Au procès du RN, une ex-assistante parlementaire se définit comme "la porte d'entrée de Marine Le Pen" pour justifier son travail

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Catherine Griset face au tribunal correctionnel de Paris le 15 octobre 2024. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCEINFO)
Catherine Griset, devenue elle-même eurodéputée en 2019, a peiné à convaincre le tribunal qu'elle effectuait des missions en lien avec le Parlement européen et non pas pour le Front national, comme la justice le lui reproche.

"Je n'ai jamais travaillé pour le parti, j'ai travaillé pour Marine Le Pen." Perchée sur des escarpins à hauts talons, Catherine Griset se tient droite et se veut pleine d'assurance à la barre : entre 2010 et 2016, période à laquelle Marine Le Pen était eurodéputée, ses missions étaient bien celles d'une assistante parlementaire européenne, explique-t-elle. Pour appuyer sa démonstration, elle a adressé plusieurs centaines de courriels au tribunal correctionnel de Paris, devant lequel elle est jugée pour recel de détournement de fonds publics. La justice lui reproche d'avoir perçu des salaires de la part du Parlement européen pour un emploi d'assistant parlementaire accréditée, "alors qu'elle occupait en réalité" un poste d'assistante puis de cheffe de cabinet au sein du Front national, quand Marine Le Pen présidait le parti d'extrême droite.

Catherine Griset estime avoir fait "le lien", "la relation", "quand il y avait des choses à faire pour la présidente" du Front national entre les deux fonctions de Marine Le Pen, celle de présidente du FN et celle d'eurodéputée. Une position qui interroge Bénédicte de Perthuis, la présidente de la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris. La magistrate insiste pour comprendre le travail de l'ancienne assistante parlementaire, elle-même élue eurodéputée en 2019, notamment dans la préparation des discours de Marine Le Pen. "Je les reçois, je les mets en forme d'une façon très précise, je lui remets et elle les corrige", développe Catherine Griset. Cette dernière affirme aussi avoir géré à l'époque l'agenda de Marine Le Pen, parmi les autres missions qui lui étaient confiées. "Je suis la porte d'entrée de Marine Le Pen en fait. Les gens qui veulent lui parler, la voir : ils s'adressent à moi."

"Je suis désolée mais je n'avais pas compris"

Autre point soulevé par la présidente du tribunal : pourquoi Catherine Griset ne vivait-elle pas en permanence à Bruxelles ? C'est pourtant ce que le contrat d'assistant parlementaire accrédité (APA), qu'elle a signé, impose, contrairement à d'autres types de contrats. "Je voulais partir à Bruxelles, c'est moi qui ai demandé à partir et vivre là-bas", affirme d'abord Catherine Griset. Puis elle explique qu'elle rentrait régulièrement à Paris, où sa fille vivait toujours. Et finit par reconnaître qu'elle n'y était pas en permanence : "Je n'avais pas compris que je devais vivre tout le temps à Bruxelles, je suis désolée mais je n'avais pas compris ça."

La présidente du tribunal s'engouffre dans la brèche : "Vous y étiez à quelle fréquence ?" "Je dirais deux nuits par semaine", répond Catherine Griset. "Donc quand vous habitez deux nuits à un endroit et que vous dormez cinq nuits à un autre, vous habitez plutôt à un autre endroit, on est d'accord ?" poursuit Bénédicte de Perthuis. Pas de réponse. "En réalité, vous n'avez jamais vécu de façon principale à Bruxelles", conclut la magistrate.

"Je n'ai peut-être pas compris qu'il fallait être à Bruxelles mais j'ai fait mon travail. Je n'ai pas l'impression d'être une criminelle."

Catherine Griset

devant le tribunal correctionnel de Paris

Pour le prouver, les courriels envoyés au tribunal sont projetés sur le grand écran installé dans la salle d'audience. Catherine Griset affirme qu'elle en recevait 500 par jour et qu'une grande partie de son travail était dédiée à leur traitement. "Ce sont des échanges de mails qui parlent du travail européen", souligne Catherine Griset. Plus hésitante, elle essaie tout de même de garder une contenance. Son avocat, resté à ses côtés pendant l'interrogatoire, intervient à sa place. "Chacune de ces 500 pages est en relation avec le Parlement européen", insiste Georges Sauveur. La présidente du tribunal s'agace de son intervention – "Vous n'êtes pas obligé de lui souffler les réponses !" – tandis que l'accusation s'étonne de voir certains passages effacés dans ces messages.

"Je ne me moque pas des règles"

L'avocat du Parlement européen, Patrick Maisonneuve, rebondit : "Vous avez été l'assistante parlementaire de Marine Le Pen, est-ce que vous n'avez pas été aussi l'assistante de Marine Le Pen présidente du Front national ?" Catherine Griset répond par une pirouette : "J'étais l'assistante parlementaire de Marine Le Pen, qui était aussi présidente et députée européenne." Une double casquette que Catherine Griset résume avec cette formule : "Je travaille pour Marine Le Pen personnalité."

Face aux journalistes, Marine Le Pen, interrogée longuement la veille, se félicite des réponses de son ancienne collaboratrice. "Catherine Griset a versé au débat des centaines de preuves du fait qu'elle était mon assistante parlementaire. Je pense que plus personne ne peut [le] contester", déclare-t-elle à la suspension. Quand l'audience reprend, elle s'avance vers la barre et affirme :

"On n'a pas à rougir du travail de nos assistants parlementaires. [Ils] ont fait le travail que l'on attendait d'eux."

Marine Le Pen, ancienne présidente du FN

devant le tribunal correctionnel de Paris

D'une voix forte, la leader d'extrême droite reprend son ton politique et l'assure à la présidente : "La vérité est têtue, voilà ce que ça m'inspire !" A l'entendre, elle non plus n'a rien à se reprocher. "Je ne me moque pas des règles, lance-t-elle. A chaque fois que nous les avons vues, nous les avons appliquées."

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