"Atténuer la tonalité radicale du message" : qu'est-ce que la "stratégie de la cravate" adoptée par le Rassemblement national ?
De la bouche même de Giorgia Meloni, la "diabolisation" de l'extrême droite ne fonctionne plus. La Première ministre italienne s'est réjouie lundi 1er juillet, au lendemain du score historique du Rassemblement national au premier tour des législatives en France. Le parti emmené par Marine Le Pen et Jordan Bardella affiche un succès majeur, écrasant notamment le parti de la majorité présidentiel... avec un style très policé.
Et pour cause : l'extrême droite a "lissé son image" - à travers une apparence "fréquentable" -, qui contraste avec la radicalité de ses propos depuis des années, explique le politologue Jean-Yves Camus. C'est ce qui s'appelle la "stratégie de la cravate", adoptée, selon lui, par le Rassemblement national depuis 2022 et l'élection - record, alors - de 89 députés d'extrême droite. Pourtant, rien de nouveau : cette stratégie a déjà été proné par d'autres partis avant le RN.
franceinfo : Qu'est-ce que la stratégie de la cravate ?
Jean-Yves Camus : C'est une stratégie qui est partie intégrante de celle, plus large, de la dédiabolisation (du RN), qui vise à ce que les candidats et les élus du Rassemblement national, par leur allure vestimentaire notamment, adoptent les codes du "mainstream" politique. C'est une tentative d'atténuation de la tonalité radicale de leur message.
De quand date-t-elle ?
C'est une stratégie qui a toujours existé dans tous les partis d'extrême droite du monde. On avait l'habitude en Italie, à l'époque où le mouvement social italien néofasciste existait sur des bases qui étaient celles de l'apologie du régime mussolinien, de parler de la stratégie de la matraque et du costume trois pièces. C'était dans les années 1970 et cela consistait à expliquer qu'effectivement ces militants et cadres étaient respectables dans leur apparence, mais qu'ils continuaient à avoir une stratégie d'affrontement avec la gauche et l'extrême gauche. Aujourd'hui, au Rassemblement national, cette stratégie de la violence n'est évidemment pas la même que dans les années 70, mais il y a tout de même toujours cette idée que le militant d'extrême droite ou le cadre d'extrême droite est à la fois respectable par son allure, mais toujours homme ou femme de violence, pour ses adversaires.
Cette stratégie fonctionne-t-elle encore aujourd'hui ?
Les codes vestimentaires ont naturellement changé, donc le Rassemblement national regarde quels sont les codes du "mainstream" et il les adopte. C'est une stratégie qui arrive sans doute à lisser l'image du parti, sans oublier que le costume est neutre.
"Vous pouvez arborer les codes vestimentaires de l'époque sans que cela ait le moindre rapport avec les idées que vous vous défendez."
Jean-Yves Camus, politologueà franceinfo
Par exemple, quand on regarde la manière dont est habillée Marine Le Pen, la manière dont elle présente. Dans les enquêtes d'opinion, beaucoup de Français nous disent "on peut se reconnaître en elle", parce qu'il n'y a pas d'excès, de richesse vestimentaire, de coût de l'habillement... Elle est habillée, au fond, comme n'importe quelle femme de sa génération et qui a une autre activité que leader d'un parti politique, ce qui peut contribuer à une certaine empathie.
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