irrégularité, la moindre illégalité".

Tout au long de sa démonstration, Marine Le Pen est peu souvent interrompue par la présidente du tribunal. Mais lorsque les questions se font plus précises, la prévenue semble moins à l'aise. Quand la magistrate lui demande pourquoi elle a changé la nature du contrat de Catherine Griset en 2010, Marine Le Pen élude. "Ce qui apparaît clair quinze ans plus tard n'est pas si clair que ça", répond-elle, se contentant de définir son ancienne assistante parlementaire de "cœur névralgique de [s]on mandat". Son interrogatoire doit se poursuivre mardi et mercredi.

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